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Chômage partiel, acte 2 : «Pourquoi imposer autant de contreparties aux entreprises ?»

Selon les derniers chiffres de la Dares, plus de 12 millions de salariés ont bénéficié des mesures de chômage partiel depuis le 17 mars dernier (c'est peut-être moins si l'on parle en équivalent temps plein). Le coût pour mars et avril serait de 8,5 milliards selon nos informations, loin des 24 milliards votés.

Jusqu'à fin mai, les indemnités chômage ont été prises en charge par l'État et l'Unédic à hauteur de 70% de la rémunération brute (pour un temps plein), soit environ 84% du salaire net à temps plein. Cette indemnité était versée aux employeurs, chargés ensuite de verser les « salaires » à 84% de l'ancien salaire.

Alors que l'économie reprend (lentement), ce dispositif a vocation à s'éteindre. Ainsi, à partir du 1er juin, si rien ne change pour les salariés qui restent en chômage partiel, la prise en charge par l'État passe de 70% de la rémunération brute de leurs salariés à 60%. Les 15% restants de l'indemnité devront être pris en charge par les employeurs.

Chômage partiel sous conditions

Voilà pour juin. Mais ensuite ? Ensuite on passe au chômage partiel sous conditions.

Par un amendement au projet de loi « relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire » qui vient d'être adopté en commission mixte paritaire, le gouvernement met en place un nouveau dispositif « alternatif à l'activité partielle afin d'accompagner les entreprises subissant une baisse durable d'activité, potentiellement au-delà de la fin de l'année 2020 ».

L'enjeu de ce nouveau « régime d'activité partielle spécifique » ? Jusqu'au 30 juin 2022, il permettra de moduler l'activité de l'entreprise afin de limiter les licenciements. Le dispositif doit permettre de réduire le temps de travail dans certains secteurs où l'activité est réduite, avec une prise en charge des heures non travaillées (partielle ou totale, c'est encore à trancher) par l'État et l'Unédic… À condition de garantir le maintien des emplois, comme l'a précisé la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

Concrètement, la participation financière de l'État sera plus importante en cas d'accord entre l'entreprise et ses partenaires sociaux. Si absence de négociation collective, un « plan d'activité réduite pour le maintien dans l'emploi » pourra être mis en place par l'employeur mais sera contrôlé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) afin de vérifier « l'adéquation des mesures retenues avec la situation de l'entreprise » et la « consultation du comité social et économique » (CSE). Des conditions qui accroissent un peu plus le poids des syndicats dans l'entreprise.

Accords de performance collective

Un autre dispositif, « accord de performance collective », existe depuis 2017 pour permettre aux entreprises de s'adapter à une crise ponctuelle : les employeurs peuvent négocier, temporairement, une hausse du temps de travail, ou une baisse des salaires ou la suppression des primes avec les partenaires sociaux. Si un accord est trouvé, l'employeur doit s'engager à ne licencier aucun employé. Une promesse quasi intenable qui fait que, depuis 2017, seuls 300 accords ont été passés.

Dans l'industrie allemande, le dispositif d'activité partielle peut être activé dès qu'un secteur est en crise et sans contrainte de maintien des emplois en face ; il s'agit d'aider le secteur à traverser une crise passagère et de sauver le maximum d'emplois. Ce système a d'ailleurs été déclenché dans le secteur automobile en septembre 2019. Les entreprises « en crise » peuvent demander le chômage partiel jusqu'à 12 mois et l'État fédéral prendra en charge jusqu'à 67% de la perte du salaire.

Dans une période où l'on sait que la richesse nationale se rétracte de 11%, difficile de comprendre pourquoi tant de contreparties sont imposées aux entreprises de France.