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Seuil minimum ou seuil maximum de logements sociaux, quel coût pour la collectivité ?

Chaque semaine, la Fondation iFRAP passe au crible une mesure au coeur du débat de la présidentielle en partenariat avec l'Express. Cette semaine, la question du logement social :

Les propositions sur la table

La politique du logement représente 37,6 Mds € de soutien soit l'équivalent de 1,6% du PIB français. L'État en est le principal contributeur avec les trois-quarts des avantages divers versés, devant les collectivités locales (10%) et les employeurs via Action Logement. Rappelons que le parc de logement social français est quasiment le plus important d'Europe, légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni, mais loin devant celui des autres pays proches. Il représente ainsi le double de la moyenne des pays membres de l'OCDE, et s'avère même quatre fois supérieur au parc de logements sociaux en Allemagne. Certains candidats proposent de définir un seuil maximum de 30% par ville quand d'autres, au contraire, pensent qu'il faut imposer un seuil minimum de 30%. Des propositions qui ont, bien évidemment, des coûts très différents pour la collectivité. 

On fait chauffer la calculette

30% maximum de logements sociaux dans nos villes ou 30% minimum ? L'enjeu est de taille. Cela signifierait 13 milliards de ventes de logements sociaux à leurs occupants pour l'un, contre 12 milliards d'euros de dépenses en plus pour l'autre.  

La candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse souhaite que le taux de 30% soit un plafond par commune pour favoriser la mixité. Les données de l'Insee indiquent que 330 communes dépassent ce seuil. Pour revenir dans les clous des 30%, il faudrait que les communes cèdent les logements sociaux surnuméraires, ce qui viendrait par la même occasion détendre un marché libre toujours trop étroit pour éviter la hausse des prix dans les zones tendues. On peut les estimer à environ 150 000 logements, pour une recette d'environ 13 Mds €. Cette manne financière ne reviendrait pas dans les caisses de l'État ou des collectivités mais en fonds propres aux bailleurs sociaux et pourrait utilement être utilisée pour de la rénovation/réhabilitation des logements. 

Valérie Pécresse veut aussi simplifier et décentraliser la réglementation en modulant les aides, comme le PTZ ou Ma Prime Rénov', en fonction des besoins des territoires. Idem pour l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) qui doit être adapté à la situation particulière des zones rurales, dans lesquelles cela représente de fait souvent un frein au développement. La présidente de la région Ile-de-France veut mettre en place une fiscalité plus incitative pour transformer les bureaux en logements (exonération temporaire de taxe foncière par exemple.), investir sur les friches pour les rendre viables et ainsi libérer du foncier. Elle souhaite aussi diviser par quatre le temps de jugement des recours contre les opérations immobilières.  

Le candidat Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Yannick Jadot propose, de son côté, de renforcer la loi SRU pour passer le taux de logements sociaux par commune de 25 à 30% (tout en fixant un maximum de 40% soit vendre 50 000 logements pour une recette de 6 milliards d'euros), d'augmenter les sanctions pour les communes en cas de non-respect, et souhaite le transfert automatique des permis de construire aux "Commissaires aux transitions" (à la place des préfets) et une politique de mixité sociale pour lutter contre les ghettos. Il annonce vouloir intensifier la rénovation énergétique des logements, en y consacrant 10 milliards €. Il veut lutter contre la vacance en faisant preuve de plus de coercition vis-à-vis des propriétaires, voire majorer la taxe foncière en cas de sous-occupation de certains logements et généraliser l'encadrement des loyers. Selon un récent rapport du Sénat réalisé par la Cour des comptes, il faudrait construire 600 000 logements sociaux d'ici 2025 dans les 1100 communes qui ne sont pas aux 25% de logements sociaux SRU. Passer à 30% représenterait une pression encore bien plus substantielle, et en faisant l'hypothèse de doubler l'effort de construction, le coût serait de l'ordre de 12 Mds € (Etat + collectivités).  

Jean-Luc Mélenchon, le candidat LFI, propose quant à lui de construire 200 000 logements publics aux normes écologiques par an pendant cinq ans, soit un coût pour l'Etat et les collectivités, en subventions, de 10 milliards d'euros. Il propose également de rendre effectif le droit au logement, d'empêcher le droit de propriété privée de prévaloir sur la protection de l'eau, l'air, l'alimentation, le vivant, la santé... et de mettre en place une garantie universelle des loyers. Cette mesure pourrait, elle aussi, se traduire par des dépenses publiques supplémentaires. 

La candidate socialiste Anne Hidalgo n'a, quant à elle, pas fait connaître de propositions spécifiques. Pour l'actuelle maire de Paris, qui veut promouvoir le logement "abordable", on peut penser qu'elle s'inspirera de la politique qu'elle met en oeuvre dans la capitale, à savoir une politique de développement de logements sociaux par préemption et par inclusion dans les programmes de construction de logements neufs, la lutte contre le développement des locations meublés, et l'encadrement des loyers. 

Marine Le Pen, enfin, propose de réserver une part du parc de logements sociaux aux policiers et de créer une "priorité nationale" pour l'accès des citoyens Français.