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Service de Santé des Armées : revenir au service des militaires

Le SSA, Service de Santé des Armées, est le service interarmées qui a pour objectif de garantir des soins de qualité aux forces armées. Totalement autonome, le SSA emploie 11.110 militaires et 5.038 civils (ETPT 2012) avec une infrastructure qui lui permet d'assurer une compétence dans la formation, la recherche biomédicale et une présence importante sur le territoire national. Alors que le SSA a un caractère et une mission principalement militaires, la majeure partie de son exercice se fait dans la santé publique, créant une tension entre les deux missions du SSA.

Faisant l'objet d'un rapport de la Cour des comptes en 2009 qui a été qualifié de « traumatisant » par l'ancien directeur central du SSA Nédellec, le SSA a été sévèrement critiqué en matière de gestion du personnel et des finances. Le SSA dispose d'un budget estimé à 1,482 milliard d'euros en 2013 dont 930 millions d'euros de crédits budgétaires du ministère de la Défense et 551 millions d'euros de recettes anticipées liées aux activités de soins remboursés. Cependant, les recettes des activités hospitalières du SSA ne suffisent pas à combler les charges de ce dernier. En 2009 la Cour avait noté un déficit d'exploitation de 281 millions d'euros soit -53% des recettes hospitalières alors que le déficit d'exploitation des hôpitaux civils est en moyenne aux alentours de -3%. En 2011, ce déficit était de 205 millions d'euros, soit -35% des recettes hospitalières, d'après le rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes sur le service de santé des armées.

Les crédits budgétaires du ministère de la Défense envers les hôpitaux militaires s'apparentent donc à une subvention d'équilibre budgétaire pour garantir une compétence médicale métropolitaine qui en 2009 avait une activité à caractère civil dans 94.6% de ses interventions [1]. Nous constatons que les hôpitaux militaires ont donc très peu d'activités liées à des opérations militaires, mais constituent une infrastructure en cas de grand conflit et un vivier de personnels médicaux qui, selon la Cour, est très peu projetable compte tenu des rotations et des relèves.

En réponse à ces critiques, le SSA a accéléré les réformes visant une amélioration de sa performance économique, consolidation des composantes du service et une accentuation des efforts au profit de la Défense. En effet, la croissance des recettes provenant des soins sur la base d'une tarification à l'activité (T2A) ont augmenté de 455,7 millions d'euros en 2009 à 551,5 millions d'euros prévus en 2013. Le rapprochement des hôpitaux du SSA et de la santé publique garantit une meilleure utilisation des moyens et réduit le déficit d'exploitation noté par la Cour.

Chiffres-clés des infrastructures du Service de Santé des Armées

- 9 hôpitaux d'instruction des armées (HIA)

- 55 centres médicaux des armées (CMA) et 14 centres médicaux interarmées (CMIA)

- 3 écoles de formation : Val de Grâce, École de santé des armées, École du personnel paramédical des armées

- 1 institut de recherche biomédicale des armées (IRBA)

Le retour vers l'équilibre financier n'est pas sans risques pour la mission principale du SSA qui est de « pourvoir au soutien sanitaire des forces armées ». Le rapport de l'Assemblée Nationale [2] sur la gestion du SSA souligne les réticences nouvelles à être déployé dans les opérations militaires par crainte de réduire le nombre de médecins dans les établissements hospitaliers civils. Ceci irait à l'encontre des objectifs de gain de productivité assignés aux hôpitaux militaires.

Un personnel hospitalier peu sollicité

« Le nombre global des personnels hospitaliers déployés en OPEX chaque année est limité. En 2009, sur un effectif de médecins hospitaliers (hors réservistes) de 617 équivalents temps plein (ETP), 19,15 équivalents temps plein seulement sont partis en opération extérieure, soit 3% du total. Pour le personnel paramédical hospitalier, ce taux n'excède pas 1% (66,64 équivalents temps plein sur un total de 4.688). (…)
Parmi les médecins, l'effort est très inégalement réparti : il pèse surtout sur les spécialistes en chirurgie orthopédique et viscérale. Ainsi, entre 2002 et 2008, sur les 128 chirurgiens ayant ces qualifications et les 110 anesthésistes-réanimateurs potentiellement disponibles pour partir en opération extérieure, 84 ne sont jamais partis (35%) et 49 (20%) ne sont partis qu'une fois (c'est-à-dire deux mois ou moins en quatre ans).
Ces données témoignent que le service de santé des armées peut sans difficulté remplir sa mission en l'état des opérations militaires actuelles. »

Source : Rapport de la Cour des comptes.

Lacunes capacitaires

Tandis que le ministère de la Défense dépense une somme importante sur son parc hospitalier sur le territoire national, les équipements vitaux (hélicoptères et avions de transport médicalisés) dans le soutien médical opérationnel pourraient bénéficier d'une hausse des investissements. Les contraintes budgétaires imposées par la crise ont réduit les crédits d'investissement dans les équipements conduisant à des reports de livraisons en plus des problèmes techniques associés aux nouveaux équipements.

Les risques associés au « trou capacitaire » en matière d'hélicoptères de transport, qui ont été notés à plusieurs reprises dans les rapports du Sénat et de l'Assemblée [3], ont conduit à l'utilisation des moyens américains disponibles pour l'évacuation des blessés en Afghanistan. La livraison des hélicoptères de transport (NH90), qui devait fournir une capacité opérationnelle significative en 2011, a été étalée jusqu'en 2013, forçant l'utilisation et la rénovation partielle du parc vieillissant des 24 Cougars. Une rénovation nécessaire qui aura un coût total de 280 millions d'euros (prix 2011) soit une année de déficit d'exploitation des hôpitaux militaires. De plus, la France ne dispose pas d'un avion médicalisé en permanence mais repose sur un kit ‘Morphée' qui permet de médicaliser un avion en quelques heures, à la différence de l'Allemagne qui dispose d'un avion médicalisé en permanence. La Cour à également relevé une difficulté à transporter certains équipements médicaux lourds due à l'absence de doctrine préétablie et d'une lacune capacitaire dans les avions de transport stratégiques. Ces lacunes capacitaires ont un effet néfaste sur les missions du SSA basé sur une doctrine de ‘médicalisation de l'avant', c'est-a-dire une administration des soins au plus prêt du front.

Conclusion

Alors que le SSA s'engage à réduire ses dépenses en métropole en rapprochant sa coopération avec le système de santé publique, la première mission du service, qui est d'assurer un soutien sanitaire aux armées sur le terrain, pourrait mieux assurer sa mission quotidienne auprès des armées avec une hausse des investissements dans les hélicoptères ou dans les avions de transport. L'infrastructure hospitalière et le vivier des personnels médicaux du SSA sont vitaux pour une montée en puissance en cas de conflit majeur et la coopération avec la santé publique assure cette préparation, notamment sous forme de formation des médecins. Néanmoins, le cœur de mission du Service de Santé des Armées est d'être auprès des armées sur le terrain, et ce volet devrait bénéficier d'une priorité dans l'attribution des crédits et des ressources humaines.

[1] Cour des comptes (2009) Rapport public thématique – Médecins et hôpitaux des armées.

[2] P. 23 Alain Marty, Assemblée Nationale. 2012. Avis sur le Projet de loi de Finances pour 2013 N°235 – Tome III, Défense, soutien et logistique interarmées.

[3] A. Marty, M. Sordi, J-C. Viollet. Rapport d'information N°666. Commission de la Défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, 30 janvier 2008. Y. Krattinger, Y. Trucy Rapport général N°107. Commission des Finances – Annexe N°8, Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien.