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Pôle emploi : inefficace selon la Cour des comptes

Le dernier rapport publié par la Cour des comptes dresse un constat alarmant sur l’efficacité de l’agence publique Pôle emploi. Selon l’institution de la rue Cambon, le plus gros opérateur de l’État connait de nombreuses difficultés opérationnelles et des résultats plus que contrastés. Plusieurs de ces conclusions confortent les propositions de la Fondation iFRAP sur une réforme profonde de l’organisation. 

Le rapport de la Cour des comptes publié le 02/07/2015[1], révèle le gâchis et l’inefficacité de l’agence publique Pôle emploi. Les premières conclusions du rapport sont plutôt inquiétantes :

  • Résultats contrastés et coûts de gestion et de masse salariale en hausse ;
  • Lien avec les entreprises fragilisé, affaiblissement de son rôle d'intermédiaire entre offreurs et demandeurs d'emploi ;
  • Faible accompagnement des chômeurs, moyens humains dispersés et absentéisme élevé.  

Au final la Cour fait la conclusion suivante : "le niveau d’efficience du service rendu par une réponse inappropriée à la montée du chômage et notamment du chômage de longue durée". 

Aujourd’hui on compte 905 agences de Pôle emploi, 141 agences de services spécialisés et 73 plateformes de services (soit 1.119 bureaux) employant 53.000 personnes (dont 32% travaillent aux fonctions support et qui ne sont donc pas au contact des demandeurs d’emploi) pour un budget de fonctionnement de plus de 5 milliards d’euros, 31,2 milliards d’indemnités versées et 3,4 milliards versés au titre de la solidarité. Parmi ses observations la Cour constate que depuis la fusion de 2008 les coûts sont croissants, notamment au niveau salarial. En effet, pour faire face à la montée du chômage 4.000 conseillers ont été recrutés en CDI entre 2012 et 2014.

Le rapport souligne surtout l’inefficacité de la mission d’intermédiaire entre offre et demande d’emploi. Ainsi on peut lire que la réorientation stratégique opérée en 2012  a totalement transformé le rôle de Pôle emploi. La Cour des comptes souligne pour conséquence que l’agence publique « a renoncé à tout objectif global de collecte des offres d’emploi : de ce fait le nombre d’offres d’emplois collectées par l’opérateur est en baisse depuis plusieurs années ». L’accompagnement des chômeurs est aussi pointé du doigt, notamment l’accompagnement renforcé. Ce dernier qui concerne 290.000 demandeurs d’emploi, soit 10% du total mobilise, 20% des conseillers.

Les difficultés opérationnelles de l’agence sont nombreuses avec entre autres un accompagnement individuel des demandeurs d’emploi trop faible. Par exemple 75% des demandeurs d’emploi placés en accompagnement « renforcé » n’ont bénéficié que de quatre contacts en six mois avec leur conseiller. Les moyens humains sont également dispersés et inadaptés à la fonction principale de Pôle emploi. En effet 22% du temps de travail est consacré à des fonctions de gestion et de  management et celui consacré à l’accompagnement des chômeurs ne représente que 30%.

Moins de 13% des demandeurs d'emploi retrouvent du travail grâce à Pôle emploi : 

C’est sûrement le chiffre qui a retenu le plus l’attention dans ce rapport : moins de 13% des personnes interrogées, ont retrouvé un travail grâce à Pôle emploi. Selon l’étude, les candidatures spontanées et les relations personnelles semblent être le moyen le plus efficace pour retrouver un job.

Comment retrouve-t-on un emploi ?

La question « Où avez-vous trouvé cet emploi ou cette mission d’intérim ? » posée aux demandeurs d’emploi sortant pour reprise d’emploi, permet d’évaluer les vecteurs de retour à l’emploi et donne la répartition suivante ventilée par type d’emploi (catégories A, B et C) (juin 2014)

Source : Cour des comptes

Evolution sur la période 2009-2014

Des moyens plus simples pour trouver un emploi :

Aujourd’hui le système de Pôle emploi parait totalement inapproprié à l’heure d’internet. De nombreuses personnes à la recherche d’un emploi en ont déjà fait le constat. Les nombreux sites présents sur le web paraissent bien plus efficaces, aussi bien pour le demandeur que pour l’offreur. Par exemple le site de petites annonces Le bon coin est l’un des supports les plus utilisés pour les offres d’emplois. Avec actuellement 187.000 offres publiées sur le site[2] (Pôle emploi en a collecté 226.000 en mai 2015), l’offre est conséquente, simple d’accès et rapide pour mettre en ligne une annonce (toute personne qui aura utilisé le site sait qu’il faut moins de 5 minutes pour poster une annonce).

Par ailleurs dans de nombreux secteurs, plusieurs sites d’annonces sont devenus la référence. Pour le domaine de la culture le site profilculture.com concentre une très large partie des offres d’emplois du secteur culturel. L’autre tendance est la recherche d’un travail via les réseaux sociaux. Si des sites comme Viadeo (7 millions de CV sur le site) ou LinkedIn sont spécialisés, Twitter est une source non négligeable. D’après une étude de l’intérimaire Randstad[3], 220.000 offres sont partagées chaque mois, ainsi 15 à 20% des offres d’emploi publiées sur Internet se retrouvent aujourd’hui partagées sur Twitter. Il est bien évident que pour une tranche de la population il est bien plus simple de rechercher un emploi sur Internet que d’aller à un rendez-vous dans une agence de Pôle emploi.

 La Fondation iFRAP fait ainsi les propositions suivantes pour améliorer l’efficacité de Pôle emploi :

  • Recentrer Pôle emploi autour de l'indemnisation des chômeurs (rare point positif souligné par la Cour des comptes) ;
  • Confier l’accompagnement et le placement à des agences d’intérim sous la forme de délégations de service public ;
  • Renforcer le rôle support du ministère, à la fois dans la production d’outils standardisés, de données et d’évaluations ;
  • Régionaliser l’agence dans les 13 nouvelles régions afin que ces dernières mettent en place un service public d'accompagnement des demandeurs d'emploi plus efficace, permettrait de créer une collectivité ayant autorité pour coordonner tous les acteurs et les moyens en matière de formation, de suivi et de placement de demandeurs d’emploi et qui puisse définir une stratégie territoriale de développement économique adéquate.

En Allemagne, c’est le nombre d’agents qui diminue

L’agence pour l’emploi allemande (Bundesagentur für Arbeit) est en train de réduire ses effectifs. Avec 95.609 agents en 2014, la BA va réduire de 17.000 agents d’ici 2019. Les missions de l’agence allemande sont beaucoup plus concentrées qu’en France puisqu’elle s’occupe avant tout de délivrer des aides sociales. L’Allemagne laisse également une large place à l’externalisation et aux représentants du secteur privé. L’agence fédérale définit ses critères de délégations notamment selon les capacités financières du prestataire.  Les communes sont aussi de la partie puisque, depuis 2011, elles traitent une partie de l’aide sociale et 5.000 agents ont été transférés vers les échelons locaux. En 2007, 245.000 demandeurs d'emploi étaient orientés pour leur placement vers des opérateurs privés. En 2008, ils étaient 443.000. 


[1] Cour des comptes,  rapport «Pôle emploi à l’épreuve du chômage de masse», http://bit.ly/1IQsQWW

[2] Groupe Randstad, mars 2015 « 220 000 offres d’emploi partagées chaque mois sur Twitter», http://bit.ly/1GPStXt

[3]  Leboncoin.fr page dédiée aux offres d’emplois, http://bit.ly/1FUb17k