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La hausse inquiétante des défaillances d’entreprises se poursuit en 2025

Malgré la réduction du nombre de défaillances aux mois de juillet et août, les défaillances sont reparties à la hausse en septembre, avec une augmentation de 6 % sur un mois. Entre le 1er septembre 2024 et le 31 août 2025, la France a enregistré 67 613 défaillances d’entreprises, soit plus de 8 000 de plus que la moyenne de la période 2010-2019. Le nombre de défaillances pourrait même frôler les 70 000 à la fin de l’année. Ces défaillances concernent avant tout les TPE et PME, et les secteurs de la construction, de l’hébergement et de la restauration. Outre les défaillances, le nombre de radiations d’entreprises explose lui aussi, plus rapidement que les immatriculations. Rattrapage post-Covid des procédures collectives, baisse des marges, incertitude et consommation en berne : le contexte économique et politique de la France ne semble pas propice à une inversion de la tendance des défaillances et radiations d’entreprises.

Une forte hausse du nombre de défaillances en France

Au mois de septembre 2025, les défaillances d’entreprises sont reparties à la hausse, malgré le ralentissement constaté en juillet et en août. Le cabinet Altares estime que plus de 6 800 procédures collectives ont été ouvertes (+6 % en un mois). Ce niveau n’avait jamais été atteint depuis 2009.

Si on s’intéresse au cumul des défaillances sur les douze derniers mois, le résultat est encore plus impressionnant. En août 2025, en cumul sur douze mois, on comptait 67 613 défaillances d’entreprises, contre 59 342 en moyenne sur la période 2010-2019. Alors que le nombre de défaillances a chuté pendant la crise du Covid grâce aux aides publiques aux entreprises, il est reparti rapidement à la hausse pour atteindre des niveaux historiquement élevés. Le nombre de défaillances en cumul sur un an est même plus élevé que pendant la crise des subprimes ! De plus, la hausse du nombre de défaillances ne semble pas s’arrêter puisque les défaillances sont en hausse en septembre 2025 par rapport à septembre 2024. Si la hausse se poursuit jusqu’à la fin de l’année, le nombre de défaillances pourrait bien atteindre un niveau proche de 70 000 pour l’année 2025.

 

Les secteurs d’activité les plus concernés par les procédures collectives sont la construction (14 723 défaillances), le commerce et la réparation automobile (13 701 défaillances), l’hébergement et la restauration (9 061 défaillances) et le conseil et service aux entreprises (8 342 défaillances). Les secteurs dans lesquels les défaillances ont progressé le plus en un an sont le transport et l’entreposage, le conseil et service aux entreprises et les secteurs d’enseignement, santé, action sociale et service aux ménages.

 

Depuis le début de l’année 2025 (entre janvier et octobre), 94 % des entreprises concernées par une procédure collective employaient moins de 10 salariés. Les microentreprises, petites entreprises et TPE comptaient 67 041 défaillances en cumul sur douze mois, soit 99,2 % du total des défaillances. Les moyennes entreprises en ont enregistré 515 et les entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises 57. 

 

Ces défaillances, nombreuses et en hausse, menacent un grand nombre d’emplois en France. Depuis le début de l’année 2025 (jusqu’au 6 octobre 2025), plus de 150 000 emplois ont été menacés par une procédure collective. 37 000 d'entre eux sont des emplois dans des entreprises en situation de liquidation judiciaire, et sont donc voués à disparaître. Plus de 93 000 autres emplois sont dans des entreprises en redressement judiciaire et sont donc fortement menacés. 

Source : Observatoire des Données Economiques du CNAJMJ

La France est-elle la seule concernée par cette explosion des défaillances ?

La dynamique de hausse du nombre de défaillances n’est pas une exception française, et les autres pays européens sont également concernés par cette problématique. Les pays de l’Union européenne ont enregistré une chute du nombre de défaillances durant la crise du Covid puis une reprise soutenue à la sortie de la crise.

 

Cependant, bien que la tendance générale soit similaire, la hausse des défaillances depuis 2021 est bien plus forte en France que dans les autres pays européens. Alors que cette hausse est de 67 % en moyenne dans l’UE et de 75 % en moyenne dans la zone euro, elle est de 150 % en France ! C’est le troisième pays européen avec la plus forte hausse des défaillances d’entreprises depuis 2021 (après la Grèce et la Hongrie). Cet écart important s’explique surtout par les aides publiques aux entreprises durant la crise sanitaire. Les défaillances d’entreprises ont chuté beaucoup plus rapidement en France que dans la plupart des autres pays européens : de 21,9 % en moyenne dans l’UE contre 38,1 % en France entre le T1 et le T2 2020, et de 12,6 % dans l’UE contre 25,8 % en France entre le T4 2019 et le T1 2020. Le retour à la normale donne donc mécaniquement des augmentations de défaillances plus fortes en France. De plus, l’effet de rattrapage post Covid a été plus important en France étant donné l’ampleur des plans d’aides publiques aux entreprises.

Les causes de la hausse des défaillances (1) : un effet de rattrapage post Covid

Les mesures de soutien aux entreprises mises en place pendant la crise sanitaire (prêts garantis par l’Etat, fonds de solidarité, chômage partiel, etc.) ont permis d’éviter la faillite de nombreuses entreprises. Les aides ont notamment soutenu et maintenu artificiellement en vie certaines entreprises fragiles et peu productives, qui n’auraient probablement pas survécu même sans crise sanitaire. Le processus de sélection des entreprises a été entravé : les aides ont créé des entreprises « zombies ». Une fois les aides supprimées après la crise, de nombreuses entreprises se sont retrouvées en grande difficulté. Beaucoup d’entreprises peu productives ont fait faillite. Ceci explique en partie l’explosion du nombre de défaillances depuis 2022. 

De plus, certaines entreprises ayant eu recours aux prêts garantis par l’Etat (PGE) rencontrent des difficultés à rembourser leurs dettes. Plus de 680 000 entreprises ont bénéficié d’un PGE pour un total de 144,5 Mds €. Jusqu’à aujourd’hui, la garantie de l’Etat a été appelée pour 4,2 % des montants de PGE accordés, et environ 4 % des dirigeants d’entreprises craignent des difficultés dans le remboursement de leur PGE. Les TPE et PME sont les entreprises ayant le plus recouru aux PGE (80 % du montant total des PGE), et on constate qu’elles sont celles qui ont connu les plus fortes hausses du nombre de défaillances. 

Les causes de la hausse des défaillances (2) : la crise énergétique et inflationniste et la fin du quoiqu’il en coûte

La crise inflationniste après le début de la guerre en Ukraine a fragilisé les marges des entreprises. Selon l’Insee, au deuxième trimestre 2025, le taux de marge des SNF (société non financière) a diminué de 0,4 % pour atteindre 31,4 % de la valeur ajoutée (contre 32,9 % en 2023 et 32,2 % en 2024). Il devrait encore baisser pour atteindre 31,2 % en fin d’année. Le taux de marge reste supérieur à son niveau de 2019 (27,1 %) mais est en baisse depuis le début de la guerre en Ukraine et la crise énergétique en 2022.

En 2019, la dépense énergétique de l’industrie représentait 6,7 % du CA. En 2022, elle représentait environ 12 % du CA. La facture énergétique des entreprises de l’industrie en France a quasiment doublé en % du CA entre 2019 et 2022.

De plus, la crise inflationniste s’est accompagnée de la fin de la politique du « quoiqu’il en coûte » et d’une politique monétaire restrictive. La hausse des taux d’intérêt a renchéri le coût de l’emprunt pour les entreprises. Les entreprises les plus endettées voient leur charge financière augmenter, ce qui les rend vulnérables aux chocs de trésorerie.

Les causes de la hausse des défaillances (3) : l’incertitude politique et réglementaire 

Plongées dans l’incertitude politique du moment, les entreprises françaises ont réduit leurs investissements et leurs embauches. En 2024, si on ne tient pas compte de 2020 (année de confinements), la France a enregistré le premier recul des investissements des entreprises depuis 12 ans. La situation des finances publiques françaises, la dissolution et les censures et démissions successives de gouvernements brouillent les perspectives des entreprises.

Alors qu’elles sont déjà un contributeur majeur pour les finances publiques, les entreprises vont encore une fois devoir fournir l’essentiel de l’effort demandé pour redresser les comptes publics avec le projet de loi de finances pour 2026. En 2025 déjà, les entreprises ont subi une hausse des prélèvements obligatoires, une réduction des aides à l’apprentissage, une refonte des allègements de charge sur les bas salaires et une hausse de prix des mutuelles. En plus de cela, malgré leur baisse, les taux d’intérêt restent encore assez élevés. D’après le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce (CNGTC), les investissements des entreprises devraient rester orientés à la baisse en 2025. 

En juin 2025, l’indicateur du climat des affaires en France de l’Insee s’établissait à 96, sous la moyenne de longue période (100). Il diminue surtout dans les secteurs de l’industrie et du bâtiment.

 

Cette perte de confiance et ce climat d’incertitude incitent les entreprises à repousser leurs projets d’investissements, ce qui dégrade la croissance de leur activité et les met en difficulté. 

Les causes de la hausse des défaillances (4) : la consommation des ménages en berne

La consommation des ménages français est à un niveau extrêmement faible depuis la crise sanitaire, et plus particulièrement depuis la crise inflationniste et énergétique. L’inflation est depuis retombée sous la barre des 2 % mais les Français ne semblent pas pour autant avoir repris leurs habitudes de consommation normales. En août 2025, la consommation de biens stagne, en hausse de 0,1 % sur un mois selon l’Insee, après une baisse de 0,6 % en juillet. 

L’incertitude politique n’y est encore une fois pas pour rien. Les Français s’inquiètent de la situation budgétaire du pays et craignent une possible hausse des impôts et un retour du chômage. Ils adaptent leurs comportements à cette situation d’incertitude et préfèrent épargner en précaution. Le taux d’épargne en France a progressé de 0,3 % au deuxième trimestre 2025 pour frôler 19 % du revenu disponible brut (RDB) fin juin. Sauf durant la crise sanitaire (2020 et 2021), ce taux n’avait pas été atteint depuis la fin des années 1970. A titre de comparaison, la France est l’un des pays européens où le taux d’épargne est le plus élevé : il est de 15 % du RDB en moyenne dans la zone euro. Le taux d’épargne financière français dépasse même celui de l’Allemagne pour la première fois depuis le quatrième trimestre 2000. 

La conséquence de cette consommation en berne est la contraction des carnets de commandes. Dans son enquête de conjoncture 2025, la Banque de France établit le solde d’opinion des entreprises sur la situation de leurs carnets de commandes. Ce solde correspond à la différence entre le pourcentage des entreprises qui déclarent un carnet de commandes supérieur à la normale et le pourcentage de celles qui déclarent un carnet inférieur à la normale. Depuis plus de 2 ans, ce solde est négatif pour l’industrie et le gros œuvre. Hors crise Covid, cette situation n’avait pas été observée depuis 2015.

 

Les radiations d’entreprises également en forte hausse

En parallèle de la hausse du nombre de défaillances d’entreprises, on constate une envolée des radiations en 2025. Au troisième trimestre de cette année, plus de 95 000 radiations ont été enregistrées (+31 % par rapport au T3 2024). Au début de l’année, les suppressions d’entreprises ont même explosé (+118,6 % entre le T1 2024 et le T1 2025) avec plus de 168 000 radiations au premier trimestre seulement ! Dans le même temps, les immatriculations progressent aussi, mais dans des proportions bien plus faibles. La conséquence directe de ces évolutions est la chute du solde entre immatriculations et radiations (créations nettes d’entreprises) en 2025. En effet, bien que l’année ne soit pas terminée, ce solde est en baisse sur les trois premiers trimestres et même en chute libre au premier (-106,4 % par rapport au T1 2024). Pour la première fois, le stock d’entreprises en France a même baissé au T1 2025, car le solde de créations nettes était négatif (-4992). Pourtant, les créations nettes d’entreprises semblaient progresser en 2023 et 2024 par rapport aux niveaux pré-Covid. Sur la période de janvier à septembre 2025, ce solde est même en baisse de 20 % par rapport à la même période en 2018.