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Chute de la natalité : comment répondre à la crise démographique ?

Depuis les années 1970, la France connaît un effondrement du nombre annuel de naissances (629 000 en 2024) et de son indicateur conjoncturel de fécondité (1,59), aujourd’hui inférieur au seuil de remplacement des générations de 2,05 enfants par femme. Sur les neufs premiers mois de 2025, le nombre de naissances baisse encore de 2,3 % par rapport à 2024. En mai 2025, pour la première fois depuis 1945, le nombre de décès cumulés sur un an a même surpassé le nombre de naissances ! Cette chute de la natalité n’est pas une exception française mais une tendance dans l’ensemble des pays développés, et même contre-intuitivement mais moins fortement dans le monde. La France dispose d’une politique familiale historique et ambitieuse, ce qui lui permet de contenir légèrement le ralentissement démographique, mais pas de l’inverser. Il est très difficile d’affirmer que les politiques familiales et natalistes purement financières permettent de relancer la natalité à long terme tant les contre-exemples sont nombreux (Japon, Italie, Hongrie, Allemagne…). La France pourrait toutefois ralentir la tendance plus efficacement en créant un environnement plus propice à la natalité et en investissant davantage dans la garde d’enfants et en favorisant l’accès à la propriété. La baisse de la natalité est un enjeu majeur qui ne doit pas être négligé notamment pour équilibrer les finances publiques, comme l'explique la Cour des comptes dans un rapport publié en décembre 2025.

Le rapport « Démographie et finances publiques » de la Cour des comptes

La Cour des comptes a publié un rapport sur les liens entre démographie et finances publiques en décembre 2025. Ce rapport alerte la France sur « l’effet ciseau » qui l’attend avec la hausse des dépenses sensibles au vieillissement d’un côté et la réduction de la population active qui limite les capacités de financement de l’autre. 

La population en âge de travailler pourrait reculer de 5 points pour atteindre 50 % en 2070, quand dans le même temps celle des 65 ans et plus pourrait augmenter jusqu’à 30 % (contre 21,8 % en 2024). Ces évolutions pèsent fortement sur la croissance, d’autant plus que notre taux d’emploi (68,8 %) est inférieur à celui de nos voisins européens comme l’Allemagne (77,4 %), les Pays-Bas (82,3 %) et le Danemark (77,2 %). Le vieillissement de la population menace aussi l’investissement étant donné le comportement d’épargne des personnes âgées. Les Français de 65 ans et plus ont contribué pour environ deux tiers de la hausse du taux d’épargne entre 2023 et 2024. Cela s’ajoute à la modification de la composition du patrimoine des retraités qui se détourne des actifs professionnels et risqués au profit de l’immobilier et de placements financiers moins productifs. La Commission européenne estime que le vieillissement démographique réduira la croissance potentielle en France de 0,2 point par an entre 2022 et 2070, malgré la hausse du taux d’emploi (due à la baisse de la population en âge de travailler).

La baisse de la population en emploi ne dégrade pas seulement la croissance mais également les recettes fiscales car la structure des prélèvements obligatoires repose largement sur les actifs. Les plus de 60 ans sont ceux qui reçoivent le plus de transferts sociaux, mais déséquilibrent le régime de Sécurité sociale puisque son financement passe majoritairement par les cotisations, qui reposent sur les revenus du travail.

La Cour des comptes analyse également l’effet du vieillissement sur les dépenses publiques. Les dépenses sensibles au vieillissement représentent déjà plus de 40 % des dépenses publiques en 2023 (en hausse de 11 points depuis 1998) et augmenteront inévitablement dans les prochaines années, au détriment des dépenses consacrées à l’éducation et la politique familiale. Le rapport estime qu’à dépenses par tête et par tranche d’âge inchangée par rapport à 2023, le ratio de dépense publique sur PIB atteindrait 60,8 % en 2070 (contre 57 % en 2023). Pour conserver le ratio de 2023, il faudrait baisser la dépense publique par habitant de 6,1 % d’ici 2070. 

Pourtant, la Cour des comptes déplore à juste titre le manque de prise en compte des enjeux démographiques dans la programmation budgétaire pluriannuelle, qui fait courir le risque de retenir des projections bien trop optimistes et déconnectées de la réalité. Le rapport appelle donc à mieux intégrer cette dynamique dans les projections financières et à actualiser plus régulièrement les projections démographiques pour s’adapter avant qu’il ne soit trop tard. La Cour des comptes invite à diversifier le financement de la protection sociale (pour qu’il pèse moins sur les actifs) et à rehausser le taux d’emploi et allonger la vie active, notamment pour la tranche des 60-70 ans qui sera amenée à avoir une « place croissante » dans la population active.  

La natalité en chute libre en France

En France, la natalité n’a de cesse de baisser depuis la fin du baby-boom dans les années 1970. En 2024, en France métropolitaine, on enregistrait seulement 629 000 naissances, soit le nombre le plus faible depuis la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de naissances se situait pourtant encore à environ 800 000 naissances en 2010. L’indicateur conjoncturel de fécondité, soit le nombre moyen d’enfants qu’une femme aurait au cours de sa vie si le taux de natalité restait constant, a chuté de 2,9 en 1901 à 1,59 en 2024, soit un niveau plus bas que pendant la Seconde Guerre mondiale ! Cet indicateur est passé sous le seuil de remplacement des générations fixé à 2,05 enfants par femme. Cela signifie que sans immigration, la population française tendrait à diminuer à long terme car chaque génération ne serait pas remplacée par une nouvelle génération de taille équivalente. 

La chute de la natalité ne semble pas s’arrêter en 2025. Sur les neuf premiers mois de cette année, les naissances ont reculé de 2,3 % par rapport à 2024. Pire encore, en mai 2025, le nombre de décès cumulés sur un an a dépassé les naissances, une première depuis 1945 ! Cet effondrement est particulièrement préoccupant car il entraîne une baisse du nombre d’actifs et du nombre de consommateurs en France, ce qui pourrait ralentir l’activité économique et tirer la dépense publique à la hausse (dépenses de santé et de retraites en particulier).

On constate également de fortes inégalités territoriales en termes de fécondité, ce qui pourrait transformer certaines régions en espaces de vide démographique. En 2023, par exemple, la Meurthe-et-Moselle n’a compté qu’1,31 enfant par femme et la Haute-Garonne que 1,39. Paris est le département de France avec le plus faible indicateur conjoncturel de fécondité, ex-aequo avec la Haute-Corse, avec 1,25 enfant par femme. Seuls quatre départements se trouvent au-dessus du seuil de reproduction des générations : Mayotte (4,49), Guyane (3,32), La Réunion (2,28) et le val d’Oise (2,11). Les territoires d’Outre-mer sont bien moins touchés par le ralentissement démographique que traverse la France.

Pourquoi les Français ont-ils moins d’enfants ?

Dans une étude réalisée en 2020, l’UNAF montre que les Français veulent en moyenne 2,39 enfants. Pourtant, en 2020, l’indicateur conjoncturel de fécondité n’était que de 1,78 en France métropolitaine, soit 0,61 de moins que le nombre d’enfants désiré. En d’autres termes, les Français voudraient plus d’enfants qu’ils n’en font. Mais alors quels sont les obstacles qui les empêchent d’avoir le nombre d’enfants qu’ils souhaitent ?

Certains considèrent qu’avoir des enfants participe au réchauffement climatique par la hausse de la population. Cette vision est probablement influencée par le débat public qui crée une grande inquiétude, notamment chez les plus jeunes. Pourtant, il serait peut-être plus utile d’expliquer aux Français que la décroissance de la population entraînera des difficultés budgétaires majeures et limitera la capacité de l’Etat à investir dans la transition écologique…

D’autres Français sont plus pragmatiques et considèrent que le coût que représente le fait d’élever un enfant est trop important. Ce coût n’est effectivement pas négligeable : le ministère de la Santé l’évalue à 180 000 € pour un enfant jusqu’à ses 20 ans. Certains prennent également en compte le coût d’opportunité, surtout pour les femmes qui, bien souvent, arrêtent ou réduisent leur activité pour s’occuper de leur enfant.

Outre les préoccupations personnelles, la natalité baisse également en France et dans les autres pays développés en raison de la hausse de l’âge moyen pour avoir un premier enfant. Alors que les femmes avaient leur premier enfant à 24 ans en moyenne en 1974, cette moyenne a grimpé à 29,1 ans en 2023. Ceci est la conséquence de plusieurs évolutions : allongement de la durée des études, difficultés à trouver un emploi stable, allongement de l’espérance de vie, recours à la contraception, etc.

La fécondité varie aussi énormément selon le niveau de vie : les femmes aux niveaux de vie les plus faibles et les plus élevés sont plus enclines à avoir des enfants. Dans les conditions de fécondité de la période 2012-2017, l’indicateur conjoncturel de fécondité des 10 % des femmes les plus modestes (niveau de vie moyen de 633 € par mois) était de 2 enfants par femme et celui des 10 % les plus aisées (en moyenne 4 302 € par mois), de 1,9. À l’inverse, les femmes entre les 3e et 5e déciles de niveau de vie (environ 1 400 € par mois) ont la fécondité la plus basse, avec 1,5 enfant par femme en moyenne.

Ces variations s’expliquent en grande partie par l’arbitrage travail-famille et les coûts d’opportunité associés au fait d’avoir un enfant. En effet, les femmes aux revenus les plus modestes participent généralement moins au marché du travail formel, et les coûts d’opportunité sont donc relativement faibles. Les femmes les plus aisées, elles, disposent de ressources économiques et sociales qui permettent généralement de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale (garde d’enfants plus accessible, plus grande flexibilité au travail, etc.). Cependant, les femmes des déciles de niveau de vie moyens ont à la fois des contraintes économiques importantes et une participation au marché du travail active. Ainsi, la conciliation entre vie familiale et carrière professionnelle est plus difficile.

L’infertilité est aussi un problème plus important aujourd’hui qu’avant. En France, 3,3 millions de personnes sont touchées par l’infertilité. Les deux principales raisons de l’infertilité sont la hausse de l’âge de la première grossesse citée précédemment, et les perturbateurs endocriniens. Entre 1973 et 2011, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a chuté de 52,4 % au niveau mondial selon une méta-analyse publiée en 2017. Le principal facteur de cette baisse est l’exposition aux perturbateurs endocriniens. 

Enfin, bien qu’il n’ait pas été mesuré, l’effet négatif du numérique, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle pourrait être une cause de la baisse de la natalité. C’est en tout cas ce dont s’inquiète l’économiste David Duhamel. Les jeunes femmes de la génération Z veulent en moyenne moins d’enfants que les femmes des générations précédentes. La sociabilité via le numérique pourrait en être une cause dans le sens où elle fragilise le lien social et retire certains jeunes du réel. 

L’efficacité des politiques natalistes est loin d’être avérée

La France, malgré le ralentissement démographique qu’elle traverse, fait partie des pays européens avec les taux de fécondité les plus hauts du continent. Notre modèle de politique familiale historique et ambitieuse est mis en avant. Mais, comme dit précédemment, notre politique ne semble pas suffisamment efficace pour inverser la tendance, et notre indicateur conjoncturel de fécondité reste inférieur au seuil de remplacement. Notre déclin démographique est retardé et moins rapide par rapport aux autres pays européens, mais il n’en reste pas moins une réalité.

La politique familiale est en effet particulièrement généreuse en France, mais le système est complexe et particulièrement coûteux. Le montant global des prestations familiales financées par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) s’est élevé à 40,86 Mds€ en 2024, et devrait atteindre environ 41,86 Mds€ en 2025. La part la plus importante revient aux prestations d’entretien en faveur de la famille (allocations familiales). Viennent ensuite les prestations d’accueil du jeune enfant (Paje). Elles comprennent le complément mode de garde et les primes à la naissance. Si on ajoute les transferts nets, les charges de gestion courante et les autres charges, les charges nettes de la CNAF s’élèvent à 57,85 Mds€ en 2024 et 59,35 Mds€ en 2025.

La branche famille reste toutefois excédentaire, avec un résultat net d’environ +1,1 Md€ en 2024, estimé à +843 M€ en 2025, et prévu à près de +1,4 Md€ en 2026. Cet excédent est pourtant fortement réduit par les transferts nets vers les branches maladie et vieillesse, qui servent à combler en partie les déficits élevés de ces branches. 

Les excédents de la branche famille sont en partie utilisés pour financer…les retraites

La branche famille contribue au financement des branches maladie et vieillesse, dont elle réduit ainsi le déficit. En 2024, les transferts nets s’élevaient à environ 13,8 Mds€ et représentaient 23,8 % des dépenses de la branche. Quasiment un quart des charges de la branche famille ne sont donc pas des dépenses affectées aux familles…ces transferts nets n’existaient pas avant 1972, et ont augmenté fortement entre 2001 et 2011, et à nouveau depuis 2023. Aucune recette supplémentaire n’a été affectée à la branche famille pour compenser, ce qui signifie que les transferts nets empêchent la CNAF d’affecter les ressources à d’autres usages pour la politique familiale.

Les transferts liés à la prise en charge des cotisations vieillesse ont augmenté progressivement depuis 1973, pour atteindre 5,1 Mds€ en 2024, soit 8,8 % des dépenses de la CNAF. A partir de 2001, la CNAF prend également en charge une partie des majorations de pensions de retraite pour les retraités ayant eu des enfants. Depuis 2011, la branche famille prend même en charge l’intégralité de ces dépenses de majorations. Cela représente des transferts de près de 5,8 Mds€ en 2024, soit 10 % des dépenses nettes de la branche.

Concrètement, 18,8 % des dépenses de la branche famille sont utilisées pour financer les retraites et combler discrètement une partie du déficit de la branche vieillesse…On finance donc les retraites avec des ressources censées être destinées aux parents pour supporter le coût de leurs enfants. La France a donc fait le choix d’entretenir le niveau de vie des inactifs en faisant peser une nouvelle fois le coût sur les actifs et futurs actifs.

Il est très compliqué d’établir un lien de causalité entre politique nataliste généreuse et hausse de l’indicateur de fécondité. Comme dit précédemment, la baisse de l’indice de fécondité est un phénomène mondial, qui touche tous les pays développés, quel que soit leur politique familiale. Certains pays comme la Suède offrent des avantages importants aux parents, avec 75 semaines de congé maternité, et des dépenses en prestations familiales similaires à la France en part du PIB (plus de 3 % du PIB). Mais ces pays ne sont pas épargnés par le déclin démographique : l’indicateur de fécondité est de 1,45 en Suède en 2023. L’Allemagne, qui dépense encore davantage, est un des pays européens qui souffrent le plus du vieillissement de la population, avec un taux de fécondité de 1,39 enfant par femme. A l’inverse, les Etats-Unis, qui dépensent environ 1 % de leur PIB dans les politiques familiales (un des plus faibles de taux des pays de l’OCDE), ont un indicateur de fécondité supérieur à la majorité des pays européens. L’échec de la politique nataliste lancée par Giorgia Meloni en Italie dès son arrivée au pouvoir montre que la politique nataliste ne permet pas de contrer efficacement le déclin démographique.

L’échec des politiques natalistes : le cas italien

Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, Giorgia Meloni a fait de la lutte contre le déclin démographique une priorité. En effet, l’Italie est l’un des pays européens les plus touchés par la chute de la natalité. La présidente du Conseil des ministres italienne a mis en place des mesures telles que des exonérations totales de cotisations IVS (vieillesse, invalidité et survivants) pour les mères de trois enfants ou plus salariées (plafond à 3 000 € annuels), un mois de congé parental supplémentaire rémunéré à 80 % du salaire, un bonus de 3 600 € pour la garde d'enfants pour les familles à revenus modestes, une majoration de 50 % de l’allocation pour le premier enfant, la réduction de la TVA sur certains produits de première enfance (limitée en 2024).

Cependant, les résultats sont loin d’être au rendez-vous. Le déclin démographique italien se poursuit : le taux de natalité est tombé au plus bas en 2024, le nombre de naissances a continué de chuter, et le taux de fécondité a atteint son plus bas historique, avec 1,18 enfant par femme. 

Il faut rendre l’environnement social et économique plus propice à l’envie d’avoir des enfants

L’échec relatif des politiques familiales ne doit pas décourager complètement l’Etat. Même si les politiques familiales ne permettent pas d’inverser la tendance à la baisse du nombre de naissances, certaines peuvent participer à la création d’un environnement plus propice à fonder une famille. Les aides financières à elles seules ne constituent pas des motivations suffisantes pour avoir des enfants puisqu’elles sont loin de couvrir le coût total que représente le fait d’élever un enfant.

Pour créer un environnement plus favorable aux familles, il faudrait déjà développer le service public de la petite enfance. Malgré une augmentation de 0,4 % par rapport à 2021, le taux de couverture n’est que de 60,3 places théoriques pour 100 enfants de moins de 3 ans. Pour pallier le manque de places, augmenter le nombre d’établissements n’est pas suffisant : le véritable problème est le manque de personnel. Selon la CNAF, au 1er avril 2022, 8 908 postes auprès d’enfants sont déclarés durablement vacants ou non remplacés. Le nombre de places en crèches a progressé bien moins vite en France qu’ailleurs en Europe. Le nombre de places pour 1 000 naissances est désormais plus faible que dans les pays d’Europe du Nord, notamment en Allemagne. Cette tendance ne risque pas de s’inverser si rien n’est fait, puisque les prochaines années devraient être marquées par des départs à la retraite massifs des membres du personnel des crèches.

Seules les micro-crèches, créées par des acteurs privés et où les parents sont financés (et non les crèches directement subventionnées), semblent efficaces. Ce secteur a représenté l’essentiel de la création de places alors qu’il est minoritaire. Pourtant, la CNAF souhaite supprimer ce régime pour le faire entrer dans le régime commun…qui dysfonctionne.

La question du service à la petite enfance est centrale, puisque les Français sont de plus en plus éduqués, et de moins en moins enclin à sacrifier leur vie professionnelle pour leur vie familiale. Selon une étude de la Drees de 2021, dans plus de la moitié des cas, dans un couple hétéroparental dans un foyer avec au moins un enfant de moins de 6 ans, un des deux parents (ou les deux) s’éloigne de l’emploi pour s’occuper de leurs enfants. Dans 41,7 % des cas, c’est la femme qui s’éloigne de son travail, contre 8,4 % des cas pour les hommes. Cette tendance des femmes à s’éloigner du monde du travail pour s’occuper de leur enfant peut être un frein à l’envie de fonder une famille.

Les situations varient énormément selon la catégorie sociale du couple. Les mères ouvrières ou employées sont bien plus souvent éloignées de l’emploi que les femmes cadres ou de profession intellectuelle supérieure. D’un côté, les femmes ouvrières et employées manquent souvent de moyens pour trouver une solution de garde pour leurs enfants, tandis que les femmes cadres ou de profession intellectuelle sont moins nombreuses à avoir des enfants, et les ont plus tardivement, pour avoir une situation stable qui leur permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. C’est une des explications de la fécondité plus faible chez les femmes des classes moyennes.

Source : Drees

Aujourd’hui la gestion des crèches n’est pas satisfaisante. Elle souffre d’abord de la bureaucratie : CAF, régions, départements, communes, ministère de la Solidarité, tout le monde s’occupe des crèches. Les règles et contraintes imposées au personnel des crèches sont aussi trop lourdes. Tous les professionnels dans une crèche doivent avoir une qualification « petite enfance » et 40 % d’entre eux doivent être des auxiliaires de puériculture, des infirmiers, des infirmiers puériculteurs, des éducateurs de jeunes enfants ou des psychomotriciens diplômés. Les autres doivent avoir un CAP « Accompagnant éducatif petite enfance », un BEP sanitaire et social ou d’une autre qualification requise. La France demande beaucoup plus de diplômes que ses voisins européens. Au Royaume-Uni, par exemple, une crèche doit seulement compter un membre du personnel qui détient une qualification de niveau bac technologique. En France, on n’autorise même pas les crèches à former leurs salariés ou à recourir davantage à l’apprentissage. Tout est fait pour provoquer la pénurie de personnel. 

Un autre problème du système actuel est qu’il s’est détourné de son objectif d’origine : permettre aux parents de jeunes enfants de continuer à travailler. Alors que certains parents qui ont un travail à temps plein de trouvent pas de place en crèche, 7 % des enfants qui ont une mère inactive ont un mode d’accueil à temps complet et 18 % de ceux qui ont une mère au chômage. Un rapport de la CNAF montre que 34 % des enfants gardés en crèche ont au moins un parent qui ne travaille pas… Certaines communes incluent le fait d’être en activité dans leur grille d’attribution de places en crèche, mais ce n’est pas une condition nécessaire, et cela ne concerne pas toutes les communes de France.

Outre le problème de l’accueil et la garde des enfants, certains, face au constat d’efficacité limitée des politiques familiales, proposent de supprimer le quotient familial et d’individualiser la fiscalité. Or cette mesure menace le principe de solidarité familiale. En effet, le quotient familial est en quelque sorte une prise en compte fiscale du fait que les parents doivent subvenir aux besoins de leurs enfants tant qu’ils dépendent d’eux. Cela permet de ne pas voir l’enfant uniquement comme un coût mais comme un membre du foyer familial dont les parents ont la responsabilité. 

Enfin, la crise du logement a des conséquences directes importantes sur la natalité. Selon une étude de l’université de Toronto réalisée par le chercheur Benjamin Couillard, la hausse du coût du logement aux Etats-Unis depuis 1990 aurait fait baisser les naissances de 11 % et le taux de fécondité de 51 % entre les années 2000 et 2010. 13 millions d’enfants supplémentaires seraient nés entre 1990 et 2020 sans hausse des loyers. L’économiste Maxime Sbaihi a commenté cette étude et affirme que « sur les vingt dernières années, un jeune actif Français de moins de 30 ans au revenu médian a perdu en moyenne une vingtaine de mètres carrés de pouvoir d'achat immobilier dans les grandes métropoles françaises ». Il ajoute que cette perte de pouvoir d’achat est une des raisons majeures de la baisse de la natalité.

Les classes moyennes sont encore une fois celles qui souffrent le plus de la crise du logement. La politique du logement social n’y est pas pour rien. Dans les zones tendues comme Paris, la politique du logement social, faute de création de logements neufs, s’est faite au détriment du logement privé. A Paris, en 25 ans, le parc locatif privé a été divisé par presque 2 quand dans le même temps le parc locatif social a été multiplié par 1,8. La conséquence de cette politique est la difficulté pour les classes moyennes de se loger à cause de la réduction de l’offre locative privée.

Conclusion et propositions

Le déclin démographique n’est donc pas une particularité française, mais un phénomène mondial particulièrement fort dans les pays développés. L’indice de fécondité a diminué de plus de moitié en moyenne dans l'OCDE, passant de 3,3 enfants par femme en 1960 à 1,5 en 2022. Les politiques familiales peuvent permettre de ralentir la baisse de la natalité, mais probablement pas d’inverser la tendance. L’OCDE alerte : « l’infléchissement des courbes de fécondité ne saurait neutraliser les effets du vieillissement démographique, en particulier à court terme ». Il faut donc impérativement repenser notre modèle économique et social pour s’adapter au vieillissement de la population. 

Cependant, ce constat ne doit pas inciter à l’inaction et l’abandon. Il est encore possible de soutenir les familles et la natalité en créant un environnement plus propice au désir d’avoir des enfants qui permette aux Français de projeter un avenir prometteur pour leurs enfants. Le constat de l’efficacité limitée des politiques natalistes financières ne doit pas pousser l’Etat à abandonner complètement la politique familiale au risque de détruire l’idée même de la famille et de la solidarité. Pour créer des conditions propices au fait de fonder une famille, nous proposons plusieurs mesures :

  • Arrêter l’organisation bureaucratique de la gestion des crèches et confier cette compétence à un seul échelon administratif

  • Réduire les règles et contraintes relatives au niveau de diplôme exigé pour travailler en crèche afin de lutter contre la pénurie de personnel

  • Prioriser les enfants dont les parents ont un emploi pour obtenir une place en crèche

  • Réduire la fiscalité immobilière

  • Simplifier les normes pour la construction de logements

En parallèle de ces mesures structurelles pour favoriser la natalité, nous proposons des mesures fiscales pour améliorer le pouvoir d’achat des parents :

  • Ouvrir la part fiscale entière dès le premier enfant. Grâce à cette mesure, deux parents mariés percevant chacun le salaire médian (2190 €/mois) diminueraient leur impôt sur le revenu de 632 € s’ils ont un enfant, 1265 € s’ils ont deux enfants par rapport à l’abattement en vigueur aujourd’hui. Les parents de trois enfants et plus (toujours percevant le salaire médian) seraient même exonérés d’impôt sur le revenu. Le premier enfant d’un parent isolé compte déjà comme une part fiscale entière, cela devrait être le cas pour les parents mariés également.

  • Ouvrir les allocations familiales dès le premier enfant.