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Irréalisme ou incompétence économique à l'Elysée ?

Le salon de l'automobile vient de voir sinon un affrontement, du moins une sérieuse tension entre Nicolas Sarkozy et les patrons des deux grandes marques automobiles, Renault et Peugeot-Citroën. Le Président reproche aux constructeurs français de délocaliser leurs productions alors que l'Etat a volé à leur secours pour les maintenir à flot au plus fort de la crise.

Cet épisode est une preuve de plus que l'Elysée ne maîtrise plus sa politique économique et que les collaborateurs du Président sont de plus en plus incapables de lui offrir des voies de sortie.

Il est certain que l'automobile française a subi un déclin considérable si l'on compare avec l'Allemagne. Tandis que la part des fabrications automobiles allemandes restait stable autour de 3% du PIB, celle de la France chutait d'un peu plus de 1% dans les années 2000 à 0,6% actuellement, 5 fois moins que l'Allemagne ; ceci ne tient compte que des fabrications réalisées en France et non celles réalisées par les entreprises françaises à l'étranger. Sans elles, on peut se demander si l'industrie automobile française n'aurait pas disparu comme bien d'autres industries, par exemple celle de la machine-outil.

Mais ce n'est pas seulement l'automobile, c'est toute l'industrie qui est en déclin. Si l'on compare les capacités d'autofinancement de l'ensemble des entreprises françaises, c'est environ 120 milliards chaque année contre 230 pour les Anglais dont la population totale est la même que la nôtre, et 270 pour l'Allemagne. Comment continuer à se battre et rester compétitif lorsque la capacité d'investissement est moitié moindre ?

Et pourquoi est-elle moitié ? Parce que les prélèvements étatiques, dont 50% sont supportés par les entreprises, sont de l'ordre de 150 milliards plus élevés en France que chez ses deux voisins.

C'est certainement la conséquence d'un Etat obèse (5,2 millions de fonctionnaires pour 63 millions d'habitants contre 4,5 millions en Allemagne pour 80 millions [1]) mais aussi la conséquence d'un Etat qui continue de jeter l'argent pas les fenêtres, que ce soit le ministre de l'Industrie qui multiplie les distributions de millions de-ci de-là (pour les brevets alors que malgré toutes les incitations la chute des dépôts de brevet n'a pas cessé, rangeant la France dans les cancres européens ; pour les batteries au lithium ; pour les filières industrielles – 300 millions –, etc.) ou le ministre de la solidarité active qui veut donner 250 euros par mois à des jeunes, qui certainement doivent être aidés, comme 95% des Français…

Assez d'Etat ! Arrêtons son interventionnisme tous azimuts. Moins l'Etat donnera, incitera, interviendra, mieux se portera notre économie. Même si les fonctionnaires de l'Elysée ou de Bercy perdent un peu de leur aura.

Mais le plus grave, c'est le projet de budget 2011 que le gouvernement vient de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il faut certes réduire un déficit budgétaire insupportable mais il est suicidaire de se contenter de réduire ou supprimer des niches fiscales, ou créer de nouveaux prélèvements. L'une des raisons des charges trop élevées que supporte l'industrie est que le nombre d'emplois dans le secteur privé est d'un quart plus faible que chez nos deux voisins, 20 millions contre 25 millions à population totale comparable – ce qui fait que le chômage chez nous ne s'est jamais arrêté depuis 30 ans - et c'est cette base contributive qui bouffe les marges d'investissement de nos entreprises, les réduit à 120 milliards au lieu de 240.

Que fait le PLF 2011 pour créer des entreprises et des emplois ? A peu près rien. C'est tout juste, dit-on, si Bercy est parvenu à garder les quelques malheureuses incitations à investir dans les entreprises comme l'Avantage Madelin. Alors que moins de 40% des incitations fiscales sont dirigées vers les entreprises en France contre 70% en Allemagne.

On va certes étendre le bénéfice de l'ISF-PME aux ETI, Entreprises de Taille Intermédiaire, entreprises de 250 salariés à 2.000 ; cela va faire basculer les fonds communs de placement vers ces ETI alors que le manque de financement se situe au niveau des start-up, en deçà de 50 salariés (et que le manque d'ETI est une idée fausse : on manque encore plus d'entreprises de plus de 5.000 salariés ; voir la revue COMMENTAIRE de septembre 2010). Cela va faire un trou supplémentaire dans l'ISF et permettre quelques discours. Mais la création d'entreprises de croissance restera à 40.000 contre plus de 100.000 chez nos voisins, le manque de financement pour le créateur qui a besoin de 500.000 € pour créer son entreprise restera terrifiant.

La création d'entreprises de croissance et d'emploi sommeille bien loin des préoccupations de l'Elysée. Le nouvel épisode ETI rappelle que quand l'ISF-PME fut créé, la déduction initiale n'était pas de 75% mais de 100% et n'a été ramenée à 75% que sur intervention du Conseil d'Etat jugeant 100% anti constitutionnel. C'est que l'ISF-PME n'était déjà pas pour l'Elysée un outil pour relancer la création d'entreprises et d'emplois, mais seulement un moyen de faire un trou dans l'ISF, faute de le supprimer.

Miserere nobis

[1] Société Civile n°105 : « Fonction Publique. Une comparaison franco-allemande », septembre 2010