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Élections 2012 : décryptage des propositions PME des candidats

Élection présidentielle oblige, les PME sont au centre de toutes les attentions. Remède à la désindustrialisation, créatrices d'emplois, et fortement contributrices par les impôts et charges qu'elles payent en France au financement de notre modèle social, les principaux candidats [1] à l'élection présidentielle de 2012 ont choyé les PME dans leurs programmes avec en particulier tous une même mesure : la création d'une banque publique de financement. Une proposition dont la Fondation iFRAP doute de l'efficacité et lui préfère une action énergique sur l'environnement social et fiscal des entreprises.

Chômage, désindustrialisation et perte de la compétitivité de la France sont au cœur du débat présidentiel et font par conséquent l'objet de larges développements dans les programmes des candidats. Si le diagnostic est largement partagé, les raisons invoquées à cet échec ne sont pas partout les mêmes.

L'UMP souligne qu'en France "nous sommes champions du monde des entreprises unipersonnelles et nous avons d'excellents leaders mondiaux. Entre les deux, nous manquons d'entreprises de taille intermédiaire qui embauchent, exportent et innovent."

Tandis que la candidate des Verts dénonce les "cadeaux fiscaux" qui "découragent l'investissement" et le gel du crédit bancaire en direction des PME. Thèmes qui sont aussi dénoncés par Marine Le Pen qui parle d'injustice fiscale pour des PME et d'abandon des banques.

Les candidats du Front de gauche et du Parti Socialiste mettent en accusation la finance. Jean-Luc Mélenchon attaque la "dictature des marchés financiers et des gestionnaires de capitaux, l'obsession du court terme et le contournement de la démocratie" et François Hollande tacle la finance qui "n'a pas été maîtrisée et il s'en est suivi une désorganisation des marchés, une prime à la spéculation, un découragement de l'investissement, dont l'économie réelle, c'est-à-dire celle de tous les jours, est victime".

François Bayrou quant à lui identifie le déficit commercial de la France et l'endettement qu'il désigne comme la source de tous nos maux : "Tous les mois, le déficit de notre commerce extérieur se compte en milliards d'euros. Cette hémorragie est relativement récente. Elle est continue, elle nous entraîne par le fond. Que reste-t-il aux désenchantés quand les sorties sont à ce point supérieures aux rentrées ? Il leur reste à emprunter, pour essayer de soutenir un moment encore un train de vie devenu hors de portée de leurs revenus. La dette toujours plus lourde, toujours plus grave, et qui augmente proportionnellement à la gravité de l'hémorragie."

Bien sûr, élection présidentielle oblige, tous veulent croire que l'État est capable de remédier à ces échecs. Les programmes affichent donc un volontarisme politique sans faille comme Marine Le Pen qui affirme "L'État stratège que nous voulons restaurer aura pour mission principale d'être le partenaire des PME/PMI".

Le programme du Front de gauche voit l'État jouer un rôle central et se décliner dans tous les domaines de l'économie, tandis que l'UMP, comme François Bayrou, voient plus l'État en partenaire de PME appelées à jouer un rôle déterminant dans le redressement de notre économie. Mais ce qui est surtout très frappant c'est de constater combien sont proches – voire identiques – les propositions des candidats en faveur des PME.

Une grande banque publique pour quoi faire ?

Pour régler le problème du financement des PME, tous veulent créer une grande banque publique.

Marine Le Pen l'appelle "banque publique de financement des PME/PMI qui sera créée pour démultiplier l'action d'Oséo", Eva Joly "banque publique de financement des entreprises". François Bayrou parle, lui, de "la création d'une ou plusieurs banques d'économie mixte décentralisées de soutien aux PME" tandis que François Hollande la nomme "Banque publique d'investissement" dans son pacte productif pour la France. Enfin Jean-Luc Mélenchon veut mettre en place un "pôle financier public par la mise en réseau des institutions financières publiques existantes (Caisse des dépôts, Crédit foncier, OSEO, CNP, Banque postale), des banques et des assurances mutualistes dans le respect de leurs statuts et la nationalisation de banques et de compagnies d'assurances."

Sur ce sujet, la Fondation iFRAP avait dressé dans un rapport le bilan de l'action de l'État Investisseur notamment à travers les multiples programmes de la CDC.

Peu de chiffres existent sur les résultats. Tout au plus sait-on que 40.000 emplois ont été créés dans le cadre de France Investissement – 2 milliards d'euros - soit 50.000 euros par emploi créé. A t-on atteint l'objectif – très ambitieux - qui était "la création d'un tissu de PME exemplaires, dynamiques, innovantes, responsables aux plans social et environnemental, performantes à l'international, qualifiées de champions et pivots de l'économie de demain" ?

La Caisse réfute notre calcul au motif que la totalité des fonds n'a pas encore été investie. Mais dans ce cas, pourquoi renouveler ce programme de 5 milliards pour les 6 prochaines années ? La réussite économique de ces programmes ne nous avait pas convaincus, pas plus que les circuits très complexes de financement. D'autant que, pour ne pas subir les foudres de Bruxelles, la Caisse doit se comporter en investisseur avisé, c'est-à-dire investir selon les standards du secteur privé et en attendre un réel retour financier.

Est-ce vraiment ce que l'on attend de l'argent public ? Est-ce vraiment ce que voudront faire nos candidats qui veulent renforcer l'économie mixte et trouver une agence publique pour jouer le rôle de bras armé de l'État ?

Dans ce dossier, la meilleure voie pour redresser l'économie nous avait paru être de renforcer l'environnement fiscal et social des entreprises. Dans ce domaine, c'est la modulation du taux d'IS qui revient aussi le plus souvent dans le programme des candidats.

Modulation du taux d'IS

Là aussi, cette idée s'est imposée chez la plupart des partis avec des conditions un peu différentes selon les candidats.

Marine Le Pen : "L'impôt sur les sociétés sera réformé pour encourager le réinvestissement prioritaire des bénéfices en France et mettre fin à la sous-imposition massive des grands groupes"

Europe Ecologie Les Verts : "Une progressivité réelle de l'Impôt sur les sociétés en fonction du niveau des bénéfices"

François Hollande : "Une distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires. (…) Je mettrai en place trois taux d'imposition différents sur les sociétés : 35% pour les grandes, 30% pour les petites et moyennes, 15% pour les très petites."

UMP : "Nous voulons faciliter le financement des PME par l'autofinancement, en modulant l'impôt sur les sociétés en fonction des stratégies de croissance."

Cette mesure présentée comme une incitation pour les entreprises à investir oublie que c'est aux entreprises de choisir le meilleur équilibre entre investissement et profits, parce que les entrepreneurs sont les seuls compétents pour juger des éléments conjoncturels, des besoins de leur entreprise, etc. A trop vouloir contraindre telle ou telle politique de distribution de dividendes, on risque bien d'encourager les délocalisations de sièges sociaux. Idem pour l'imposition selon la taille de l'entreprise qui vient introduire un nouvelle effet de seuil. On trouve finalement très peu de propositions de convergence de l'environnement fiscal, juridique et social de nos entreprises avec nos principaux partenaires européens. C'est pourtant un point essentiel sur lequel l'État doit agir, notamment sur la question du Code du Travail.

D'autres mesures se retrouvent chez la plupart des candidats : un accès privilégié des PME aux marchés publics ou un crédit d'impôt recherche fléché plus orienté vers les PME. Ces mesures intéressantes sont cependant à notre avis insuffisantes pour créer massivement des emplois. La Fondation iFRAP défend une fiscalité réellement au service de l'emploi qui passe par la création d'une mesure ISF-IR pour investir dans les entreprises en démarrage, avec non plus un plafond mais un plancher à 100.000 euros, pour orienter fortement les investissements vers la croissance de nos entreprises.

Dans ce domaine, il faut noter la proposition de François Bayrou sur les Business Angels pour "leur permettre pendant les premières années de leur investissement de déduire les pertes éventuelles de ces entreprises en développement de leur propre revenu imposable, au moins partiellement."

Ce que la Fondation iFRAP défend depuis de nombreuses années, sous le nom de Subchapter S . Mix entre la société de personnes et la société de capitaux, ce dispositif permet de déduire au niveau de ses revenus les pertes constatées dans l'entreprise par transparence fiscale. Elle est à l'origine de l'extraordinaire développement des Business Angels américains.

La Loi de modernisation de l'économie de 2008 a créé une Subchapter S à la française,la Société de Capitaux Transparente fiscalement, la SCT. Mais ses effets ont été anéantis par la DLF qui préfère préserver sa conquête de la tunnélisation des revenus, et donc l'impossibilité d'imputer les pertes sur des revenus d'autres catégories (ex. pertes BIC sur revenus mobiliers ou salaires).

La proposition de François Bayrou serait donc une importante avancée dans le sens d'une fiscalité au service de la création d'entreprises, de richesses et d'emplois. Espérons que son idée essaimera vers les autres prétendants. Sinon, malgré l'intérêt porté aux PME dans le cadre de ces présidentielles, il est à craindre que le sursaut de croissance dont notre pays a besoin ne soit pas au rendez-vous.

LES 5 PROPOSITIONS PHARES DES CANDIDATS POUR 2012

MARINE LE PEN : politique "les PME/PMI d'abord"

- Réformer l'impôt sur les sociétés pour encourager le réinvestissement prioritaire des bénéfices en France et mettre fin à la sous-imposition massive des grands groupes.
- Banque publique de financement des PME/PMI pour démultiplier l'action d'OSEO.
- Crédit impôt recherche visant en priorité les PME/PMI innovantes et conditionné au maintien intégral des centres de recherche et de développement en France.
- Accès simplifié aux marchés publics des PME/PMI et priorité donnée aux PME/PMI dans l'attribution des marchés publics par l'État et les collectivités locales.
- Une loi « achetons français » incitera les administrations d'État et les collectivités territoriales à acheter prioritairement des produits français.

EVA JOLY : "Vers l'écologie industrielle, pour l'industrie écologique"

- Fiscalité soutenant les TPE/PME et entreprises artisanales locales et écologiques : création d'un “bonus développement durable” pour celles dont le domaine d'activité contribue à la transition écologique.
- Progressivité réelle de l'Impôt sur les sociétés en fonction du niveau des bénéfices et rétablissement de l'imposition des plus-values de cession d'entreprises.
- Mesures de soutien à la recherche et à l'innovation pour les PME.
- Extension des sociétés régionales de capital risque, des fonds de couverture des aléas de trésorerie.
- Rétablissement des aides à la création d'emplois d'utilité sociale par des chômeurs.

FRANCOIS BAYROU : "produit en France"

- Création d'une ou plusieurs banques d'économie mixte décentralisées de soutien aux PME, associant les collectivités locales à son action qui ne soient pas sous le seul contrôle de l'État.
- Création d'un livret d'épargne industrie pour réunir des ressources nouvelles dédiées.
- Statut pour les business angels. Dans le monde des entreprises innovantes il existe une disparité très grande entre les avantages consentis aux fonds de private equity, dont les intérêts d'acquisition sont fiscalement déductibles et les Business angels, qui soutiennent des créations de start-up, ne reçoivent aucun avantage fiscal équivalent. Il faut donc leur permettre pendant les premières années de leur investissement de déduire les pertes éventuelles de ces entreprises en développement de leur propre revenu imposable, au moins partiellement.
- Création d'un label pour connaître l'origine française ou la part française dans un produit.
- Pour toute entreprise de moins de 50 salariés ouverture d'un droit à un emploi sans charges pendant deux ans, pourvu qu'il s'agisse d'un CDI (avec période d'essai) proposé à un jeune dont ce sera le premier emploi ou à un chômeur. Ce droit ne sera pas ouvert s'il y a eu préalablement suppression de postes de travail. Le coût de cette mesure peut être estimé à 2 milliards équilibrés par la suppression de l'exonération fiscale des revenus des heures supplémentaires.

FRANCOIS HOLLANDE : "le pacte productif, un grand effort pour le développement des petites et des moyennes entreprises."

- Banque publique d'investissement. À travers ses fonds régionaux, je favoriserai le développement des PME, le soutien aux filières d'avenir et la conversion écologique et énergétique de l'industrie. Je permettrai aux régions, pivots de l'animation économique, de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France. Une partie des financements sera orientée vers l'économie sociale et solidaire.
- Création d'un livret d'épargne industrie dont le produit sera entièrement dédié au financement des PME et des entreprises innovantes. Doublement du plafond du livret développement durable, en le portant de 6.000 à 12.000 euros.
- Crédit d'impôt recherche plus simple et plus accessible.
- Commande publique ouverte aux PME en toute indépendance et transparence.
- Distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires. Et mise en place de trois taux d'imposition différents sur les sociétés : 35% pour les grandes, 30% pour les petites et moyennes, 15% pour les très petites.

PROGRAMME UMP : "créer un Mittelstand"

- Suppression des effets de seuil sociaux dans les PME.
- Faciliter le financement des PME par les fonds propres, notamment avec des fonds d'investissement spécialisés par filière et adossés en régions à des pôles de compétitivité.
- Small Business Act européen qui réserve une part des marchés publics européens aux PME.
- Attirer les talents dans les PME, grâce aux groupements d'employeurs et aux prêts de main-d'œuvre entre PME et grands groupes.
- Le premier dépôt de brevet doit être gratuit pour les PME.

JEAN-LUC MELENCHON : "un renouveau industriel et technologique"

- Pôle financier public par la mise en réseau des institutions financières publiques existantes (Caisse des dépôts, Crédit foncier, OSEO, CNP, Banque postale), des banques et des assurances mutualistes dans le respect de leurs statuts et la nationalisation de banques et de compagnies d'assurances. Ce réseau sera chargé d'une nouvelle mission de service public du crédit et de l'épargne, au service de l'emploi, de la formation, de la croissance réelle et de la préservation de l'environnement afin de sortir de la crise et de l'emprise des marchés financiers.
- Nous lancerons des plans industriels pour rétablir des productions délocalisées.
- Nous mettrons fin aux exonérations de cotisations sociales. Les entreprises qui délocalisent et licencient devront rembourser toutes les aides publiques qu'elles auront perçues.
- Les aides aux entreprises seront soumises à des règles strictes. Elles seront modulées en fonction du niveau des exigences sociales et environnementales qu'elles respecteront (réduction des temps partiels imposés, des écarts de salaire par exemple).
- Nous renforcerons la présence de l'État dans le capital d'entreprises stratégiques pour leur sauvegarde et leur développement.

Retrouvez les 21 Propositions 2012 de l'iFRAP.

[1] Candidats retenus : Jean-Luc Mélenchon, François Hollande, Eva Joly, François Bayrou, Programme UMP, Marine Le Pen