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Chômage partiel : « Les 8,5 milliards d'euros initialement prévus ne suffiront clairement pas »

Avec le dispositif de chômage partiel adopté par ordonnance, l’État s’engage à assurer la rémunération des salariés mis en chômage partiel par une allocation couvrant jusqu’à 100% de l’ancienne rémunération au niveau du smic (1.201 euros net) et jusqu’à 70% jusqu’à 4,5 smics.

L’allocation couvrira ainsi 70% de la rémunération brute et 84% de la rémunération nette, avec un reste à charge nul pour les entreprises (jusqu’à 4,5 smics, soit jusqu’à 5.404 euros net). Le gouvernement a tiré les leçons du passé et a mis en place un dispositif puissant, équivalent au système « à l’allemande » de la crise de 2008.

Côté administratif, les entreprises ont 30 jours pour déposer leur dossier, à partir du moment où elles ont mis leurs salariés en chômage partiel. Elles sont censées obtenir une réponse des DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) dans les 48h suivant le dépôt, et l’absence de réponse vaudra pour accord. On notera que les dossiers se font salarié par salarié en précisant la durée de travail habituelle et le nombre d’heures chômées. Les dossiers doivent également estimer la durée prévisible du chômage partiel, cela sans dépasser la date du 30 juin 2020 : alors que le gouvernement nous annonce par tranches de 15 jours le prolongement du confinement, il apparaît compliqué pour les entreprises de prévoir ce délai.

Le 1er avril, 337.000 entreprises avaient déposé des dossiers pour obtenir le chômage partiel pour quelque 3,6 millions de salariés. 337.000 entreprises qui ont réussi à déposer un dossier car, partout en France, les couacs remontent avec des entreprises qui ne parviennent pas à accéder aux espaces de demandes, à qui il manque leurs codes d’accès et qui ne parviennent pas à obtenir de réponse des DIRECCTE, en charge de la mise en place. Beaucoup d’entreprises ne sont pas certaines d’être considérées comme éligibles et pour combien de salariés.

Course d'obstacles

À l’échéance habituelle du versement des salaires, l’entreprise doit verser une indemnité égale à 70% de la rémunération brute habituelle (100% pour le smic), et une fois la demande d’indemnisation validée par les DIRECCTE, une allocation équivalente sera versée à l’entreprise par l’Agence de service et de paiement (ASP). Cela dans un délai de 12 jours. Alors que l’ordonnance organisant la mesure a été publiée le 26 mars, que le confinement est effectif depuis le 17 mars et que les commerces comme les restaurants et les bars sont fermés depuis le 15 mars, les délais et l’organisation ressemblent à une course d’obstacles pour le versement des salaires du mois de mars.

Soulignons que certaines entreprises ont décidé, par solidarité, de ne pas demander à bénéficier du chômage partiel (c’est le cas de Chanel notamment) et que d’autres se voient refuser leurs demandes sous prétexte de leur domaine d’activité alors que leur niveau d’endettement est élevé ou que les clients les ont désertées (c’est notamment le cas de certains petits commerces alimentaires restés ouverts).

Du côté du financement, c’est aussi incertain. Les 8,5 milliards initialement prévus (dont les 2/3 financés par l’État) sur deux mois dans la loi de Finances rectificative 2020 ne suffiront clairement pas. Une note de l’Unédic publiée vendredi 27 chiffre entre 800 millions et 2 milliards d’euros la semaine de confinement : soit entre 3,2 et 8 milliards pour un mois. Mais le comité scientifique entourant le gouvernement préconise un confinement total de 6 à 7 semaines (en incluant les 15 premiers jours déjà actés). Dès lors, le coût pourrait atteindre 14 milliards d’euros, voire plus. Et ce, d’autant plus que certaines activités avaient été écartées à tort au début, comme le BTP, par exemple.

Enfin, les entreprises de plus de 11 salariés doivent prévenir leur Comité social et économique (CSE) de leur décision de mise en place du chômage partiel dans les 2 mois suivants, afin que le comité donne son avis. Un frein dont on aurait bien pu se passer dans les circonstances actuelles.