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Appel à la grève : Irresponsable en ces temps de guerre sanitaire

Les médecins, les infirmiers, les ambulanciers et les pompiers interviennent au péril de leur vie pour sauver celle des autres. En outre, des secteurs entiers de notre économie sont essentiels en ces temps de guerre sanitaire. Lesquels exactement ? Difficile à trancher.

Prenons le cas de l’eau potable : cruciale. L’industrie chimique qui fabrique les produits pour l’assainir est essentielle et les sous-traitants de ces usines le sont également. Il faut aussi manger. Les transporteurs routiers sont essentiels pour apporter les denrées alimentaires jusqu’à nos lieux de résidence. Les producteurs de carton et d’emballage plastique le sont aussi pour permettre de fournir ensuite l’agroalimentaire. Toute la chaîne est imbriquée.

Il est donc essentiel que les salariés qui ne peuvent télétravailler continuent de se rendre dans leur entreprise pour effectuer leurs missions, en ayant les moyens de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour eux-mêmes. C’est d’ailleurs ce qui a été entériné officiellement au niveau national par la grande majorité des syndicats qui ont suspendu les préavis de grève en cours et se sont engagés à ne pas en déposer de nouveaux tant que durera la pandémie en France.

Alors, comment comprendre le préavis de grève déposé par la fédération CGT des services publics pour avril et d’une durée d’un mois ? C’est scandaleux dans la période de crise sanitaire et économique aiguë que nous vivons.

Certes, comme les salariés de tous les secteurs essentiels du privé dont le travail est vital ces jours-ci, les agents publics manquent d’équipements de protection comme les masques. Cependant, la CGT qualifie d’« antisociales » les mesures du gouvernement qui visent à ce que tous les agents des services publics essentiels n’exercent pas leur droit de retrait. En réalité, si tous ces agents exerçaient en même temps leur droit de retrait, ce serait une catastrophe pour la France.

Qu’adviendrait-il si tous les électriciens et les gaziers débrayaient demain ? Si les services de l’eau n’assuraient plus l’eau potable aux Français ? On aggraverait encore la crise que nous vivons, qui deviendrait un cauchemar.

Par ailleurs, si les craintes des salariés pour leur santé sont, répétons-le, légitimes, il est choquant que la fédération nationale CGT des industries chimiques appelle à « cesser le travail par tous les moyens » en tonnant que « les salariés ne sont pas de la chair à virus et à canon pour les profits ». En Rhône-Alpes, la CGT demande de même l’arrêt des sites industriels qu’elle considère comme non essentiels alors que beaucoup le sont.

Encore plus invraisemblable, la CGT-finances publiques se prononce contre le télétravail des agents, avançant même qu’il n’est « pas souhaitable de garder un enfant en situation de télétravail » et que les agents qui ont des enfants à la maison devraient bénéficier systématiquement d’autorisation spéciale d’absence…

Il n’est pas plus raisonnable, de la part du dirigeant de FO, de qualifier d’hérésie les modifications du Code du travail permettant aux salariés « mobilisés » dans le cadre de cette guerre, de travailler 60 heures par semaine ? Déjà, de nombreux salariés des secteurs essentiels ne sont plus présents sur les sites. Et il est logique que les nombreuses mesures sociales adoptées (chômage partiel, arrêts-maladie pour garde d’enfants) par les pouvoirs publics, et qui coûteront certainement beaucoup plus cher que les 8,5 milliards prévus, appellent des contreparties.

Pour autant, il est normal que les salariés et les syndicats demandent le respect des gestes barrière, la réorganisation du passage des équipes, la mise en place dans les bureaux de protections, le nettoyage systématique avec produits virucides des bureaux, des outils, des claviers, etc. Il est logique que les ouvriers, les routiers, aussi bien que les policiers réclament d’être « testés » et équipés de masques.

Précisément, des dizaines d’entreprises de la filière textile, comme Le Slip français, en lien avec le comité stratégique de la filière, se mobilisent pour fabriquer des masques. Mais les demandes de certification affluent auprès des services de l’État, qui instruisent les dossiers plus vite que d’habitude, mais encore trop lentement. En outre, en matière de masques, où est passé l’État stratège ? Et qu’est-il arrivé à la centrale d’achat de l’État tant vantée ?

Il est peut-être temps aussi de reconnaître aux préfets un pouvoir général de réquisition fondé sur la satisfaction des besoins essentiels de la population en cas de « blocages » de certains syndicats. À ce jour, un certain flou demeure au plan juridique à cet égard. On se trouve en terrain jurisprudentiel mouvant étant donné l’ampleur des besoins fondamentaux à satisfaire. Le législateur aurait été bien avisé d’en sécuriser les contours en amont. Mais sans faire les mêmes erreurs que l’Italie, qui revoit au jour le jour ses secteurs stratégiques et en allonge sans cesse la liste.

Quant aux syndicats qui appellent à fermer les sites industriels reconnus comme essentiels par les préfets, qui poussent à refuser le télétravail dans les administrations, qui appellent à la grève dans les services publics pour le mois d’avril, il est permis de leur répondre qu’on ne gagne pas une guerre avec des comportements aussi irresponsables.