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Réforme du collège : un débat hypocrite

La réforme du collège est encore une de ces réformes qui voudrait faire croire qu’en supprimant les options grec et latin et les classes bilangues, les inégalités seraient réduites et la qualité de l’enseignement meilleure. Cette réforme ne s’intéresse en rien aux vrais problèmes de notre système éducatif qui manque avant tout d’autonomie, de chefs d’établissement qui soient des managers, d’initiatives locales, en un mot de diversité et de liberté de choix ! Et bien entendu, plus de transparence sur les chiffres de gestion. Si l’on veut une meilleure qualité du système éducatif français il ne faudra pas avoir peur de décentraliser totalement la gestion de cette politique au niveau des régions, de donner de l’autonomie aux établissements et de supprimer la sacro-sainte règle du 80/20 qui veut que 80% des élèves soient scolarisés dans l’enseignement public. 

Pour que la qualité de l’enseignement en France soir tiré vers le haut, il faut d’abord pouvoir identifier qui sont les responsables publics de cette politique publique. Aujourd’hui, trop d’acteurs au niveau central, régional, départemental et communal doublonnent ou « triplonnent » sans avoir vraiment vis-à-vis des parents et des élèves la responsabilité de la qualité du service. Et malgré cette décentralisation apparente, le problème numéro 1 de l’Éducation nationale reste son manque de flexibilité. Toutes les décisions stratégiques sont prises au niveau central, on le voit encore aujourd’hui avec les remous de la réforme des collèges, et c’est ce qui fait que notre système d’enseignement est irréformable. L’avenir est dans un système éducatif géré comme au Royaume-Uni ou en Allemagne (qui progressent tous les deux dans les classements alors que la performance française baisse) au niveau local. En matière d’éducation, nous avons été les champions des hypocrites : nous faisons semblant de décentraliser la gestion mais nous laissons aux régions, aux départements et aux communes uniquement la gestion des murs de nos écoles, collèges et lycées et la rénovation ou construction des bâtiments. Pour la gestion des équipes et la pédagogie… tout vient de la rue de Grenelle.

Récemment, la Fondation iFRAP a cherché à obtenir les statistiques de masse salariale par établissement. Au ministère de l’Éducation nationale, la direction des statistiques nous a répondu qu’elle : « ne dispose pas de ces informations ». Fermez le ban.

Il n’est pas normal qu’en France, la société civile ne puisse pas avoir accès aux chiffres consolidés des dépenses par établissement. Et il est tout aussi anormal que le rapport de la Cour des comptes sur les inégalités de financements de l’éducation sur l’ensemble de notre territoire n’ait jamais été publié.

En 2013, la Fondation iFRAP avait déjà néanmoins obtenu ces chiffres pour une académie et le résultat est édifiant : pour le collège, le montant dépensé par élève et par an peut varier entre 4.139 et 9.692 euros et pour les lycées entre 5.402 et 12.703 euros. Enfin, pour expliquer ces inégalités dans la répartition des sommes allouées par établissement, le sujet des classes bi-langues et des options n’est qu’un rideau de fumée. Les inégalités viennent d’abord du fait que les meilleurs professeurs ne souhaitent pas aller enseigner en Zep et que les syndicats de l’Éducation nationale sont les garants du statu quo.

Aujourd’hui, les vrais « DRH » de l’éducation sont les syndicats. Ce sont eux qui interviennent pour les mutations, qui fonctionnent non pas au mérite (comme c’est le cas au Royaume-Uni par exemple) mais au nombre de points qui évoluent notamment selon le statut marital de l’enseignant, s’il est  pacsé ou marié etc. Les DRH devraient en réalité être les chefs d’établissement, en cela la réforme leur accorde un peu plus de pouvoir notamment sur l’organisation de 20% des temps d’enseignement mais ce n’est pas assez. En 2011, la Cour des comptes publiait un rapport montrant que l’Éducation nationale devrait s’inspirer de la gestion RH des établissements de l’enseignement privé sous contrat qui ont un peu plus de latitude dans le choix des professeurs, par exemple, et donc des équipes plus stables et moins absentéistes (voir notre étude comparant la gestion et le financement de l’enseignement public et privé).

Si l’on veut réformer notre politique publique d’éducation, il faudra aller plus loin que les bla bla actuels et décentraliser entièrement la gestion au niveau des régions et des communes. En gérant toute la politique publique d’éducation au niveau local, on peut aussi espérer que plus d’expérimentations seront tentées et que l’on pourra donner plus d’autonomie aux chefs d’établissements et varier les modes de gestion :

  • Pourquoi pas des délégations de service public dans l’éducation au-delà de celle qui existe déjà avec le privé sous contrat ?
  • Pourquoi pas des forfaits par élève et par an pour les établissements ?
  • Pourquoi ne pas supprimer la règle obsolète des 80/20 qui veut que 80% des élèves soient scolarisés dans nos écoles publiques et permettre à de nouvelles écoles de se créer ?
  • Pourquoi ne pas remettre en cause une bonne fois pour toutes le décret de 1950 qui régit encore le temps de travail des enseignants ?
  • Pourquoi ne pas payer les professeurs au mérite ?

Ce sont ces questions qu’il faut se poser si l’on veut vraiment réformer notre système éducatif et donner plus de chances à la jeunesse française. Et là, il reste beaucoup de tabous. C’est avec plus de concurrence et d’enseignements alternatifs que l’on peut révéler les talents. Les parents d’élèves l’ont compris depuis longtemps et attendent autre chose que la mascarade de débat qui fait rage à l’heure actuelle sur la réforme du collège.

Les 6 propositions de la Fondation iFRAP pour une école moins chère et de meilleure qualité :

  1. Décentraliser l'éducation au niveau des régions et du bloc communal (dans le cadre d'une fusion des communes de moins de 10.000 habitants), les régions absorbant les académies et les communes étant responsables de tous les établissements (primaires et secondaires) sur leur sol et d'abord de la masse salariale (et non plus seulement du personnel technique). La politique éducative serait alors partagée entre les régions (pour l’enseignement supérieur et la rémunération des agents de l’Éducation nationale, professeurs et TOS) et le secteur communal (chargé à la fois des collèges, des lycées et des écoles avec 24,8% du budget). L’État conservant ses compétences pour la fixation des programmes, la formation initiale des enseignants, la passation des contrats avec les établissements privés et les évaluations sur l’ensemble du territoire ;
  2. Accorder l'autonomie de gestion aux écoles et à leurs chefs d'établissements, notamment pour ce qui est de la constitution des équipes pédagogiques et de l'évaluation des professeurs et rendre automatique la publication des comptes consolidés de chaque établissement. C’est le corollaire d’une plus grande responsabilisation ;
  3. Mettre en place l’expérimentation d’un forfait par élève et par an – une sorte de "tarification à l'activité" qui serait versée à des établissements autonomes en fonction du nombre d'élèves dans l'établissement ;
  4. Réformer le statut des enseignants qui date de 1950 en passant de 18 à 20 heures (voire 22 heures) de cours pour tous les professeurs, y compris les agrégés, instaurer la bivalence, annualiser les heures d'enseignement.
    • Allonger la durée de probation avant de devenir titulaire à 5 ans ;
    • Rémunérer les enseignants à la performance et diversifier les statuts et types de contrats en payant mieux les enseignants et en réduisant leur nombre.