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Vers une réforme en profondeur de la fiscalité locale ?

Le respect de la promesse électorale faite par le président Emmanuel Macron de supprimer la taxe d’habitation à compter de 2020 pour 80 % des ménages, et en 2023 pour 20 % des plus aisés, a conduit à un jeu de bonneteau fiscal entre les différents niveaux d’administration territoriale, dont les conséquences n’ont pas encore fini de se faire sentir !

En résumé, la commune va désormais centraliser l’ensemble de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en récupérant la TFPB des intercommunalités pour 7,2 milliards d’euros ainsi que celle des départements pour 15 milliards d’euros. Ce transfert sera lui-même compensé par un transfert d’une fraction du produit de la TVA.

Cette réforme va déboucher sur le maintien du pouvoir de taux au niveau des communes avec la préservation de leur autonomie, tandis que les EPCI vont subir une perte de pouvoir de taux associé et de leur autonomie fiscale ; les départements n’en auront plus du tout. Cependant les communes devraient se voir imposer un encadrement des taux de TFPB plus fort, et des espaces de progression plus faibles, mais qui seront compensés par le dynamisme de l’assiette, particulièrement avec la révision des bases locatives cadastrales pour les particuliers. Cette réforme devrait prendre au moins 10 à 15 ans pour aboutir.

Le risque pour la fiscalité directe locale des ménages : que la TFPB « explose » pour certains contribuables à cause des effets d’assiette couplés à la hausse des taux.

Risque aussi pour les particuliers bénéficiaires ou propriétaires : en effet pour eux la THRS (sur les résidences secondaires) perdurera. La tentation des communes sera grande de jouer sur les deux tableaux (TFPB et THRS) pour ces profils de résidents qui ne votent pas dans la commune et de tenter ainsi, notamment en zone touristique, de maximiser leurs recettes.

Limiter la pression fiscale tout en réintégrant les locataires au sein de l’équation du civisme fiscal avec les territoires supposerait de modifier l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et d’intégrer les augmentations de TFPB au sein de la liste limitative des charges récupérables par le propriétaire. Ce maelstrom côté fiscalité locale des ménages pose la question de son pendant pour les entreprises. Là aussi des changements sont en préparation : la réforme des impôts de production devrait faire partie du pacte productif présenté par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire. Sur 76 milliards d’impôts sur la production, sur les entreprises en 2018, les collectivités territoriales en perçoivent environ 39 %.

Hors suppression de C3S en direction de la sécurité sociale qui est aujourd’hui quasiment actée, l’effort devrait porter sur les deux composantes de la cotisation économique territoriale (ex taxe professionnelle) : la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et la CFE (cotisation foncière des entreprises) et peut-être sur le versement transport.

La CVAE s’analyse comme une taxe sur le chiffre d’affaires (en dehors de tout bénéfice) donc sur l’activité de l’entreprise quand la CFE constitue la taxe d’habitation des entreprises. Les arbitrages sont en cours, mais un effort de 10 milliards d’euros serait un minimum alors que le poids des impôts de production est de 3,1 % du PIB en France pour les entreprises, contre 0,4 % du PIB en Allemagne et 1,5 % en Italie.

La question de la compensation de ces nouvelles baisses de fiscalité pour les collectivités se pose. Il serait économiquement plus juste d’effectuer un effet de bascule vers des impôts qui varient en fonction du cycle économique de type IS ou TVA. L’attachement des collectivités pour les impôts de production s’apparente à un « effet rente » et ne tient pas compte de la rentabilité des entreprises qui sont sur leur territoire. Un compromis serait de leur conférer un pouvoir de taux et une recette garantie sur l’IS tout au moins aux niveaux communal et régional.