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Solde public, dette, recette et investissements : point d’étape sur nos finances publiques 2023

Selon le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) 2023, le solde public s’établirait à -4,9%, soit en amélioration par rapport à la loi de finances initiale de 0,1 point tandis que l’endettement serait en baisse de près de 1,5 point à 109,7% du PIB. Faut-il s’en réjouir ? A la vérité des incertitudes existent bien que l’atteinte de ces objectifs en exécution soit « plausible » selon le Haut Conseil des finances publiques. En effet, les prélèvements obligatoires pourraient être plus faibles que ceux actuellement affichés en lien avec la moindre évolution de la masse salariale privée, tandis qu’en dépenses, la hausse contenue de 1 milliard d’euros s’expliquerait par des économies réalisées sur les PIA (programmes d’investissement d’avenir). Reste plusieurs points d’interrogations : les gains attendus sur l’UNEDIC côté sécurité sociale, la maîtrise de l’ONDAM déjà relevé en PLFSS 2024 pour l’année 2023 de +1 milliard d’euros et surtout le niveau des dépenses d’investissement des collectivités locales plus importantes qu’attendues. Au niveau de l’Etat, le déficit budgétaire se creuserait de 6,5 milliards par rapport à la LFI, notamment à cause de l’augmentation des charges de la dette (+3,3 milliards), mais aussi de moindre recettes non fiscales (participations de l’Etat, soit -4,4 milliards) et par un enfoncement du solde des comptes spéciaux (-1,8 milliards d’euros).  

En comptabilité nationale un solde public à -4,9% en 2023 et une dette à 109,7%...

Alors qu’aucun projet de loi de finances rectificatif n’est intervenu en cours de gestion en 2023 depuis la LFI, le projet de loi de finances de fin de gestion, met en évidence un solde public inchangé depuis sa première actualisation lors de la présentation du PLF 2024 en octobre, mais amélioré de 0,1 point par rapport à la LFI à 4,9% du PIB. Cette amélioration proviendrait d’un solde structurel plus enfoncé (-4,1%), mais compensé par un solde conjoncturel symétriquement plus faible (+0,1 point) et d’un solde des mesures ponctuelles et temporaires meilleur (+0,1 point). Grâce à des prélèvements obligatoires plus élevés et une dépense en ligne avec les prévisions.

La dette publique serait par ailleurs en amélioration par rapport à celle estimée en LFI, celle-ci atteignant désormais 109,7% en PLFFG (projet de loi de finances de fin de gestion) contre 111,2% en LFI, soit une amélioration en volume de -1,5 point. Une bonne tenue liée à un PIB plus élevé pour cause d’inflation persistante conduisant à un effet volume favorable. 

 

2022

2022

2023

 2023  
 ExécutionLFI 2023LPFP 2023-2027 réviséPLF Fin de gestionEcart 2023 entre la LPFP/LFFGEcart 2023 entre la LFI/LFFG

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel

-4,2

-4,0

-4,1

-4,1

0,0

-0,1

Solde conjoncturel

-0,5

-0,8

-0,7

-0,7

0,0

0,1

Solde mesures ponctuelles et temporaires

-0,1

-0,2

-0,1

-0,1

0,0

0,1

Solde effectif

-4,8

-5,0

-4,9

-4,9

0,0

0,1

Dette au sens de Maastricht

111,8

111,2

109,7

109,7

0,0

-1,5

Taux de P.O. (y.c UE nets des CI)

45,4

44,9

44,0

44,0

0,0

-0,9

Niveau P.O. (y.c UE nets des CI) en Mds €

1 196,9

1 234,0

1 241,2

1 240,7

-0,5

6,7

Dépense publique (hors C.I.)

57,7

56,9

55,9

55,8

-0,1

-1,1

Dépense publique (hors C.I.) en Mds €

1 523,0

1 572,0

1 575,0

1 573,0

-2,0

1,0

Evolution de la Dépense publique hors 

C.I. en volume à champ constant

-1,1

-1,1

-1,3

-1,4

-0,1

-0,3

Principales dépenses d'investissement (en Mds €) 

25,0

25,0

25,0

0,0

0,0

Administrations publiques centrales

Solde

-5,2

-5,8

-5,4

-5,3

0,1

0,5

Dépense publique (hors C.I., en Mds €)

625,0

647,0

631,0

629,0

-2,0

-18,0

Evolution de la dépense publique en volume, 

à champ constant, hors transfert entre administrations

-0,1

-1,4

-3,6

-3,9

-0,3

-2,5

Administrations publiques locales

Solde

0,0

0,0

-0,3

-0,3

0,0

-0,3

Dépense publique (hors C.I., en Mds €)

295,0

305,0

312,0

312,0

0,0

7,0

Evolution de la dépense publique en volume, 

à champ constant, hors transfert entre administrations

0,1

-0,6

1,0

1,0

0,0

1,6

Administrations de sécurité sociales

Solde

0,4

0,8

0,7

0,7

0,0

-0,1

Dépense publique (hors C.I., en Mds €)

704,0

721,0

730,0

730,0

0,0

9,0

Evolution de la dépense publique en volume, 

à champ constant, hors transfert entre administrations

-2,4

-1,1

-0,5

-0,5

0,0

0,6

Note : Projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) et LFI 2023

… grâce à des prélèvements obligatoires plus élevés que prévus

En PLFFG, les prélèvements obligatoires baisseraient en volume par rapport à la prévision, passant d’une estimation en LFI 2023 de 44,9% du PIB à 44,0%. En revanche, en niveau les prélèvements obligatoires seraient significativement plus élevés de +6,7 milliards d’euros par rapport à la LFI. En revanche par rapport au PLF 2024 (et à la LPFP 2023-2024 révisée), les P.O. seraient en repli de -0,5 milliard d’euros. Dans son avis relatif au PLFFG, le HCFP donne quelques explicitations[1] :

Niveau des P.O. LFI 2023

1 234,0

Dont effet CRI (rentes infra-marginales)

3,1

Effet extinction du CICE

5,6

Autres nets des allègements

4,6

Niveau des P.O. 2023 Pstab 2023-2027

1 247,3

Mesures nouvelles dont CSPE

-4,0

Autres

-2,1

Niveau des P.O. 2023 en PLF 2024

1 241,2

Baisse des CRI (rentes infra-marginales)

-0,2

Baisse des DMTO

-0,9

Baisse des PV Immo sur l'IR

-0,7

Total des baisses

-1,8

Hausse des recettes de TVA

0,6

Solde des avances aux coll 

0,4

Taxe sur les conventions d'assurance

0,2

Total des Hausses

1,2

Solde

-0,6

Niveau des P.O. 2023 en PLF Fin Gestion

1 240,7

Moindre Prélèvements sociaux et cotisations sociales

-2,8

Hausse des DMTG

1,0

Solde des mesures non prises en compte

-1,8

Niveau des P.O. 2023 incluant ces risques

1 238,9

Source : HCFP avis 2023-9, avis 2023-6, Pstab 2023-2027.

Les évaluations du niveau des prélèvements obligatoires ont été révisées déjà 2 fois à partir de la LFI 2023 : lors du Pstab 2023-2027, puis lors du PLF 2024. Ces évaluations aboutissent à un effet de yo-yo. Tout d’abord une phase d’augmentation par rapport aux estimations initiales, notamment sous l’effet de l’estimation de la taxation des rentes infra-marginales des producteurs d’électricité (+3,1 milliards d’euros) puis de l’effet « base » de suppression du CICE (qui mécaniquement augmente la base taxable à l’IS) soit +5,6 milliards. Enfin les anticipations d’inflation positives (révisées à la hausse) sur l’ensemble des autres recettes fiscales (dont TVA), soit +4,6 milliards d’euros. Mais à compter du Pstab 2023-2027 les rendements de CSPE sont au plancher à cause des mesures de bouclier énergétique (volet électricité), dont un effet de -4,0 milliards auxquelles s’ajoutent d’autres effet baissier de l’ordre de -2,1 milliards d’euros.

Les dernières remontées statistiques montrent une baisse supplémentaire de -0,6 milliards, solde de baisses de -1,8 milliards compensés partiellement par 1,2 milliards de hausse, ce qui permettrait d’obtenir des P.O. plus élevés de 6,7 milliards par rapport à la LFI.

Mais comme nous l’indique le HCFP il existe un aléa baisser supplémentaire, en effet « Du fait de la prévision un peu haute de la masse salariale (…) les recettes attendues de cotisations sociales et prélèvements sociaux sur les revenus d’activité pourraient être un peu surestimées, de l’ordre d’un dixième de point de PIB. » Cela représente donc -2,8 milliards d’euros auxquels il faudrait ajouter en sens contraire une prévision des droits de mutations à titre gratuit (dons, legs) DMTG de +1 milliards d’euros. Si l’ensemble de ces « risques » se matérialisaient, le niveau des P.O. serait révisé à 1.238,9 milliards d’euros au lieu des 1.240,7 affichés désormais par le collectif budgétaire de fin de gestion.

… et des dépenses en hausses limitées de 1 milliard par rapport à la LFI 2023

La dépense publique en 2023 initialement estimée hors crédits d’impôts à 56,9% du PIB en LFI a bénéficié d’un effet volume favorable lui permettant de décroître à hauteur de 55,9% du PIB en PLF 2024, alors même que son niveau augmentait de 3 milliards d’euros à 1.575 milliards. Le collectif de fin de gestion prévoit une baisse supplémentaire de 0,1 point, la dépense publique atteignant 55,8% à 1.573 milliards d’euros soit baisse de 2 milliards et en cumulé par rapport au PLF 2024 et une hausse limitée de 1 milliard, soit une quasi-stabilité par rapport à la LFI. Le HCFP précise que cette baisse entre PLF 2024 et PLFFG 2023 interviendrait principalement au niveau de l’Etat (-1,7 milliards) en raison de crédits de programmes d’investissement d’avenir (PIA) non consommés.

Cependant le HCFP relève que « le principal aléa porte sur les dépenses des administrations publiques locales (…) des écarts significatifs [étant] souvent constatés une fois les dernières dépenses (essentiellement d’investissement) comptabilisées. » Une appréciation qui repose sur le fait que les dépenses des collectivités locales par rapport à la LFI 2023 ont augmenté au cours de l’exercice de près de 7 milliards d’euros, quand les dépenses des administrations centrales (Etat + Opérateurs) baissaient de près de 18 milliards d’euros. 

Par ailleurs, pourrait s’y ajouter le rehaussement du sous-objectif de l’ONDAM 2023 de 1 milliard d’euros lors du PLFSS 2024, « qui crée un risque de dépassement supplémentaire » même si modéré[2]. Sur ce champ des ASSO, les dépenses ont pour le moment augmenté de +9 milliards d’euros par rapport à la LFI 2023. 

Un déficit budgétaire de l’Etat creusé de 6,5 milliards d’euros par rapport à la LFI

En comptabilité budgétaire, le déficit de l’Etat s’élèverait pour 2023 à -171,4 milliards d’euros, soit une amélioration par rapport à son estimation révisée du PLF 2024 de +0,7 milliards, mais en détérioration de 6,5 milliards d’euros par rapport à la LFI 2023.

 Exécution 2022LFI 20232023 en PLF 2024Fin de gestion 2023Différence Fin de gestion/PLF 2024Différence Fin de gestion/LFI 2023Différence Fin de gestion 2023/2022
Dépenses du budget général et PSR

505,4

520,8

524,4

523,2

-1,2

2,7

17,8

Dépenses du budget général

438,2

450,0

455,5

453,8

-1,7

3,8

15,6

Prélèvements sur recettes

67,3

70,6

68,9

69,5

0,6

-1,1

2,2

Prélèvement au profit des coll terr

43,0

45,6

44,5

45,6

1,1

0,0

2,6

Prélèvement au profit de l'UE

24,2

25,0

24,4

23,9

-0,5

-1,1

-0,3

Recettes fiscales nettes

323,3

328,2

332,1

330,6

-1,5

2,4

7,3

Recettes non fiscales

23,9

30,9

26,0

26,5

0,5

-4,4

2,6

Solde du budget général

-158,2

-161,7

-166,3

-166,1

0,2

-4,4

-7,9

Solde des comptes spéciaux - hors FMI

6,7

-3,6

-5,8

-5,4

0,4

-1,8

-12,1

Solde des budgets annexes

0,0

0,1

0,1

0,1

0,0

0,0

0,1

Solde Etat - hors FMI

-151,4

-164,9

-172,1

-171,4

0,7

-6,5

-20,0

Source : PLF 2024 et PLFFG 2023

Comme nous l’indiquions plus haut en comptabilité nationale, en comptabilité budgétaire les dépenses du budget général baisseraient de 1,7 milliards d’euros par rapport au PLF 2024, mais augmenteraient sur le même champ à hauteur de 3,8 milliards par rapport à la LFI 2023. Cette augmentation correspondant principalement à la hausse de la charge de la dette et de la trésorerie de l’Etat (+3,8 milliards) pour une augmentation nette des engagements financiers de l’Etat (ouverture moins annulations) de +3,3 milliards d’euros. L’augmentation résultant de la remontée progressive des taux d’intérêt et surtout de l’inversion de la courbe de taux[3]. En effet, le bouclage du tableau de financement de l’Etat semble avoir reposé bien plus qu’initialement envisagé sur le recours aux BTF (+16,7 milliards d’encours), notamment afin de financer le surcroît de déficit budgétaire, mais surtout des « autres ressources de trésorerie » négatif et qui représente les effets des décotes qui dominent sur les primes.

 LFI 2023Fin de gestion 2023Différence Fin de gestion/LFI 2023

Besoin de financement

 
Amortissement de la dette à MLT

149,5

149,6

0,1

dont remboursement du nominal à valeur faciale

144,5

144,5

0,0

dont supplément d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

5,0

5,1

0,1

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

2,2

2,2

0,0

Amortissement des autres dettes reprises

0,9

0,9

0,0

Déficit budgétaire

164,9

171,4

6,5

Autres besoins de trésorerie

-12,6

-14,5

-1,9

Total

304,9

309,6

4,7

Ressources de financement

 
Emission de dette à MLT, nettes des rachats

270,0

270,0

0,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,6

6,6

0,0

Variation nette de l’encours de titres d'Etat à court terme

3,3

20,0

16,7

Variation des dépôts des correspondants

0,0

0,0

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'Etat

24,5

28,6

4,1

Autres ressources de trésorerie

0,5

-15,6

-16,1

Total

304,9

309,6

4,7

Source : LFI 2023 et PLFFG 2023.

Par ailleurs, les recettes seraient moins dynamiques au sein du PLFFG 2023 qu’estimé lors du PLF 2024 (-1 milliard d’euros dont -1,5 milliards de recettes fiscales nettes), mais aussi par rapport à la LFI (-2 milliards d’euros, dont +2,4 milliards de recettes fiscales nettes). 

Enfin, les comptes spéciaux afficheraient un solde négatif de -5,4 milliards d’euros soit +0,4 milliard par rapport au PLF 2024 mais -1,8 milliard par rapport à la LFI 2023. Notamment à cause des participations financières négatives de l’Etat à hauteur de -2,5 milliards d’euros « due au report en 2024 d’un versement du budget général vers ce compte. »


[1]https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2023-9-loi-de-finance-de-fin-de-gestion-2023

[2] Comité d’alerte de l’ONDAM, avis, 13 octobre 2023, https://contrib.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/COMITE_D-ALERTE/2023/Avis%20du%20Comit%C3%A9%20d'Alerte%20n%C2%B02023-3 

[3] Les effets de revalorisation d’indexation sont négligeables soit 0,1 milliards entre LFI et PLFFG à 5,1 milliards d’euros.