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Retour sur le massacre fiscal

Dans un ouvrage récent « Le massacre fiscal » (Eds. Du Moment), Manon Laporte, avocate fiscaliste s’intéresse à l’augmentation considérable de la charge fiscale tous impôts confondus, qui a frappé depuis 2011 l’ensemble des particuliers et des entreprises françaises droite et gauche au pouvoir confondues. Son constat est saisissant : si l’on prend les montants d’impôts votés (et cotisations sociales), la hausse est de +5,4 milliards en 2012 à partir de l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République, puis de 27,5 milliards en 2013 et de 7 milliards en 2014 et de 8,1 milliards en 2015. L’ensemble de ces hausses représentant l’augmentation ou la création de près de 103 impôts, taxes ou cotisations sociales (voir annexes de l’ouvrage). L’INSEE par ailleurs donne corps à cette interprétation avec une hausse des P.O observés de 42,6% en 2011, 43,7% en 2012 et 44,7% en 2013, soit une hausse cumulée de près de 2,1 points de PIB soit près de 42 milliards d’euros de P.O supplémentaires depuis 2011, mais aussi de 44,7% en 2014 et une prévision de 44,6% en 2015, ce qui s’explique par la compensation de la montée en puissance du CICE pour les entreprises et le transfert accru du poids de la fiscalité vers les ménages.

1. Un dispositif illisible car trop complexe, la question du rendement des petites taxes :

Le choix effectué par le gouvernement a été celui de l’émiettement des hausses et des créations de nouvelles contributions, avec notamment le fameux rapport resté non publié relatif aux petites taxes que l’auteur exhume fort opportunément[1] : 214 taxes identifiées dans l’hexagone[2] dont 192 avec un rendement individuel inférieur ou égal à 150 millions d’euros, et 179 rapportant même moins de 100 millions par unité. En réalité, comme le soulève l’auteur, beaucoup d’organismes vivent du dispositif des taxes affectées, les ITAF[3] (dans le jargon du CPO, le conseil des prélèvements obligatoires), et il n’est pas de rapport qui n’en propose des créations nouvelles, comme par exemple s’agissant des organismes d’animation des filières professionnelles (voir par exemple, le récent rapport de Mme Clotilde Valter relatif aux CTI (centres techniques industriels) et les CPDE (comités professionnels de développement économique[4]), le gouvernement recourant pour les supprimer à des transformations en CVO (cotisations volontaires obligatoires)… sans jeu de mots, afin de préserver la ressource[5], alors qu’une budgétisation en bonne et due forme devrait au contraire permettre d’en consolider les dépenses afin de mieux rationaliser ces structures.

2. Lorsque l’État vise les classes moyennes :

La productivité fiscale ne s’invente pas, elle suppose que l’impôt pour être le plus neutre ait une assiette la plus large possible et le taux le plus bas. La France, elle bien souvent fait l’inverse : micro-taxes sectorielles (on l’a vu, voir supra), elle assume également des taux facialement élevés, mais moyennant des dispositifs d’allègement nombreux et complexes. En réalité, les classes moyennes n’ont pas été épargnées par les hausses fiscales.

L’auteur développe bien le propos : elle propose une tripartition de la classe moyenne :

  • La classe moyenne-inférieure entre 1.000 et 1.800 euros de salaire brut mensuel
  • La classe moyenne –intermédiaire, entre 1.800 et 2.500 euros (individuellement) ou de 2.700 à 3.750 euros à deux,
  • La classe moyenne-supérieure entre 2.500 et 4.400 euros (individuellement) ou entre 3.750 et 6.600 euros à deux

« Réunis, ils représentent la moitié de la population nationale. Ce sont eux qui prennent de plein fouet le matraquage fiscal. Leurs fins de mois deviennent de plus en plus difficiles, et leur niveau de vie médian a reculé de 1% en 2013 ». Des chiffres avancés par l’auteur, confirmés et complétés il y a peu par l’INSEE[6], « en euros courants, le salaire brut moyen augmente de 1,3% par rapport à 2012 et le salaire net de 0,6% (…). Cet écart entre rémunération brute et nette s’explique principalement par l’abrogation du dispositif d’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires [mis en place] dans le cadre de la loi (…) TEPA.[7] »  « Cet écart est particulièrement prononcé pour les ouvriers qui sont davantage concernés que les cadres et les professions intermédiaires ». Les cadres par ailleurs voient leur salaire net s’effondrer en euros constants, (-0,3%) notamment à cause des éléments de rémunération liés aux résultats de l’entreprise (primes et épargne salariale). L’épargne salariale en particulier a été massacrée car le forfait social à la charge de l’employeur est passé de 8% à 20% en août 2012 (avec effet en année pleine en 2013).

Les classes moyennes sont donc à la peine au niveau salarial notamment par l’alourdissement des cotisations sociales (part employeur notamment) avant l’entrée en vigueur du Pacte de Responsabilité à compter de 2014. Elles le sont également fiscalement puisque le Président françois Hollande l’a reconnu le 6 novembre 2014, la classe moyenne supérieure (les deux derniers déciles) a supporté « 75% des hausses d’impôt de 2013 et 2014, soit une facture de 6 milliards d’euros ». Et ce, d’autant qu’elles reçoivent peu du système social dans leur ensemble. En effet les classes moyennes inférieures contribuent pour 43% de leurs revenus aux contributions publiques, mais en retour les aides sociales reçues représentent 42% de leurs revenus disponibles. Pour les classes moyennes-supérieures, le taux de contribution est de 43%, mais elles ne reçoivent en aides sociales que 33% de ce revenu.

Le problème se complexifie lorsque l’on songe aux effets de productivité fiscale générés par le plafonnement des niches fiscales et la concentration de l’IR sur les plus riches. En effet, entre 2009 et 2014, l’impôt sur le revenu est passé de 46,1 milliards d’euros à près de 70 milliards (69,98 très exactement), il devrait s’élever à 68,9 milliards en 2015, soit + 22,8 milliards en sept ans !

Pour autant, les rentrées fiscales sont de plus en plus difficiles : ainsi, en 2013 l’écart entre les prévisions et les sommes encaissées est négatif de -5 milliards d’euros. En 2014 rebelote, l’écart négatif est cette fois de près de 6,1 milliards d’euros, soit -8% par rapport au niveau d’IR en loi de finances. Du coup la pause fiscale annoncée à partir de 2015 par le président Hollande, le 6 novembre 2014, avec la restitution aux ménages de l’équivalent de 5 milliards d’impôts d’ici la fin du quinquennat doit prendre corps : le chiffrage est le suivant : -1,5 milliard d’euros sur l’IR en 2014 auquel s’ajoute en 2015 avec la refonte des bas de barème -1,5 milliard d’euros supplémentaires (et doublement de la décote[8]), et la modification de la décote pour 2016 soit -2 milliards d’euros additionnels.)

Pourtant on l’a vu le produit de l’impôt ne faiblit pas… ou si peu (1 milliard au mieux), la raison en est simple, en dépit des effets d’assiettes (mais les élasticités ont été calculées au plus juste en 2015 pour n’avoir que des bonnes nouvelles), la suppression de la première tranche a été complétée par un abaissement de la seconde, ce qui permet un tour de passe-passe intéressant : un coût affiché de -3,2 milliards d’euros qui se solde in fine par une augmentation en sens opposé sur l’assiette restante de 4,4 milliards d’euros. « Où les trouver ? Tout simplement sur les foyers qui continueront à s’en acquitter et qui verront leur pression fiscale augmenter une fois encore »  nous dit l’auteure (p.71). La pression fiscale ne baisse donc pas, ou plutôt elle est redistribuée sur l’assiette des contribuables qui restent assujettis à l’impôt, mais étant donné les volumes en jeu, il faudra prélever très haut. La compensation de la suppression des heures supplémentaires qui justifiait la réforme (3 milliards pour 3 milliards) ne fait pas que des gagnants. Les perdants sont bien identifiés, sur les 23,5% des foyers fiscaux qui bénéficiaient de la mesure, les deux tiers étaient imposables (5,7 millions), et 35% avaient un revenu fiscal inférieur à 17.161 euros, soit à la frontière entre le 5ème et le 6ème décile (l’entrée dans l’impôt s’effectuant au 5ème décile, voir infra) au maximum. Cela veut donc dire que 65% des bénéficiaires étaient situés au 6ème décile ou au-delà soit 3,7 millions de bénéficiaires, qui seront pourtant impactés, et c’est vers eux que les mesures complémentaires de 2015 et de 2016 sont dirigées avec 12 millions de bénéficiaires cumulés potentiels.

3. La question de l’IR, la pause fiscale existe-t-elle en 2016 ? :

Depuis 2014 le gouvernement s’est engagé dans une baisse apparente de la charge de l’IRPP : l’impôt sur le revenu des personnes physiques. L’approche du gouvernement s’est déroulée en trois vagues :

  • Dès 2014, une réduction exceptionnelle d’impôt permet de rendre non imposables à l’IR près de 2 millions de contribuables (notons qu’un décile c’est-à-dire 10% des foyers fiscaux français représente environ 3,6 millions de contribuables).
  • En 2015 ce sont près de 9,45 millions de ménages qui ont pu bénéficier de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, dont 7,8 millions d’au moins 100 euros. On peut estimer qu’à nouveau, environ 800.000 à 1 million de contribuables sont sortis de l’impôt (calculs iFRAP) ;
  • Enfin pour le PLF 2016, la réforme de la décote devrait permettre une nouvelle baisse de l’impôt pour 8 millions de contribuables dont 3 millions de nouveaux bénéficiaires, pour un coût de 2 milliards d’euros avec une sortie ou une non-entrée dans le barème de 1 million de contribuables supplémentaires. Le nombre des foyers redevables pourrait baisser pour atteindre entre 16,2 et 15,8 millions.

Source : Gouvernement et calculs Fondation iFRAP (2015)

Le gouvernement a beau dire que l’on reviendrait ainsi au niveau de foyers fiscaux imposables de 2007, c’est-à-dire d’avant-crise, au bout d’une période d’ajustement de 10 ans, rien ne sera plus pareil. La situation fiscale aura sans aucun doute totalement changé, puisque d’une part une rationalisation des niches fiscales est engagée (plafond global désormais à 10.000 euros (article 200-0 A du CGI)[9]) et qu’une mission vient de rendre un rapport symétrique s’agissant des niches sociales[10], ce qui devrait conduire inexorablement à augmenter l’assiette des P.O (prélèvements sociaux et fiscaux) et de l’IR en particulier.

Afin de bien cerner l’augmentation réelle en volume par décile de l’IR sur l’ensemble des foyers fiscaux, il faut disposer d’un document qui est confectionné par la DLF et n’est que très sporadiquement diffusé (ne comportant aucun élément justiciable du secret statistique et étant mis à jour chaque année, ce document pourrait systématiquement faire l’objet d’une publication dans le cadre des documents budgétaires et en particulier le tome 1 des voies et moyens). Il s’agit de la répartition des foyers fiscaux par décile de revenus imposables à l’IRPP, établi à partir du fichier exhaustif des revenus de l’année n-2, 6ème émission (il s’agit de la dernière). La Fondation iFRAP est parvenue à rapprocher ces répartitions pour 3 années successives : 2011 à 2013, à partir de trois sources : la communication au parlement relative à la fusion IR/CSG (annexe AB (non publiée) p.18 de 2013) pour une reconstitution de l’année d’imposition 2011 à partir des revenus 2010, puis pour l’année 2012, le rapport sur la fiscalité des ménages, LEFEBVRE/AUVIGNE, p.10, enfin, pour l’année 2013, le rapport du CPO, Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes ? février 2015, p.238. Les résultats sont édifiants :

Source : DGFIP, calculs Fondation iFRAP 2015

Le premier tableau permet de bien comprendre la réaction du gouvernement à partir de l’imposition 2014 (dont les restitutions sont encore inconnues, mais qui devraient être communiquées aux commissions des finances des deux assemblées dans le cadre du PLF 2016). En effet, au voisinage de l’impôt (c’est-à-dire au 5ème décile), il apparaît que les augmentations liées notamment à la désindexation du barème de l’IR en 2011 (mesure Fillon) et continuée par le gouvernement socialiste dans le cadre du PLF 2013), a fait croître la pression fiscale de façon très importante sur cette population (malgré les aménagements de la décote) ainsi que sur le décile suivant : respectivement +114,98% de montant de ressources fiscales globales et + 62,64% pour le 6ème décile. Et +36,84% et +25% sur ces mêmes déciles sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Facialement aussi, la répartition semble baisser pour les déciles les plus importants  (9ème et 10ème déciles) dont les produits collectés d’IR baissent en proportion par rapport à la répartition d’impôt totale (passage de 72,04% à 69,72% puis à 67,26% pour le dernier décile, entre 2011 et 2013, soit -4,78 points) et -0,36 points pour le 9ème décile.

Source : DGFiP, calculs Fondation iFRAP 2015

En réalité, si l’on se base sur les montants des produits, étant donnée l’hyper-concentration de l’IR sur le dernier décile, les chiffres montrent que les cotisations d’impôt ont au contraire explosé pour les plus aisés. Nous pouvons en montrer l’effet graphiquement :

Source : DGFiP, calculs Fondation iFRAP (2015)

On constate ainsi que pour une base de 35,2 milliards d’euros de cotisation en 2011 sur le dernier décile (D10), celui-ci a payé en plus en 2012 pour 4 milliards d’euros d’impôts supplémentaires et +2,6 milliards d’euros d’impôts en 2013. Cela représente donc en valeur (dont effet croissance et effet inflation) une augmentation de près de 19% de la charge fiscale totale en seulement 3 ans. Afin de mieux cerner les différentiels nous les avons présentés sur les cinq derniers déciles en niveaux :

 

Source : DGFiP, calculs Fondation iFRAP (2015)

Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, la pose fiscale n’est donc pas pour tout le monde, et les mesures ne visent qu’à corriger le barème en limitant la charge fiscale au niveau du 5ème décile, voire du 6ème au mieux. L’affirmation que les bénéficiaires soient 9,45 millions puis 8 millions de contribuables sur les mesures en 2015 et 2016, implique qu’il s’agit bien des déciles 5, 6 et 7 (pour une faible proportion), ceux qui ont vu le produit de l’imposition augmenter de 600 millions à 1 milliard d’euros entre 2011 et 2013.

Si l’on prend maintenant l’évolution des cotisations individuelles moyennes par décile d’IR, leur accroissement a été substantiellement plus faible pour les deniers déciles que pour les premiers (à partir de D5 puisqu’il faut payer des impôts) : avec +117% pour D5 avec une cotisation individuelle moyenne passant de 168 € en 2011 à 365 € en 2013, par exemple (la base étant faible, la croissance apparaît forte, mais les montants restent très mesurés). Encore faut-il prendre en compte une logique de niveau (en valeur absolue). En effet pour le dernier décile, la cotisation d’impôt moyenne représentait déjà 9.790 euros en 2011 et est passée en 2013 à 11.399 euros, soit +1.609 euros d’impôt par foyer fiscal. C’est considérable. Et encore, les valeurs moyennes ne permettent pas bien d’isoler les cotisations pertinentes tant le 10ème décile est étalé (il faudrait pour bien prendre conscience de l’accroissement de la pression fiscale, disposer des mêmes données pour le dernier centile et pour le dernier millile).

Il faudrait plutôt travailler avec la cotisation individuelle médiane, l’entrée dans le dernier décile s’effectuant dès 3,5 et 3,9 SMIC pour un célibataire (l’entrée dans l’impôt à partir de D5 s’effectuant entre 1,1 et 1,2 SMIC). Mais les chiffres aujourd’hui encore manquent. On peut néanmoins vérifier qu’avec une augmentation de 16% de la cotisation individuelle moyenne et lorsque l’on représente (D10) encore près de 67% de l’impôt payé en 2013, la charge fiscale pour les 3,6 millions de foyers fiscaux les plus fortunés a été en réalité massive, surtout si l’on tient compte de la hausse concomitante des taxes directes locales et de la barêmisation des produits de capitaux mobiliers depuis 2013 et l’ISF entre autres.

Peut-on aller plus loin ? Uniquement sur les années 2012 et 2013 pour lesquelles on dispose de statistiques nationales par tranche et non par décile. Au-dessus de 100.000 euros de revenu fiscal de référence, les foyers fiscaux imposables ne sont plus que 640.000 environ (voir base IRCOM) DGFiP) en 2012, ils payaient cette même année près de 22,6 milliards d’impôts à eux seuls. On s’aperçoit que la charge fiscale s’abat sur les 500.000 foyers fiscaux qui gagnent entre 100.000 et 200.000 euros, puisque ces derniers paient à eux seuls près de 50% de l’impôt dû (sur ce décile) soit 10,2 milliards d’euros. Les 140.000 restants vont à leur tour payer pour près de 12 milliards d’euros. Or, si l’impôt augmente pour les revenus fiscaux au-dessus de 100.000 euros entre 2012 et 2013 de près de 1,6 milliard d’euros, il augmente surtout entre 100.000 et 200.000 euros de revenus, soit une augmentation de 995 millions d’euros, soit environ 10%.

Voici le tableau différentiel entre les années 2012 et 2013 (sauf indications contraires les sommes sont en euros) :

Source : DGFIP.

Au contraire tout en haut de la distribution, chez les plus riches qui gagnent au-dessus du million d’euros annuel, leur nombre baisse (-13%) et le montant de leur impôt aussi. La mortalité naturelle a nécessairement une incidence, mais pas seulement, l’exil fiscal doit également jouer un rôle, sans que l’on puisse à ce stade faire le départ entre les deux. Cependant, les montants d’impositions sont tellement forts, que la perte fiscale est limitée : de l’ordre de -181,2 millions d’euros (soit 6%) pour les 6.600 foyers fiscaux qui déclarent plus de 1 million d’euros, et qui paient en conséquence environ 2,8 milliards d’euros d’IR en 2013, alors que leurs revenus fiscaux de référence sont en baisse de 3,2 milliards d’euros (montant total 2013 de revenus de l’ordre de 14,7 milliards d’euros).

Conclusion :

Comme le montre fort bien l’ouvrage de Manon Laporte, et nos calculs statistiques in fine sur l’impôt sur le revenu, l’ajustement des finances publiques par les prélèvements obligatoires s’est réalisé de façon massive sur les classes moyennes comme sur les plus riches. Le choix sciemment fait de cette forme d’ajustement plutôt que par la dépense a été reconnu par le Président de la République comme constituant une erreur (voir l’ouvrage de Françoise Fressoz, Le stage est fini, Albin Michel 2015) de stratégie. Les données sur l’impôt sur le revenu montrent bien le renforcement de la pression fiscale sur les classes moyennes. Les ajustements réalisés depuis 2014 visent précisément à en limiter l’inconvénient mais sans atténuer le report de charge conséquent sur le reste de la distribution des revenus donc des impôts. Comme les revenus sont très concentrés en milieu de distribution, et que la progressivité est forte, ce sont les derniers déciles qui trinquent, ce qui représente outre les riches, les classes-moyenne intermédiaires et aisées au besoin avec enfant (l’abaissement à 1.500 euros du plafond du quotient familial a ainsi fait rentrer pour 1 milliard en année pleine d’IR en plus à compter de 2014 (son coût total étant évalué à près de 14,3 milliards d’euros en 2012). Ce sont elles qui se font matraquer d’impôt et qui ne bénéficieront pas des allègements fiscaux proposés par le gouvernement qui se concentre sur le 5ème et le 6ème décile, c’est-à-dire l’entrée dans l’impôt, alors même que si les taux grimpent en flèches, les cotisations restent pour autant extrêmement basses. Une plus grande transparence sur les données fiscales et la communication de leur agrégation par décile dans le cadre de la discussion de la loi de finances s’agissant de l’IRPP pourrait permettre de mieux juger des reports de charge et du taux d’assujettissement à l’IR. En attendant le déluge fiscal a fait son œuvre, à coups de petites taxes et de majorations inédites. L’ouvrage de Manon Laporte est là pour nous le rappeler. 


[1] Voir en particulier, Mission des taxes à faible rendement, présentation des conclusions, IGF, 2014, non publié.

[2]  Mais comme l’auteur le montre certaines taxes recouvrent en réalité d’autres taxes : il existe un système de superposition, par additions progressives de composantes. C’est ainsi que nous avons pu montrer qu’il en existait en réalité près de 360 en 2014 (et la création continue…), voir Agnès Verdier-Molinié, On va dans le mur, Albin Michel, Paris, 2015.

[3] Voir par exemple, CPO, la fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, 2013.

[4] Clotilde Valter, Les CTI et les CPDE au service du redressement productif, juillet 2014.

[5] L’intérêt des CVO c’est précisément qu’elles ne s’intègrent pas dans le calcul des P.O. Les P.O restant une catégorie relativement manipulable par les gouvernements contrairement à celle de recettes et de recettes fiscales. Voir sur cette notion et son débat, le rapport CARRE, BERGER relatif au niveau système de comptabilité nationale.

[6] INSEE Première, n°1565, septembre 2015, Salaires dans le secteur privé et les entreprises publiques. Le salaire net moyen en baisse de 0,3% en euros constants

[7] Avec un gain la première année pour l’Etat de 1 milliard puis de 3 milliards d’euros en rythme de croisière, soit 10 milliards d’euros cumulés entre 2012 et 2015.

[8] Suppression de l’impôt lorsque la quotité d’impôt est inférieure à 598 euros, et abaissement de la cotisation si le montant est inférieur à 1,135 euros.

[9] Hors investissements productifs DOM et SOFICA (cinéma) où l’on revient au plafond de 18.000 euros.

[10] Voir, Rapport IGF, IGAS, Revue des dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, juin 2015, communiqué au Parlement, non publié, p.42 pour les évolutions du plafonnement des niches.