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Peut-on supprimer l’ISF dès 2017 ?

La suppression de l’ISF est une mesure que presque tous les candidats à la primaire de la droite et du centre ont défendue. Seule distinction dans leurs propositions, la date de suppression : 2017, 2018 ou 2019 ? François Fillon propose une suppression dès 2017 : est-ce possible ? Si oui, comment ? 

Juridiquement

L’ISF 2017 est inscrit dans la loi de finances pour 2017 qui sera promulguée en fin 2016 ; le fait générateur est la possession au 1er janvier 2017 d’un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros. C’est un  impôt déclaratif et le montant doit être porté sur la déclaration des revenus 2016 en mai 2017 pour les patrimoines inférieurs à 2.570.000 euros et sur une déclaration spécifique au plus tard le 15 juin pour les patrimoines supérieurs ; le paiement intervient soit au 15 juin avec le dépôt de la déclaration spécifique, soit le 15 septembre si le montant est déclaré avec la déclaration des revenus 2016.

Le second tour de l’élection présidentielle aura lieu le 7 mai 2017 suivi quelques jours après de la nomination d’un nouveau gouvernement ; l’Assemblée nationale sera mise en sommeil jusqu’aux élections législatives les 11 et 18 juin. Si elle donne une majorité à un nouveau président favorable à la suppression de l'ISF rapidement, une loi de finances rectificative sera soumise au Parlement fin juin pour un vote en juillet.

L’encaissement des premiers paiements d’ISF le 15 juin devrait intervenir avant que la nouvelle Assemblée soit installée et puisse voter quelque réforme que ce soit. Cependant il n’est pas juridiquement impossible de supprimer l’ISF dès 2017.

En 2011 pour permettre l’application de la première partie de la réforme Nicolas Sarkozy qui avait relevé de 800.000 à 1,3 million d'euros le seuil d’entrée dans l’ISF et introduit la déclaration avec l’IRPP pour les patrimoines inférieurs à 2,5 millions d'euros, une décision du gouvernement avait d’abord repoussé la date de déclaration et de paiement du 15 juin au 15 septembre, le temps que le Parlement vote le relèvement du seuil.

Ainsi, il serait possible qu’un gouvernement nommé le 10 mai 2017 repousse la date de dépôt des déclarations spécifiques et du paiement au 15 septembre sans qu’un vote du Parlement soit nécessaire et que la suppression de l’ISF 2017 soit votée ensuite dans la loi de finances rectificative de juillet.

Politiquement

Il y aura une forte pression des services fiscaux pour l’encaissement de l’ISF 2017 qui constituera une recette bienvenue « imputable à l’ancienne majorité » et justifiera le maintien des effectifs dédiés au recouvrement et au contrôle de cet impôt. De même les organismes collecteurs des dons ou investissements générateurs de réduction de l’ISF souhaiteront son maintien en 2017 en attendant que soient votés les mécanismes de substitution annoncés sur l’IR.

Mais le but de la suppression de l’ISF est de donner un signal fort et crédible de la fin de la sur-taxation du capital en France afin de faire cesser l’exode fiscal et même de faire revenir quelques exilés fiscaux, et surtout, pour attirer de nouveaux les investisseurs étrangers dont l’économie française a grand besoin pour relancer la croissance et créer des emplois.

Si l’on se contente d’annoncer la suppression de l’ISF dans la loi de finances pour 2018 qui ne sera votée qu’en fin 2017, l’effet sur les investisseurs étrangers sera différé ; de plus les assujettis en 2017 comprendront vite que les contrôles des déclarations 2017 pourront intervenir jusqu’en fin 2020 pour les rectifications des estimations et jusqu’en fin 2023 pour les non déclarations (omissions ou erreurs sur les motifs d’exonération) et donc qu’il est prudent d’attendre avant de modifier son organisation patrimoniale !

L’ISF a réduit les capitaux disponibles en France de près de 300 milliards d’euros en 30 ans et plusieurs études montrent que le sous-investissement qui en a résulté est l’un des responsables de la montée du chômage. Pour que sa suppression entraîne les effets bénéfiques sur l’économie qu’on en espère, il faut qu’elle soit crédible sur la durée de la prochaine législature et même au-delà. Pour cela il faudrait à la fois supprimer l’ISF dès 2017, ramener à un an les délais de prescription et annoncer la réaffectation rapide à d’autres taches des effectifs qui le gèrent et le contrôlent. Il y aura un véritable choix politique à faire entre la recette 2017 et la crédibilité de la suppression de l’ISF.