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Non aux coronabonds et oui au frein à l’endettement

Les pays du Sud, dont la France, sont aujourd’hui touchés lourdement par l’épidémie dans des conditions sanitaires très dures mais aussi des conditions très difficiles pour leurs finances publiques déjà fort mal en point avant la crise. Au sein de ces pays, l’Italie est dans une situation très critique, on peut déjà extrapoler sur 160 % de dette par rapport au PIB d’ici la fin 2020. En Espagne et en France aussi, les dettes publiques vont gonfler et les taux risquent de monter.

Les pays du Nord de l’Europe, avec à leur tête l’Allemagne et les Pays-Bas, sont dans une tout autre situation, l’épidémie semble un peu plus contenue sur leurs sols et leurs finances publiques sont très saines grâce à une gestion au cordeau depuis la crise de 2008.

Chacun a de bons arguments qui peuvent arriver au même résultat : l’éclatement de la zone euro. Les pays du Sud demandant de la solidarité, plus de transferts et les pays du Nord ne voulant pas du fédéralisme budgétaire.

La Banque centrale européenne a déjà brisé plusieurs tabous en étendant son mandat : en lançant le PEPP (Pandemic emergency purchage programme), elle peut dépasser la limite de 33 % de rachat des émissions obligataires de chaque pays ; le nouveau programme de rachat de dettes est massif avec près de 750 milliards d’euros.

Maintenant, plusieurs questions se posent.

D’aucuns appellent de leurs vœux – voire exigent – un saut vers l’Union de transfert via les fameux « coronabonds », ce qui reviendrait à mutualiser les dettes au niveau fédéral en faisant contribuer les « fourmis » au profit des « cigales », ce qui n’est pas près d’être accepté par les pays du Nord qui ont fait les efforts de gestion – et on les comprend !

Arme ultime. Autre piste, la BCE pourrait déclencher son arme ultime : les OMT (Outright Monetary Transactions), son programme « d’opérations monétaires sur titres » et acheter directement de la dette souveraine d’un pays membre sans aucune limite directement sur le marché primaire. Mais on serait là en terre inconnue et le résultat pourrait être de tuer dans un second temps le patient guéri (la zone euro) sous l’excès de liquidités.

Plus réaliste : activer le MES (mécanisme européen de stabilité). Le fonds est aujourd’hui de 420 milliards d’euros, sa surface permettrait d’absorber 7 % du PIB des pays les plus touchés (Grèce, Italie, Belgique, Espagne et France). Les achats du MES sont globaux, mais restent limités à la quote-part des Etats dans son capital.

Cependant, la grande limite du MES est politique : son intervention est conditionnée à la mise en place par les Etats bénéficiaires de plans d’ajustements budgétaires. Cela dit, il existe une solution de repli (à négocier bien sûr avec nos partenaires) : le recours au MES sans les plans d’ajustements mais avec la garantie de la mise en place dans les pays bénéficiaires d’un frein à l’endettement sur le modèle allemand.

C’est d’ailleurs en gros ce qu’envisage (ait) la France dans le cadre du projet de réforme du système universel de retraites (loi organique) sur le volet des dépenses de pensions. Si un frein a l’endettement avait été mis en place en France au sortir de la dernière crise, nous ne serions pas aujourd’hui à 100 % de dette mais plutôt autour de 80 %. Un frein à l’endettement inscrit dans la Constitution interdirait, comme en Allemagne, en Suède ou en Suisse, aux Etats de s’endetter en période de croissance. Une concession indispensable pour sauver la zone euro dans un premier temps et nos finances publiques dans un second.