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Logement : quelles solutions pour sortir de la crise ?

Comparatif des principales propositions des candidats

Partant du même constat sur la crise du logement et le poids des dépenses d'habitation dans les dépenses des ménages, et d'un même diagnostic des causes - le manque de construction et l'envolée des prix du foncier - les propositions des candidats diffèrent sur un point essentiel : si Nicolas Sarkozy veut relancer la construction et la mobilité (COS+30% et réduction des droits de mutation) dans le secteur du logement, François Hollande veut surtout axer ses solutions sur le logement social (SRU+livret A+mixité).

François HollandeNicolas Sarkozy
- Bloquer les loyers par la loi à la première location ou à la relocation.
- Construire plus : mise à disposition gratuite des terrains de l'État qui sont disponibles.
- Lutter contre la rétention des terrains avec une fiscalité adaptée
- Doubler le Livret A pour que soient construits 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, soit 300.000 de plus dont 150.000 logements très sociaux.
- Renforcer la loi SRU et son article 55, en imposant non pas 20% de logements sociaux aux villes mais 25%.
- Règle des trois tiers dans chaque construction neuve pour favoriser la mixité : 1/3 de logement social ; 1/3 de logement en accession sociale ; 1/3 de logement libre.
- Rebudgétiser les missions de rénovation urbaine (Anah/Anru) dont le premier plan a représenté 40 milliards d'euros
- Encadrement des loyers à l'allemande : recours pour le locataire si son loyer est supérieur de 20% au prix du marché
- Lutter contre la rétention des terrains avec une fiscalité adaptée
- Créer une société foncière publique en charge des terrains de l'État
- Accroître de 30% dans les trois prochaines années les droits à construire pour augmenter l'offre de logements.
- Diviser par deux sur cinq ans les droits de mutation sur les résidences principales.
- Refonte et simplification des droits de l'urbanisme
- Engager une seconde étape de la rénovation urbaine (Anru2)

Loyers

Sur les loyers, les propositions sont un peu différentes malgré les apparences. François Hollande a déclaré « Les loyers de relocation et des nouvelles locations seront encadrés. Ainsi, ils ne pourront pas dépasser la moyenne des loyers pratiqués dans le quartier pour un logement similaire. C'est ce qu'on appelle le loyer de voisinage ». Il prévoit même « Dans les zones où les loyers sont manifestement surévalués, ils devront baisser au moment de la relocation. Ces zones aux prix exceptionnellement hauts ne sont pas forcément très nombreuses mais elles « contaminent » les quartiers qui les environnent en tirant leurs prix, eux aussi, vers le haut. » Tandis que Nicolas Sarkozy veut « faire comme en Allemagne, à savoir attaquer le propriétaire de son logement si son loyer est supérieur de 20% au prix du marché ». Pour le premier, l'encadrement est donc beaucoup plus sévère et conduit à une fixation administrée des prix. Ces propositions sont très voisines de la loi actuelle de 1989 qui impose des loyers de relocation similaires à ceux du voisinage, sauf en cas de logements neufs ou ayant bénéficié de travaux importants [[voir sur le site de l'anil-http://www.anil.org/index.php?id=7655].

Les rapports locataires/bailleurs sont pourtant en France déjà très encadrés : est-ce vraiment nécessaire d'aller plus loin ? Alors que l'on sait que c'est précisément ce qui contribue à rendre les propriétaires encore plus exigeants en termes de garanties demandées, etc. Cet encadrement très contraignant qui va de la signature du bail, sa révision, et les procédures très lourdes en cas de défaut de paiement, s'applique aussi aux institutionnels qui ont de ce fait déserté le marché au profit de l'immobilier de bureaux. Surtout, l'expérience montre que les précédentes tentatives d'encadrement ont bien évidemment retiré tout intérêt à l'investissement locatif qui s'est réduit et dégradé. Le véritable problème est celui de l'augmentation du prix des logements dans les zones tendues. Étant beaucoup plus forte que celle des loyers, elle pousse naturellement les propriétaires à chercher à augmenter les loyers.

S'agissant de la proposition de Nicolas Sarkozy de s'inspirer du modèle allemand, elle a toutefois la limite de s'appliquer à un marché qui ne connaît pas de crise du logement. Cette mesure pourra-t-elle être en mesure de faire dégonfler les loyers en France dans les zones tendues ? Cela paraît insuffisant mais elle a le mérite de s'en remettre aux mécanismes de marché pour contenir l'évolution des prix et non de parier sur un fonctionnement administré.

Construction de logements

Sur la construction, François Hollande mise prioritairement sur la mise à disposition gratuite de terrains de l'État et d'opérateurs publics aux collectivités locales pour leur permettre de monter des opérations de construction. Or comme le rappelle Benoît Apparu, actuel ministre du Logement, « le produit de la cession de ces terrains est déjà compris dans la programmation des recettes de l'État. Cette proposition fabrique donc de la dette publique. » Mais les deux candidats s'entendent pour lutter contre un des écueils essentiels dans la construction, à savoir le prix du foncier en luttant contre la rétention par une révision de la fiscalité. (François Hollande : « Je relancerai la construction en libérant les terrains constructibles grâce à une fiscalité progressive sur les propriétaires qui font de la rétention. » Nicolas Sarkozy : « Pour libérer plus de foncier constructible dans les zones tendues, en plus d'accélérer la libération de terrains publics, je propose d'inciter fiscalement les propriétaires de terrains non bâtis à les vendre plutôt qu'à les conserver. »)

De son côté, Nicolas Sarkozy mise beaucoup plus sur un "choc d'offre" comme il l'a souligné à l'occasion de l'annonce de sa mesure sur l'augmentation de 30% des droits à construire. Cette mesure annoncée en début d'année 2012 a fait l'objet de nombreux commentaires : opposition des collectivités qui votent le COS, effet inflationniste sur les terrains dont le prix dépend des "droits à construire", conflit de cette mesure avec de nombreuses autres règles d'urbanisme, notamment en zone urbaine qui devrait en limiter l'effet. La mesure aura surtout de l'effet dans les zones périurbaines et rurales et bien entendu dans la construction neuve, avec comme objectif affiché de faire baisser les prix. Accessoirement cela devrait booster le secteur de la construction fort employeur de main-d'œuvre non délocalisable. Néanmoins, cela devrait avoir un effet très limité dans les zones très tendues comme la région parisienne. Pour cela, Nicolas Sarkozy veut augmenter la fluidité et la mobilité dans les parcours résidentiels en divisant par deux les droits de mutation sur les résidences principales.

A l'opposé, François Hollande veut surtout encourager la construction dans le logement social. Sur le livret A, n'est-il pas contradictoire de vouloir supprimer les niches fiscales et d'afficher en même temps un doublement du plafond ? Cette mesure ne fera que déplacer l'épargne depuis d'autres produits bénéficiant de défiscalisation (assurance-vie par exemple qui finance la dette publique, ou fonds communs qui financent les PME, il s'agit donc d'un arbitrage délicat à opérer), pire encore elle pourrait accentuer le % d'épargne des Français déjà champions en la matière, freinant un peu plus la consommation.

Logements sociaux

Quant à l'obligation d'intégrer à une opération de promotion 25% de logements sociaux, de nombreux témoignages de constructeurs expliquent qu'elle contribue à accroître le prix des autres appartements. La perte sur la marge escomptée par le promoteur est reportée sur les autres appartements avec un risque de mévente qui peut conduire l'operateur à diminuer le nombre de logements construits, ce qui limite l'offre avec un effet sur les prix comme l'explique Vincent Bénard qui suggère de substituer une loi de "libération foncière".

Avec les logements sociaux, le candidat socialiste veut favoriser les ménages modestes. Mais le renforcement des HLM contribue à accentuer la fracture entre logements à loyers libres et logements à prix administrés. Du coup, la mobilité à l'intérieur du parc HLM chute, les ménages les plus aisés y restent au détriment des ménages très modestes provoquant un phénomène d'exclusion. Il faut alors renforcer les subventions vers le logement dit "intermédiaire" pour encourager les plus "riches" à sortir, illustration de l'effet tache d'huile de la politique de logement social.

**Conclusion

Sur le logement, les attentes des Français sont très fortes dans le cadre de cette campagne électorale. On peut craindre cependant que les effets des propositions des deux candidats ne suffisent pas à combler entièrement leurs attentes. Les effets sur les prix, principale revendication des électeurs, seront longs à se faire sentir et les évolutions démographiques sur plusieurs bassins économiques risquent même de renforcer considérablement la demande. Une première étape serait déjà de considérer qu'il n'y a pas une seule politique du logement à mener mais plusieurs marchés avec des contraintes différentes, voire contradictoires.

Aujourd'hui la poursuite d'une politique nationale entraîne de nombreux effets pervers régulièrement relevés par la Cour des comptes. La politique du logement coûte 40 milliards d'euros annuellement, 2% du PIB mais la France n'a plus les moyens de supporter des gaspillages. Sur les propositions de l'iFRAP, voir notre dossier "Logement : programme pour un quinquennat" qui sortira en mai prochain.