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Fiscalité : les mesures Hollande défavorables aux entreprises

Dangers des mesures fiscales du candidat socialiste

Les propositions fiscales du candidat socialiste deviennent plus claires et nous pouvons nous faire une certaine idée des mesures qui pourraient nous attendre à deux points de vue : d'abord le point de vue purement comptable, c'est-à-dire l'addition des plus (augmentation des impôts) et des moins (dépenses supplémentaires) au regard du rétablissement de l'équilibre des finances publiques, et d'autre part, le point de vue qualitatif, à savoir dans quelle mesure les mesures en question sont-elles de nature à favoriser la croissance, dont François Hollande nous dit lui-même qu'elle constitue une hypothèse de base de son programme ?

L'approche comptable : hausse de la fiscalité sans baisse des dépenses

L' Institut Montaigne s'est attelé à la tâche assez difficile de chiffrer le programme Hollande. Rappelons qu'au début de l'année les socialistes chiffraient l'augmentation de la fiscalité à 49 milliards, dont 20 pour compenser un montant égal de dépenses nouvelles. Aujourd'hui le chiffrage de l'Institut, établi dans le cadre d'un dialogue avec l'équipe du candidat, aboutit à un résultat assez différent. Dans son dernier état, concernant le chiffrage de 41 propositions, les réformes fiscales apporteraient environ en net 37 milliards, cependant que les dépenses nouvelles s'élèveraient à 18,5 milliards [1]. Le solde disponible pour l'amélioration des comptes publics ne serait plus alors que de 21,5 milliards par an au lieu de 29 dans l'hypothèse précédente.

La première remarque qui s'impose est d'ordre général : il n'y a dans ce programme aucune proposition de diminution des dépenses publiques, qui selon le candidat continueraient à s'élever à 57% environ du PIB, à supposer encore que la croissance soit conforme à ses prévisions fort optimistes, c'est-à-dire 1,7 en 2013, 2 en 2014 et entre 2 et 2,5 les années suivantes.

La seconde remarque est le corollaire de la première : le programme ne table que sur une augmentation de la fiscalité. Or cette augmentation ne peut avoir qu'un rendement très inférieur aux annonces qui ont été faites depuis plusieurs mois, et elle est de toutes façons largement insuffisante pour rétablir l'équilibre des finances publiques. Un exemple topique, la taxation des revenus du capital.

Taxer les revenus du capital comme ceux du travail constitue une mesure-phare avancée par le candidat socialiste. En bref, cela consiste à supprimer l'imposition forfaitaire (le « PFL ») et à la remplacer par l'imposition au barème de l'IR. Par rapport à la situation actuelle, cette mesure concerne les revenus et plus-values de cession suivants :
- les dividendes, dont l'assiette soumise au PFL n'est que de 5,5 milliards, pour un gain estimé de 0,4 milliard,
- les intérêts des valeurs à revenus fixes, pour une assiette de 7,6 milliards et un gain de 0,8 milliard,
- les plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux, pour une assiette de 5,8 milliards et un gain de 0,8 milliard.
- les plus-values immobilières, pour une assiette de 17,6 milliards et 2,2 milliards de gain [2].

Les rendements attendus de l'alignement de l'imposition des revenus du capital sur ceux du travail sont à rapprocher des évaluations fantaisistes présentées notamment par Jean-Luc Mélenchon, prétendant atteindre 100 milliards de gains sur la foi d'une évaluation hasardeuse de Patrick Artus, vite démentie par une étude de son équipe de Natixis (Flash Info du 11 juin 2010) qui avance une somme de 42 milliards… à condition d'ajouter à l'assiette taxable actuelle (environ 160 milliards) une somme de 108 milliards correspondant aux loyers fictifs ! Ce n'est donc pas par une augmentation des taux que l'on parviendrait à des ressources complémentaires substantielles, mais par l'introduction de nouveaux impôts, ce qui ne fait pas partie (jusqu'à maintenant ?) du programme Hollande.

Les ressources à attendre de l'imposition au barème des revenus du capital se bornent en définitive, si l'on peut dire, à un total de 4,2 milliards, dont 2 milliards pour l'ensemble des revenus de valeurs mobilières (dividendes, intérêts, plus-values). Pourquoi un butin aussi éloigné des prévisions d'origine ? La réponse est simple : la taxation des revenus du capital a déjà atteint son maximum (sauf à inventer de nouveaux impôts). La plupart de ces revenus – ou plus-values - sont en effet déjà soumis au barème, et le PFL ainsi que les prélèvements sociaux ont été très fortement augmentés ces dernières années, jusqu'à atteindre un niveau tel que le législateur a dû se contenter d'augmenter le PFL à 21% au lieu de 24% prévus parce que l'imposition au barème finissait par devenir avantageuse par rapport au PFL !

En résumé, l'approche comptable conduit à conclure que le retour à l'équilibre des finances publiques repose uniquement sur une hausse des impôts combinée avec une perspective de croissance que l'on s'entend – ce qui inclut Michel Rocard dans une récente déclaration - à considérer comme irréaliste. Les prévisions de rentrées fiscales ne font au surplus l'objet d'aucun redressement dans le cadre d'un budget dynamique qui tiendrait compte du comportement des acteurs, alors que les économistes s'accordent pour penser que les prélèvements vont atteindre en France le niveau à partir duquel les rendements sont décroissants (loi de Laffer). Enfin, faire dépendre le retour à l'équilibre des seules hausses d'impôts, à supposer que ce soit possible, ne permet pas d'engager la France dans une politique de désendettement, contrairement à la diminution des dépenses publiques qui vise l'action à long terme en agissant sur le déficit secondaire qui tient compte des intérêts versés aux prêteurs de la dette souveraine.

L'approche qualitative : une fiscalité ciblée sur les entreprises qui nuirait à la croissance

Tout autant que l'approche comptable, l'approche qualitative, qui permet d'évaluer l'efficacité de la politique publique indépendamment du chiffrage des mesures, est essentielle. Le candidat socialiste insiste sur la nécessité d'une croissance forte sans laquelle son programme ne fonctionnerait pas. On devrait donc s'attendre à ce que les mesures de ce programme soient orientées vers la création de croissance.

Qu'en est-il de l'effet des mesures proposées sur la croissance ? Dans le contexte d'une économie libérale dans lequel se situe le programme De François Hollande, la croissance ne peut provenir que des entreprises, et de l'emploi que cette croissance induit. Nous sommes donc amenés à juger les propositions du programme suivant qu'elles sont ou non favorables aux entreprises.

41 propositions sur 46 ont été chiffrées. Sur ces 41, 23 concernent directement ou indirectement les entreprises, et sur ces 23, 18 sont des mesures financières et fiscales affectant directement les entreprises. Nous estimons que ces 23 mesures se décomposent ainsi :
- 16 représentent des hausses d'impôts pesant sur les entreprises pour un montant total de 25,7 milliards. Ces mesures concernent certaines augmentations de l'IS, une réforme de la réforme de la taxe professionnelle, l'augmentation des cotisations patronales ou la suppression de certains allégements, notamment sur les heures supplémentaires, de nouvelles taxes comme l'impôt de bourse ou la taxe sur les activités financières etc. Nous avons inclus dans ces mesures l'augmentation des cotisations appelées à financer la retraite à 60 ans, mais n'avons pas pris en compte d'effet particulier sur les entreprises de ce retour à la retraite à 60 ans.
- 3 mesures sont défavorables aux entreprises car désincitant les particuliers à investir : le retour à l'ISF d'avant la loi TEPA, l'imposition des revenus du capital (pour ce qui concerne au moins les valeurs mobilières) et la tranche d'IR à 75%, pour un montant total d'environ 4,2 milliards.
- En revanche, 4 mesures peuvent se révéler favorables aux entreprises, une amélioration (très modeste) du crédit d'impôt pour les PME, la modulation de l'IS selon la taille des entreprises, en ce qu'elle profite aux PME, et, plus indirectement la construction de logements sociaux et des contrats de génération, pour un montant total de 5,5 milliards.

Nous aboutissons ainsi à un total très négatif pour la croissance de près de 33 milliards de mesures défavorables aux entreprises, dont près de 29 correspondent à des hausses de la fiscalité, alors que seuls 5,5 milliards sont susceptibles de leur être favorables. L'ensemble du programme n'est certainement pas de nature à favoriser le peu de croissance qui subsiste encore en France.

Ajoutons encore que nous n'avons pris en compte que les mesures d'ordre financier. Or les entreprises demandent des mesures de nature à faciliter leur activité, et qui tiennent en premier lieu à la simplification de réglementations extrêmement rigides comme le code du travail et les relations sociales, et sur lesquelles le candidat socialiste reste muet.

Au final, un programme qui répond beaucoup moins aux exigences qui s'imposent à la France de façon immédiate qu'il ne cherche à satisfaire certaines revendications d'égalité et de pouvoir d'achat des citoyens. Avec un doute sérieux sur le point de savoir quelle sera même l'efficacité des mesures de hausse fiscales du seul point de vue du rendement.

[1] Ce chiffrage inclut la récente rectification opérée pour 4 milliards suite aux remarques de Jérôme Cahuzac, ainsi que la promesse de rétablissement de la TIPP flottante, qui, toujours selon l'Institut Montaigne, coûterait 480 millions par centime d'euro de baisse de taxe par litre de carburant. Mais l'Institut ne comptabilise que 480 millions au total, sans savoir quels sont les intentions du candidat.

[2] Jérôme Cahuzac prétend que l'assiette de ces plus-values serait supérieure de 13 milliards, auquel cas l'Institut Montaigne calcule un gain supplémentaire de 2 milliards.