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Déficit 2019 de l'Etat : 107 milliards d'euros en vue

Les annonces présidentielles sont aujourd’hui suivies d’effet par la présentation et le dépôt en urgence sur le bureau de l’Assemblée nationale d’un projet de loi portant mesures d’urgences économiques et sociales, censées mettre en musique au-delà des mesures de gel de l’augmentation de la fiscalité énergétique, les principales mesures de pouvoir d’achat évoquées.

Les effets identifiés des coûts financiers du projet de loi MUES

Les effets de ces seules mesures sont restituées dans le tableau suivant :

 Milliards d’euros

Intitulé de la mesure

coût budgétaire

coût en droit constaté (comptabilité nationale)

Article 1

Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

0

0

Article 2

Anticipation de l'exonération des heures supplémentaires

3

2,4

Article 3

Rétablissement de la CSG à 6,6% pour certains titulaires de revenus de remplacement

1,6

1,3

 

Total

4,6

3,7

Premier étonnement, le coût de la prime exceptionnelle versée en décembre 2018 aura nécessairement un impact sur 2019 (moindre IS collecté pour cause de minoration des bénéfices imposables), mais son montant n’est pas indiqué par le gouvernement.

En revanche pour les deux autres mesures : anticipation de l’exonération des heures supplémentaires et rétablissement de la CSG à 6,6% pour certains titulaires de revenus de remplacement, les coûts sont sensiblement différents suivant qu’il s’agisse du budget de l’Etat ou du coût du dispositif en droits constatés (dans le cadre de la comptabilité nationale). On oscille ainsi entre les 3,7 milliards et les 4,6 milliards d’euros.

Les effets ab initio sur les finances publiques

Parallèlement à la présentation du projet de loi, le gouvernement a présenté un nouvel article d’équilibre au projet de loi de finances 2019[1], ainsi qu’un nouvel « article 38 »[2] présentant l’équilibre général du budget de l’Etat.

  • Sur le solde public

Les effets anticipés par le Gouvernement sont significatifs. Cela est en partie dû à la règle de « demi-gage » que l’Exécutif a entendu conserver dans le cadre du financement des « priorités » gouvernementales (mesures de pouvoir d’achat et baisse de la fiscalité sur les carburants) : à savoir une couverture à seulement 40% des « 10 milliards » de mesures en faveur du pouvoir d’achat. 6 milliards restent donc à couvrir par l’endettement[3]

En points de PIB

Exécution 2017

Prévision d'exécution 2018

Prévision d'exécution actualisée 2018

Ecart 2018

Prévision 2019

Prévision actualisée 2019

Ecart 2019

Solde structurel (1)

-2,3

-2,2

-2,3

-0,1

-2,0

-2,3

-0,3

Solde conjoncturel (2)

-0,3

-0,1

-0,1

0,0

0,1

0,1

0,0

Mesures exceptionnelles (3)

-0,1

-0,2

-0,2

0,0

-0,9

-0,9

0,0

Solde effectif (1+2+3)

-2,7

-2,6

-2,7

-0,1

-2,8

-3,2

-0,4

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (1+2)

-2,6

-2,4

-2,4

0,0

-1,9

-2,2

-0,3

Sources : PLF 2019, Petite loi (1ère lecture A.N.), article d’équilibre (2ème lecture A.N.)

En substance par rapport à la présentation initiale du PLF 2019, la prévision d’exécution du budget 2018 est rabaissée de 0,1 point pour atteindre -2,7 points de PIB au lieu des -2,6 prévus. Par ailleurs, la prévision initiale pour 2019 à -2,8 est rabaissée de -0,4 point pour atteindre -3,2 points de PIB.

En points de PIB

Exécution 2017

Prévision d'exécution actualisée 2018

Prévision actualisée 2019

Solde structurel (1)

-2,3

-2,3

-2,3

Solde conjoncturel (2)

-0,3

-0,1

0,1

Mesures exceptionnelles (3)

-0,1

-0,2

-0,9

Solde effectif (1+2+3)

-2,7

-2,7

-3,2

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (1+2)

-2,6

-2,4

-2,2

Variation du solde structurel

0,3

0,0

0,0

Variation du solde structurel (pour rappel) ancienne programmation

0,3

0,1

0,3

Sources : PLF 2019, petite loi (1ère lecture A.N.), article d’équilibre (2ème lecture A.N.)

Sur le solde public, le plus dur serait l’absence de variation identifiée sur le solde structurel, toujours figé à 2,3 points de PIB depuis 2017. Le solde conjoncturel améliorant seul le solde effectif hors mesures exceptionnelles (à savoir la bascule CICE/baisses de charges)) pour atteindre -2,2% du PIB.

Le gouvernement semble assumer une dégradation de ses comptes qui le font enfoncer provisoirement la limite de -3% du PIB prévu par le traité PSC (-3,2% du PIB). Cela laisse supposer que le plan à 10 milliards n’est pas seul en cause, mais qu’il existe d’autres conséquences expliquant l’affichage de ces déficits : une moindre croissance pour 2018 et 2019[4], laissant entrevoir des rentrées fiscales moins dynamiques qu’escomptées, mais aussi peut-être de nouvelles dépenses : (ainsi par exemple, de la prime exceptionnelle de 300 euros pour les policiers et gendarmes dans le cadre de la crise des « gilets jaunes » : pour 110.000 fonctionnaires soit +33 millions d’euros, etc.)

En effet, même avec un PIB en croissance de 1,5% au lieu de 1,7%, l’incidence sur 2019 est de 5,34 milliards d’euros. Cela représente une moins-value fiscale de l’ordre de 2,35 milliards, soit environ 0,9 pt de PIB. Cette baisse s’ajoute au plan lui-même de 10 milliards dont on a vu qu’il ne serait couvert qu’à hauteur de 40% par des recettes supplémentaires/des économies en dépenses.

Les annonces gouvernementales en la matière peuvent se résumer comme suit :

2,5 milliards de hausses de fiscalité sur les entreprises et 1,5 milliard d’économies à trouver dans le cadre de la 2ème discussion du PLF 2019 (et modification du PLFSS 2019 voté avant promulgation).

Report de la baisse d'IS CA>250 M€

1,8

Taxe Gafa

0,5

Niche Copé (fiscalité intragroupe)

0,2

Total

2,5

Précisons qu’à l’heure où nous écrivons cette note, les « économies » n’ont pas encore été toutes identifiées.

  • Sur le solde de l’Etat :

Le gouvernement a parallèlement modifié l’article d’équilibre (en comptabilité budgétaire) du budget de l’Etat, afin de tenir compte des annonces et de leurs gages. Il apparaît que le déficit de l’Etat s’est alourdit de 8,6 milliards depuis l’examen du PLF 2019 en 1ère lecture à l’A.N., et de 9 milliards par rapport au projet de loi initial. Il atteint désormais 107,7 milliards d’euros.

 

PLF 2019

1ère lecture AN

2ème lecture AN

Dépenses (I)

390,8

391,1

394,7

Dépenses nettes du budget général hors PSR

328,8

329

332,7

PSR au profit de l'Union européenne

21,5

21,5

21,43

PSR au profit des collectivités territoriales

40,5

40,6

40,6

Recettes (II)

291,4

291,6

286,0

Recettes fiscales nettes

278,9

279,1

273,5

Recettes non fiscales

12,5

12,5

12,5

Solde des comptes spéciaux (III)

0,6

0,4

1,0

Déficit à financer (I-II-III)

98,7

99,1

107,7

Sources : PLF 2019, petite loi (1ère lecture A.N.), article d’équilibre (2ème lecture A.N.)

La décomposition de la dégradation du solde est obtenue en partie par une hausse des dépenses (soit +3,6 milliards) et par une dégradation du montant des recettes (-5,6 milliards). En particulier on identifie :

  • Une baisse du produit de la TICPE de 2,773 milliards d’euros ;
  • Une minoration des autres recettes de taxes intérieures 0,621 milliard d’euros ;
  • L’annulation de la suppression du tarif réduit de TICPE du gazole non routier pour 0,980 milliard d’euros ;
  • Et des minorations de TVA (liées à la TICPE), 1,329 milliard d’euros (dont 1 milliard d’effet base de 2018 sur 2019).

Par ailleurs côté dépenses, on identifie également pour 3,110 milliards de dépenses supplémentaires, notamment :

  • Augmentation de la prime d’activité déjà votée au Sénat pour 0,673 milliard d’euros (prime d’activité pour 600 millions d’euros et LODEOM (outre-mer) pour 65 millions) ;
  • La revalorisation de la prime d’activité au-delà des ouvertures sénatoriales pour boucler les annonces présidentielles : soit 2,075 milliards d’euros ;
  • 0,33 milliard d’euros pour la revalorisation des APL (mission « cohésion des territoires) ;
  • Les ouvertures de crédits des missions « sécurités » et « administration générale et territoriale de l’Etat » soit 33,3 millions d’euros et 1 million d’euros.

[1] http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1490/AN/1317.pdf

[2] http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1490/AN/1427.pdf

[3] C’est ce que confirme l’article d’équilibre modifié déposé par le Gouvernement en seconde lecture, voir supra, « cette hausse est en partie financée par un relèvement du programme d’emprunt à moyen et long termes, porté à 200 milliards d’euros contre 195 milliards dans le précédent article d’équilibre. »

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3681952, avec notamment une croissance estimée à 1,5% en 2018 et 2019. Voir également les prévisions de la Banque de France, https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/12/13/818421_bmpe_12_2018_fr_vf_avec-signets_v2.pdf