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2023-2027, les économies potentielles sont gigantesques, si on décide de réformer

Le président de la République, tout en affirmant cette semaine depuis Nouméa «je ne crois pas aux coalitions formelles» a évoqué des «réformes décisives» à mener d’ici la fin du quinquennat. Il reste encore quatre ans. Quatre ans d’immobilisme ou quatre ans pour redonner à la France la place qu’elle mérite? La France reste sous surveillance négative de l’agence de notation Standard & Poor’s et le coût de la dette peut déraper d’un jour à l’autre. Les émeutes des dernières semaines ont largement écorné l’image de la France. Notre économie est très fragilisée et le président pourrait d’ici 2027 avoir besoin d’une vraie coalition soit après une motion de censure soit après une dissolution.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le vendredi 28 juillet 2023.

Le président nous dit qu’il n’y a pas de «majorité de rechange» et semble se satisfaire d’une majorité relative. Mais le pari perpétuel sur des «majorités d’échange», c’est-à-dire via des commissions mixtes paritaires systématiques pour valider les textes législatifs, ne permettra pas de faire passer les réformes ambitieuses et risque d’alimenter la chienlit à la fois dans l’Hémicycle et dans la rue. Pourquoi refuser de construire un accord de coalition à l’allemande?

Nos voisins européens, en l’absence de majorité absolue, travaillent sur des programmes de coalition. Ces gouvernements mixtes ont un contrat (177 pages pour la coalition allemande) qui fixe les grandes réformes à faire passer. En France, rien dans la Constitution de la Ve République n’interdit de constituer une vraie coalition, même en cours de législature. Alors qu’attendons-nous quand nos finances publiques, l’ordre public et l’équilibre de nos institutions sont si mal en point?

À ce stade, aucun plan réaliste de redressement de nos comptes publics n’est présenté et les 60 milliards d’euros de baisses de dépenses que le gouvernement a planifiés dans le dernier programme de stabilité sont quasi inconnus. Et ce alors que nous sommes en passe de devenir champion de l’aggravation de la dette publique et du poids du déficit public en zone euro en passant de 97 % de dette par rapport à la richesse nationale en 2019 à 112 % aujourd’hui. Il faudra, pour commencer, trouver 30 milliards d’euros de vraies baisses de dépenses publiques afin de pouvoir faire, dans le pays le plus taxé d’Europe, 19 milliards de baisses d’impôts pour conserver compétitivité et attractivité. La Fondation iFrap chiffre ces mesures essentielles dans une nouvelle étude: «2023-2027, programme de réformes  pour une coalition». 

Les annonces d’«économies» qui sont faites ces derniers jours sont aux deux tiers des hausses d’impôts déguisées en économies: gazole non routier, Pinel, locatif saisonnier… Et les attaques contre les entreprises qui toucheraient trop d’aides de l’État sont aussi de sortie. Alors qu’en fait plus de 120 milliards des 157 milliards d’«aides» sont là encore des baisses de charges et d’impôts… Si on les supprimait, cela relèverait le niveau de prélèvements sur nos entreprises de 333 milliards à 458. Intenable. Si nous voulons vraiment la réindustrialisation de la France, c’est pourtant maintenant qu’il faut alléger le boulet fiscal et social qui freine nos entreprises. Ainsi que taper un grand coup pour imiter les Suédois - et tant d’autres! - qui ne taxent plus les donations et successions pour garder entreprises et entrepreneurs en France.

Des sociaux-bisounours dans un pays fracturé

Il est temps d’arrêter de se cacher derrière notre petit doigt: nous avons un énorme problème de productivité dans nos services publics lié à un nombre d’agents publics inédit et à un absentéisme public qui nous coûte a minima 7 milliards d’euros en trop par an. Les chiffres sont sans appel. Nos dépenses de personnel explosent avec des sureffectifs publics que l’on peut désormais chiffrer à plus de 500.000 sur l’ensemble du territoire (hors régalien, hors hôpital, hors recherche) ; et des absences de plus en plus lourdes de nos agents avec jusqu’à plus de 34 jours en moyenne toutes causes confondues pour les agents de la région Grand Est ou Hauts-de-France et plus de 60 jours en moyenne d’absence par an pour les agents de la ville de Marseille (rapports sociaux 2020). Les économies potentielles sont gigantesques, encore faut-il vouloir aller les chercher!

Enfin, il devient urgent de redonner sa place au travail en montrant que les aides sociales ne peuvent pas devenir un choix de vie et demandent des devoirs, notamment celui de chercher un emploi quand on vit des aides sociales. Urgent aussi de sauver notre système éducatif en cassant le «numerus clausus» qui ligote l’enseignement privé sous contrat. Replacer, aussi, la justice, la sécurité, la lutte contre la récidive avec une vraie tolérance zéro, ainsi que la lutte contre l’immigration irrégulière, au centre des préoccupations, pas juste dans les discours. Nous sommes devenus des sociaux-bisounours dans un pays fracturé entre le «tout est gratuit/permis» pour les uns et le «tout est payant pour les autres». Cette fracturation pourrait se révéler dramatique.

L’ordre qu’évoque le président est une nécessité et pas que pour la sécurité des biens et des personnes mais aussi pour l’économie française. Comment imaginer attirer des investisseurs, des entrepreneurs, des touristes avec les images que la France a données ces derniers temps? Services publics à l’arrêt, feux de poubelles, attaques de mairies, et de bibliothèques… La France mérite mieux que cela et elle ne pourra avancer qu’avec un vrai contrat de réformes et un vrai partenariat au Parlement pour les voter et stopper la guérilla qui couve. Les lourds enjeux à affronter d’ici 2027 nécessitent un contrat affiché clairement devant tous les Français.