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Prix de l’électricité : +40% en 10 ans

Depuis le 1er février dernier, le prix de l'électricité a augmenté de +1,61% en moyenne pour une hausse annuelle moyenne de 15€ pour la facture des Français. Une nouvelle augmentation... puisqu'en 10 ans, le prix de l'électricité a augmenté de 40%. Un niveau très supérieur à l’inflation de 8,5% sur la période, alors que les prix des produits industriels banalisés évoluent généralement à la baisse. L’électricité a pourtant été déclarée « énergie de l’avenir » par tous les gouvernements, seule capable de répondre aux besoins des Français, de confort, de déplacement et de production, sans émettre de gaz à effet de serre. Sa consommation devait donc être encouragée, en restant disponible en quantité suffisante et à un prix modéré et stable. Parmi les six causes souvent mises en avant pour expliquer ces augmentations, lesquelles y contribuent vraiment ?

  • L’ouverture à la concurrence du secteur de l’électricité ?
  • Le quasi-monopole d’EDF ?
  • Les problèmes du nucléaire français ?
  • Le surcoût des nouvelles énergies renouvelables ?
  • Le compteur Linky ?
  • Les taxes ?

L’évolution du prix de l’électricité dépend de celle de ses trois composants, contribuant désormais chacun pour un tiers : la production, la distribution et les taxes.

En ce qui concerne la production de l’électricité (les électrons), elle est stable, réalisée sur le territoire national et dépend très peu des cours mondiaux du charbon et des hydrocarbures. Leurs prix étant actuellement très faibles, ne peuvent de toute manière pas justifier une augmentation du prix de l’électricité.  

Une fois cette cause d’augmentation du prix de l’électricité exclue, six autres sont a priori envisageables.  

L’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité ?

Contrairement au secteur des télécommunications, celui de l’électricité n’a pas connu de révolution technologique permettant aux consommateurs de disposer de services 1.000 fois plus puissants pour des factures 2 fois plus élevées. Sur le marché de l’électricité, la centaine de nouveaux entrants n’ont pas pu faire de miracles, d’autant plus qu’ils se fournissent massivement auprès d’EDF au tarif fixé par l’État. Ils peuvent aussi se la procurer sur le marché européen par des contrats de long terme, ou sur le marché spot où les prix varient autour de 35-45 euros en moyenne, mais avec des pics allant de prix négatifs à des centaines d’euros le MWh. Au total, loin de faire augmenter le prix de l’électricité, les nouveaux entrants et EDF proposent, sur les kWh consommés, des contrats inférieurs de 8 à 10% aux tarifs régulés. Certains proposent aussi de nouveaux services (ex. kWh verts ou équivalents verts), ou de nouveaux tarifs (ex. week-end, nuit profonde, retrait en cas de pic de consommation) rendus possibles grâce aux compteurs Linky.

Les fournisseurs qui sont producteurs de renouvelables (ex. éolien, solaire) peuvent aussi profiter des subventions qu’ils perçoivent pour baisser leurs prix aux consommateurs.   

Le quasi-monopole d’EDF ?

La tentation de laisser aller et d’abus de pouvoir est universelle pour tous les monopoles. Le fiasco de Flamanville, celui de Super Phénix, les retards dans la mise à niveau des réacteurs existants et les échecs de contrats à l’étranger (ex. Emirats arabes unis) confirment une forme de laisser aller de l'actionnaire public, conduisant au laisser aller de trop nombreux salariés. Le montant élevé des salaires, des retraites (moyenne : 3.592 euros brut par mois à 57 ans en 2017) et des avantages en nature ne sont plus justifiés en face des résultats actuels de l’entreprise, et n’ont été maintenus que grâce à l’abri du monopole. L'effondrement du cours de l'action EDF prend acte de ces dysfonctionnements.

Les nouvelles énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse, petit-hydraulique) ?

En 2021, toutes ces productions renouvelables d’électricité sont plus coûteuses que les prix de marché et que la production nucléaire, et bénéficient en plus d’une priorité absolue d’accès au marché (même en cas de surproduction, ils sont payés aux tarifs administrés). Leurs prix garantis par l’Etat vont de 600 euros par MWh pour le solaire en toiture des années 2010, à 80 euros pour l’éolien terrestre récent, et ne tiennent pas compte de leur caractère intermittent (ex. zéro production solaire aux pics de consommation d’automne et d'hiver) et aléatoire (ex. faible production éolienne en cas d’anticyclone).

Le compteur Linky ?

Le déploiement du compteur « intelligent » Linky a été justifié par les économies de gestion qu’il allait entraîner pour ENEDIS (relevés de consommation à distance, simplicité des ouvertures et fermetures de comptes, détection à distance des anomalies). Du point de vue comptable. Les nouveaux services rendus possible constituaient une sorte de bonus. Enedis a dû financer les installations de 2014 à 2021 (à des taux très faibles sur la période), en comptant sur des économies à partir de 2021. Ce déploiement ne peut donc pas justifier de hausses de tarif.

Les taxes ?

Le niveau des taxes n’a pas cessé d’augmenter et donne la mesure des diverses rustines appliquées au système électrique français. En plus de la TVA sur les abonnements et les consommations, ces taxes regroupent des éléments très divers : (CTA) Contribution tarifaire d’acheminement pour le financement des retraites EDF, (CSPE) Contribution au service public d’électricité pour subventionner notamment les énergies renouvelables, (TCFE) Taxe sur la consommation finale d’électricité versée à la commune, au département et à l’Etat.

Et si  ces taxes apparaissent bien sur les factures des consommateurs, le coût des Certificats d'économie d'énergie (CEE) reste caché : les dépenses que les fournisseurs sont contraints d'engager pour encourager leurs clients à faire des économie d'énergie sont au final répercutées sur les clients. Une surcoût de 3 à 4% du prix de l'énergie d'après l'ADEME.

Ordre de grandeur des investissements

Les dizaines de milliards d’euros nécessaires pour enfouir les déchets nucléaires ou rénover les centrales nucléaires existantes sont impressionnants. Mais il faut les mettre en regard des délais (en dizaines d’années) et des données annuelles d’EDF dont la rentabilité est très insuffisante mais dont les données restent importantes : pour 2019, CA : 71 milliards d’euros, EBITDA : 17 milliards d’euros, investissements : 14 milliards d’euros. A titre de comparaison, la centrale éolienne de Fécamp en cours de construction représenterait un investissement de 2 milliards d’euros. Six centrales de ce type ont été engagées en France.

Conclusion

Pendant les pics de consommation, la fermeture de nombreuses centrales nucléaires, à charbon, au fioul et au gaz en France et en Europe peut entrainer des quasi pénuries et donc des augmentations brutales de prix. Des centrales abandonnées, soit pour des raisons de réglementation environnementale, soit pour des raisons économiques, ces centrales, trop souvent exclues du marché par le droit de priorité accordé aux énergies renouvelables, n’étant plus rentables.

En ce qui concerne l’augmentation moyenne du prix de l’électricité en France, elle résulte des 3 causes franco-françaises ci-dessous.

Causes d’augmentation du prix de l’électricité en France en 2021

Cause

Concurrence

Linky

Monopole EDF

Renouvelables

Taxes

Oui/Non

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Surcoût
en Md € /an

-

-

3

4

2

Note 1 : l’impact des renouvelables inclut le surcoût direct des MWh produits, celui de leurs conséquences sur les réseaux et celui de la gestion de leurs producteurs, petits, nombreux et intermittents.

Note 2 : les taxes ne sont quantifiées ici qu’hors des causes liées aux renouvelables et au monopole EDF, évaluées séparément.

Note 3 : les surcoûts liés au nucléaire français sont inclus dans la case « Monopole EDF ».   

L’argument « malgré tout, l’électricité reste moins chère en France que dans de nombreux pays étrangers » est exact. Mais elle est aussi beaucoup plus chère qu’aux Etats-Unis, Canada, Suède, Finlande, Danemark, Pologne, Ukraine, Russie ou Chine, et la France ne doit surtour pas abandonner l'un de ses atouts. Le coût de la vie est plus élevé par exemple en France qu'en Allemagne. Pour le niveau de vie des Français et pour la compétitivité des entreprises, il faut préserver l'avantage que représente le faible coût de l'électricité.