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Quelle réforme des retraites pour 2018 ?

Pourquoi faut-il déjà préparer la prochaine réforme des retraites

Entre deux discussions parlementaires sur le projet de loi sur la réforme des retraites, celle de l'Assemblée nationale et celle qui va s'ouvrir au Sénat, et également entre deux journées de grèves, se sont tenues les rencontres parlementaires sur le thème "réforme des retraites : vers un compromis social offensif ?".
Un débat où experts, politiques, syndicalistes, gestionnaires de caisses ont pu exprimer leurs avis sur la réforme en cours mais surtout parler de la prochaine réforme.

Faudra-t-il aller vers un système universel, qu'il soit par points, à l'image de nos complémentaires AGIRC-ARRCO, ou en comptes notionnels, comme l'ont fait les Suédois ? Si le débat n'est pas tranché, la question occupe déjà les esprits.

D'abord, du côté des syndicats qui affirment que les financements ne sont pas garantis : en effet, si les mesures de relèvement de l'âge de départ et du taux plein vont rapporter 19 milliards d'euros d'ici 2018, le reste, c'est-à-dire les 30 milliards nécessaires pour combler le déficit, sont financés par différentes mesures de taxation et de cotisation supplémentaires insuffisantes à leurs yeux.

Du côté du Conseil d'Orientation des Retraites (COR) également qui n'a pas attendu 2018 pour mener une étude sur la transition de notre système actuel vers un système par points ou par comptes notionnels et qui conclut que cette transition est techniquement faisable même si elle ne résout pas tout les problèmes, notamment en raison du papy-boom.

Du côté des experts enfin, qui rappellent que la transition vers un tel système permettrait de séparer ce qui relève du contributif, c'est-à-dire de ce que cotise chacun, et ce qui relève de la solidarité (le chômage ou la maternité qui donne droit à des trimestres). Actuellement, tout cela est mélangé, sans financements clairement identifiés.

Les esprits s'échauffent de tous côtés pour converger vers le principe d'une réforme systémique car un système universel pourrait permettre de résoudre un mal profond de notre système de retraite : son illisibilité.

C'est en effet ce que dénonce Danièle Karniewicz, présidente de la CNAV, intervenant à ce colloque, qui réclame, non sans ironie, un "bouclier retraite" qui devrait permettre à chacun de savoir ce sur quoi il pourra compter à sa retraite. Une mesure qu'elle défend devant les inégalités de situations entre le fonctionnaire qui sait qu'il touchera 75% de son traitement hors primes et les autres pour qui c'est l'inconnu.

Une illisibilité que dénonce également Jean-Louis Malys, secrétaire national CFDT à propos des polypensionnés, citant à nouveau le cas des fonctionnaires, touchés par le réforme de l'Etat, qui seront de plus en plus nombreux et dont le système actuel pénalise la mobilité.

Un système illisible : la compensation, la surcompensation

Une illisibilité qui saute aux yeux enfin lorsqu'on se penche sur les systèmes complexes de compensation qui existent entre régimes.

Ce mécanisme se justifie par les multiples régimes qui co-existent en France et dont les rapports démographiques ne sont pas tous équivalents. Comme le dit le COR, "la croissance économique s'accompagne d'une modification de la répartition de la population active qui affecte l'équilibre financier des régimes organisés sur une base professionnelle". On pense bien sûr aux mineurs ou aux agriculteurs dont les caisses sont particulièrement déficitaires. Mais certains régimes sont déficitaires aussi parce que les règles de cotisations ou de prestations sont différentes. C'est pour ne pas conduire à pénaliser des régimes gérés prudemment au profit d'autres régimes impécunieux que la compensation a mis au point des règles très sophistiquées, sous le contrôle de la Commission de compensation, auprès du ministre en charge de la Sécurité Sociale.

La compensation se fait d'abord entre les différents régimes de salariés publics et privés et de non-salariés. Parallèlement, une compensation est faite entre régimes spéciaux, dénommée "surcompensation". Au final, les transferts des régimes en équilibre vers ceux en déficit sont très importants : 8,2 milliards en 2007 au titre de la compensation et 1,5 milliard au titre de la surcompensation [1]. Les principaux contributeurs sont la CNAV et la CNRACL (fonctionnaires locaux) et les principaux bénéficiaires les agriculteurs et les mineurs.

Bref c'est d'une véritable usine à gaz dont il s'agit. Le fonctionnement de ces mécanismes a d'ailleurs été très critiqué pour ses nombreux défauts conduisant à majorer ou minorer les flux selon les cas [2]. Sans compter la méfiance que peut naturellement susciter une telle tuyauterie. C'est donc un argument de plus en faveur d'une fusion des régimes en un système universel. Le président du Sénat, Gérard Larcher qui a évoqué récemment une "refonte du régime" des retraites "pour aller, par exemple, vers un système par points", pourrait prendre l'initiative à l'occasion du débat qui va s'ouvrir au Sénat de fixer le calendrier de la future réforme.

[1] Voir le rapport du COR La compensation entre régimes, juin 2009

[2] Rapport Domeizel et Leclerc de 2006 : ainsi la CNAV doit-elle compter dans ses effectifs de cotisants les chômeurs et préretraités qui ne cotisent pas. La compensation s'effectue entre des régimes complets par opposition à d'autres régimes qui n'intègrent pas les complémentaires (exemple CNAV). Autres points très importants : le déséquilibre d'un régime tient aussi à l'âge à partir duquel on peut partir en retraite, les conditions des pensions de réversion, etc.