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Pénibilité : « un risque d’autoriser encore plus de fonctionnaires à partir plus tôt à la retraite »

Surveillants de prison, contrôleurs aériens, pompiers... On les appelle les catégories actives de la fonction publique. Au total, plus de 750.000 fonctionnaires bénéficient aujourd’hui d’un départ anticipé à la retraite, bien avant 62 ans.

Parmi eux, les « actifs » de l’État sont au nombre de 150.000 (dont les personnels actifs de la police nationale, les surveillants de l’administration pénitentiaire, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, les personnels de surveillance des douanes, les agents de travaux publics de l’État), ceux de la fonction publique hospitalière environ 500.000 et 55.000 dans la fonction publique territoriale.

Moyennant une durée de service actif qui se situe selon les métiers à 15 ou 25 ans (progressivement remontée à 17 ou 27 ans), les fonctionnaires classés en catégorie active peuvent partir à un âge anticipé de 52 ans ou 57 ans selon les cas.

Le coût des départs en catégorie active est de l’ordre de 1,9 milliard d’euros en 2012, selon le rapport de la Cour des comptes sur la retraite des fonctionnaires de 2016. Un coût annuel auquel il conviendrait d’ajouter 1,8 milliard pour les régimes spéciaux des entreprises publiques, toujours selon la Cour des comptes. Et comme cela a été souligné maintes fois, les emplois publics ne paient pas une surcotisation pour permettre à leurs agents de partir plus tôt en retraite, ce sont les impôts des Français qui règlent l’addition.

Plusieurs exceptions

Avec la réforme pour un système universel de retraite par points, les agents actuellement en catégorie active de la fonction publique ou des régimes spéciaux sont censés basculer vers le compte pénibilité. Selon le projet de loi retraites, l’extension du compte pénibilité à la fonction publique et aux régimes spéciaux se traduira par une augmentation de 300.000 du nombre de bénéficiaires.

Exit donc, sur le papier, les catégories actives à 52 ou 57 ans: désormais ce sera au mieux 60 ans pour tous les fonctionnaires classés actuellement en catégorie active. Mais c’est à plusieurs exceptions près : les régaliens, les militaires, ceux qui ont déjà effectué leur service actif dans leur emploi classé en catégorie active (15 ans ou 25 ans selon les métiers), ceux nés avant 1975… Bref, la majeure partie des agents en catégorie active ne sera vraisemblablement pas concernée par la réforme et continuera de partir à 57 ans…

Le ministre de la Fonction publique, Olivier Dussopt a déjà assuré que «l’essentiel» des agents seraient éligibles au compte professionnel de prévention (C2P) (le compte pénibilité, ndlr), et aurait assuré qu’il n’y aurait pas de perdants…

Alors, allons-nous vers un régime universel à deux vitesses où les agents publics et les agents des entreprises publiques peuvent continuer de partir en retraite à 52 ou 57 ans quand les autres partiront entre 62 et 65 ans ?

Le risque est réel aussi d’autoriser encore plus d’agents à partir plus tôt. Le lobbying public a déjà commencé, s’appuyant sur une étude de la Dares expliquant en long et en large que la pénibilité est plus grande dans le public que dans le privé, notamment au titre des risques psychosociaux. Dans cette étude, le contact avec le public est même classé comme «une contrainte», et par définition les agents du service public sont plus exposés… Alors? 300.000 agents en pénibilité, ou 700.000, ou un million ? Nul ne sait, car on ne dispose pas encore de l’étude d’impact. Cela pourrait-il même conduire les fonctionnaires à partir en moyenne encore plus tôt qu’aujourd’hui ? Ce serait un comble, alors que l’âge de départ chez eux est déjà beaucoup plus faible que dans le privé. D’où notre note de vigilance de 4/10.