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Les régimes spéciaux de retraite (RATP/SNCF)

Avant tout, plus de justice en 2013 !

2013 sera sans conteste une année placée sous le signe des retraites. C'est le COR – Conseil d'orientation des retraites - qui a le premier sonné l'alerte avec son 11e rapport : oui, la crise a eu un impact sur les perspectives financières et les déficits s'accumulent. Il faudra trouver 19 milliards en 2014, 21 milliards en 2017, imposant de nouvelles mesures douloureuses pour les cotisants, les retraités ou les deux. Plus que jamais ces mutations imposent plus de justice et plus de convergence entre les régimes. Si la réforme de 2007 des régimes spéciaux constitue un pas dans ce sens, la donne financière, elle, n'a pas changé et c'est toujours la collectivité qui est largement mise à contribution. Et pose la question d'une nouvelle étape vers plus de convergence.

Principales différences entre les régimes spéciaux SNCF et RATP, et le Régime Général
SNCFRATPRégime général
Taux cotisation salarié Avant réforme 7,85% 7,85% 10,55%
Après réforme 10,55% progressivement entre 2016 et 2026 12% depuis réforme 2005 2006 6,75% sur le PSS + 0,10% sur la totalité du salaire
Taux cotisation patronale T1 = 22,23% en 2012 ; T2 = 11,26% en 2012 (*) 18,43% 8,40% sur le PSS + 1,60% sur la totalité du salaire
Base de calcul 6 derniers mois 6 derniers mois 25 meilleures années (régime de base)
Durée cotisation Avant réforme 150 trimestres 150 trimestres 160 trimestres
Après réforme Pour une retraite à taux plein la « Durée de référence » est maintenant fixée par décret suivant avis du COR :
166 à partir de juillet 2017 166 trimestres pour les personnes nées en 1955
Age légal de départ à la retraite Avant réforme 55 ans sauf pour les agents de conduite > 50 ans 50 et 55 ans selon les métiers 60 ans
Après réforme Progressivement (2024) : 62 ans pour les retraités nés à partir de 1955
SNCF : 52 ans pour les AC nés à partir de 1972 et 57 ans pour les agents nés à partir de 1967 RATP : 52 ans ou 57 ans selon les métiers et respectivement nés à partir de 1967 et 1972
Source : rapport Cour des comptes septembre 2012 (*) La cotisation T1 est la cotisation de base patronale et la cotisation T2 est une cotisation complémentaire « censée » couvrir les avantages spécifiques des cheminots .

Nos dirigeants politiques n'ont eu de cesse qu'ils ne mettent en avant l'équité, la solidarité mais pour ne pas trop « braquer » les bénéficiaires des régimes spéciaux, la réforme ne s'est pas inspirée du régime général mais de celui de la fonction publique. Un choix étrange puisqu'on entend dire partout que le mode de calcul de la pension est en faveur du privé ! Néanmoins, à la SNCF, l'âge moyen de cessation d'activité en 2011 est passé à 51 ans pour les conducteurs et 55 ans et 10 mois pour les autres agents. La Cour indique que les nouveaux retraités ont reculé chaque année leur âge de départ de 0,3 an. En revanche, rien n'a changé à la RATP.

Comme on le voit, la réforme de 2007, impulsée suite à la mise en place de nouvelles normes comptables au niveau européen (IFRS), a précipité des réformes de structure avec la création « de caisses de sécurité sociale distinctes » pour les entreprises publiques, respectivement la CPR pour la SNCF et la CRP pour la RATP (la SNCF ainsi n'a pas eu à provisionner les engagements de retraite qui se montaient en 2007 à 111 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 39 milliards d'euros). Elle a aussi modifié certains paramètres d'équilibre des régimes, mais elle n'est pas parvenue à faire cesser les subventions d'équilibre, toujours aussi importantes.

Et pour cause ! À la SNCF, à la baisse des effectifs créant un déséquilibre démographique, s'ajoutent les règles de calcul plus favorables (6 derniers mois), les âges limites pour partir en retraite plus tôt et une durée moyenne de versement des pensions de 27 ans et 4 mois pour les pensions directes, à comparer avec la moyenne pour le régime général qui est de 21,4 ans pour les hommes et de 25,9 ans pour les femmes. Et la réforme, comme le rappelle la Cour des comptes, n'a pas constitué un bouleversement : «  l'aspect symbolique de ces réformes a été privilégié sur leur contribution à l'équilibre des finances publiques ».

Au total, le montant des prestations versées en 2011 est de 5,2 milliards d'euros dont 3,2 milliards de subvention de l'État. Soit une subvention moyenne par contribuable de 11.280 euros par retraité. Ainsi la subvention d'équilibre de l'État aux régimes spéciaux augmentera de 7,4% d'ici 2015 dont 4,184 milliards d'euros en 2013 pour les seuls régimes SNCF et RATP. Un effort conséquent lorsqu'on sait les engagements de baisse des dépenses publiques du gouvernement, et qui met à mal la croyance de certains cheminots qu'ils ont un régime autofinancé.

Et de surcroît, la SNCF a accordé un certain nombre de contreparties pour faire passer les modifications de conditions de départ à la retraite : selon la SNCF elles se montent à 210 millions d'euros en 2014. La Vie Du Rail les a chiffrées à 188 millions d'euros en 2012 en livrant le détail suivant :
- création d'échelons supplémentaires pour 60 millions d'euros
- augmentation salariale associée au maintien en activité des agents pour 17 millions d'euros
- intégration des primes pour le calcul des retraites pour 79 millions d'euros
- abondement du compte épargne-temps pour 15 millions d'euros
- prise en compte de la pénibilité pour 17 millions d'euros par an.

Idem à la RATP, la faible couverture des charges nettes par les seules cotisations implique une subvention de l'État à hauteur de 532 millions d'euros en 2011. Et tout comme à la SNCF, la réforme de 2007 a eu un coût induit à cause de contreparties, estimé à 130 millions d'euros sur la période 2011 à 2020, à mettre en rapport avec les 270 millions d'euros de gains de la réforme (cotisations supplémentaires + pensions économisées) sur la période 2011 à 2020. Et pour ces deux entreprises il y aura des coûts supplémentaires, car le maintien en activité des agents va entraîner des mesures d'accompagnement telles que des formations, des reconversions, des perspectives d'évolution, etc.

En résumé :
Régime généralSNCFRATP
Nombre de cotisants 17.800.000 158.268 43.600
Nombre de retraités 12.880.000 283.608 48.000 (1)
Ratio cotisants/retraités 1,4 0,55 0,90
Recettes en Md € 94,624 (3) 2,185 (2) 0,442 (2)
Dépenses en Md € 103,556 5,375 0,994
Soldes en Md € - 8,932 -3,359 - 0,552
Ratio « soldes » sur dépenses 8,6% 62% 55%
(1) Estimation (2) recettes recalculées (3) dont 62.797 de cotisations le reste étant des impôts, taxes affectées, transferts, FSV …

Ce tableau montre que les déficits des 2 principaux régimes spéciaux SNCF + RATP (soit 3,911 milliards d'euros) représentent à eux seuls presque la moitié du déficit du régime général qui concerne pourtant 12.880.000 vs 331.000 retraités. On voit aussi que, pour chaque retraité de la SNCF et de la RATP l'État donne au titre de la subvention équilibre 11.821 d'euros par an alors que pour chaque retraité du régime général, l'État ne donne au titre de la subvention d'équilibre que de 690 d'euros, hors impôts et taxes affectés.

Conclusion

Comme on le voit, la réforme de 2007-2008 des régimes spéciaux de retraite a constitué une première étape vers la convergence avec le régime général. Mais l'on est encore loin du compte avant de parler d'un alignement complet des conditions de départ à la retraite. Et ce "premier pas" a coûté cher aux entreprises de transport et donc finalement aux contribuables et aux clients. Aux contribuables parce que l'État est toujours appelé en comblement de financement des déficits des régimes spéciaux. Et aux clients parce que les entreprises publiques, pour amortir leurs coûts, font tout pour bloquer l'ouverture à la concurrence. La RATP a ainsi opportunément négocié une rallonge de son monopole jusqu'en 2039. Et la réforme SNCF-RFF qui s'est jouée en novembre dernier, avait aussi pour toile de fond la question sociale : le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a rappelé à cette occasion que le statut des cheminots SNCF continuerait à être défendu avec pour objectif un cadre social harmonisé au niveau européen. La SNCF souhaiterait qu'une convention collective, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, harmonise par le haut les conditions d'emploi des cheminots. La Commission européenne ne l'entend pas de cette façon, qui vient de rappeler son objectif d'une concurrence totale en 2019 (fret / transport régional / TGV).