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Il faut créer une caisse de retraite pour les fonctionnaires

La réforme des retraites adoptée à l'Assemblée va passer au Sénat mais personne ne s'y trompe : il faudra très vite affronter de nouveaux déficits. En effet, le débat manque de chiffres clairs sur la situation financière des multiples régimes de retraite de notre pays. Si, à partir de 2000, la constitution du Conseil d'orientation des retraites a permis de mieux cerner les enjeux du régime général, ceux du secteur public restent encore très flous. D'où l'opinion désormais répandue qu'en matière de régimes publics, les financements sont bouclés, ce qui est pourtant loin d'être le cas. La création d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires permettrait de vraiment connaître les déficits et les enjeux pour nos finances publiques.

Il est notable que les chiffres définitifs sur le montant des pensions de retraite de la fonction publique sont particulièrement difficiles à obtenir. La Cour des comptes annonce dans son rapport sur l'évolution des effectifs publics le chiffre de 44 milliards d'euros en 2007 de pensions pour les trois fonctions publiques (d'État, locale et hospitalière). Mais le ministère de la fonction publique donne pour la même année 39,7 milliards pour les pensions civiles et militaires et 11,5 milliards pour les pensions versées pour les agents territoriaux et hospitaliers, soit plus de 51 milliards d'euros au total. Une différence de plus de 11 milliards.
D'où vient cette différence ? Cette question est d'importance car les pensions sont directement financées sur le budget de l'État et elles progressent très rapidement avec l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom. Pour les seuls fonctionnaires d'État civils et militaires elles ont progressé rapidement, passant entre 1990 et 2007 de 18 à 39 milliards d'euros, pour représenter aujourd'hui 14% du budget général, autant que les dépenses de défense nationale.

Comment les retraites des agents de l'Etat sont-elles financées ? Si les documents budgétaires indiquent bien que les cotisations salariales y contribuent pour 7,85% de cotisation sur le traitement indiciaire brut, le solde est financé directement par le budget de l'État. Cette règle est directement liée au statut de la fonction publique qui prévoit que le fonctionnaire bénéficie d'un traitement lorsqu'il est en activité et d'un traitement d'inactivité lorsqu'il cesse de travailler. Un taux dit « fictif » est calculé une fois que les besoins de financement sont connus.
A titre d'exemple pour 2007, les pensions des fonctionnaires civils et militaires étaient de 39,7 milliards, les cotisations salariales de près de 5 milliards d'euros soit une contribution de l'État employeur de 35 milliards d'euros, l'équivalent d'une « cotisation employeur » de 62% pour les fonctionnaires. Ce système qui ne fait jamais apparaître de déficit, puisque l'Etat comble chaque année automatiquement les besoins de financement est clairement déresponsabilisant. D'autant que cette contribution fictive employeur augmente d'environ 1% chaque année.

Dès 2000, le COR avait compris que ce système qui fait apparaître des régimes publics apparemment en équilibre puisque financés par le contribuable, pouvait être choquant pour les Français. Il a donc été convenu que le déficit des régimes publics serait considéré comme nul à la date de création du COR en 2000 et que l'accroissement du déficit serait désormais baptisé « besoin de financement », cette fois pour ne pas choquer les représentants du secteur public. C'est donc un chiffre surréaliste qui apparaît dans le débat : 10 milliards d'euros de déficit version COR pour les fonctionnaires d'État aujourd'hui, 18 milliards de déficit dans dix ans. Mais que représentent ces chiffres ? Avoir choisi 2000 comme origine est tout à fait artificiel.

A titre de suggestion pour le COR, le déficit pourrait tout autant être défini comme le montant des cotisations dans le public, supérieures à celles du secteur privé, 25 % (10% pour le salarié, 15% pour l'employeur). Un calcul qui fait cette fois apparaître un déficit dès aujourd'hui de plus de 25 milliards d'euros.

La seule solution pour tenter de clarifier le système et la compréhension par le grand public serait de mettre en place une caisse de retraite des fonctionnaires d'État, séparée du budget de l'État, qui fasse apparaître les cotisations et prestations du régime, et surtout le déficit qui en découle. Un temps évoqué dans le cadre de la réforme, la création de cette caisse a fait l'objet d'une opposition unanime des syndicats qui y voyaient « un prélude à une fusion avec le régime général ». Une bonne raison pour insister !

D'ailleurs cette caisse existe déjà pour les agents locaux et territoriaux dont les cotisations et pensions sont versées par la CNRACL, Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, qui malgré son nom couvre aussi les agents hospitaliers. Cette caisse, abritée par la Caisse des dépôts et consignations, constitue un progrès pour la clarté des comptes : recettes, paiements et coût de gestion peuvent y être clairement identifiés. La mise en place d'une caisse autonome a également été la méthode utilisée par les entreprises publiques dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux de 2007. Autant d'arguments qui plaident pour un véritable effort de transparence.

La séparation employeur/assureur a clarifié les rôles, les responsabilités et les activités entre la Caisse et la SNCF

Rapport d'activité 2008 de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF