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Faire la lumière sur son capital de cotisations retraites

un bon sens nécessaire

Mettre chaque mois le quart de son salaire de côté, le déposer à un guichet et ne recevoir aucun reçu ni relevé de situation : inimaginable de la part d'une banque ou d'un assureur. C'est exactement ce que les caisses de retraites obligatoires ont fait pendant 50 ans. Il aura fallu une loi en 2003 pour que le droit à l'information soit mis en place. Un progrès net, mais insuffisant.

Entre la retraite Sécurité sociale (Cnav [1]) et les retraites complémentaires (Arrco [2]/ Agirc [3]), les salariés du privé consacrent 10 % de leur salaire à leur retraite et leur employeur 15 %, soit un total de 25 %. Cela constitue leur premier poste de dépense, loin devant la santé (18 %), le logement (16 %), l'alimentation (15 %) et les transports (14 %).

Les dégâts du secret

Il aura fallu attendre 2003 pour que les salariés qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans puissent prendre leur retraite avant 60 ans. Mais comment éviter les contestations quand les caisses n'ont pas fourni de relevé depuis 40 ans ? Une procédure de déclaration sur l'honneur et de témoins a été improvisée. Les fraudes inévitables se sont produites.

Jusqu'en 2006, la Cnav ne communiquait RIEN à ses adhérents, attendant que le salarié se manifeste à l'approche de la retraite. La Cnav lui envoyait alors un relevé de carrière indiquant le nombre de trimestres cotisés. Ce relevé contenait souvent de multiples manques difficiles à combler si tardivement : trimestres perdus entre l'employeur et la Cnav, service militaire, chômage, enfants, allocation vieillesse pour parents au foyer (AVPF)… Les règles de calcul étant complexes ; en 2009, les surprises sont encore nombreuses [4] et des erreurs existent dans 5 % des retraites versées. Avec son relevé de carrière, son nombre de trimestres et son âge, le futur retraité pouvait évaluer quand il pourrait prendre sa retraite à taux plein, mais pas le montant de sa retraite. Pour les personnes qui ont cotisé à plusieurs caisses (agricoles, indépendants, non titulaires de la fonction publique…), la situation était encore plus floue.

À la même période, les régimes Arrco et Agirc étaient plus proches de leurs clients. Chaque année, ils envoyaient à chaque salarié un relevé de ses « points » et le prix d'une de ces unités. En multipliant les deux, il était possible d'avoir une idée du montant déjà acquis de sa retraite, mais très vague puisque le prix du point varie chaque année et qu'aucune projection sur l'avenir n'était faite.

Situation actuelle : en progrès

En 2003, le Parlement a décidé que ces informations insuffisantes et trop complexes ne permettaient pas aux salariés de préparer correctement leur retraite. Il a été décidé que les salariés recevraient deux documents couvrant à la fois la Cnav et l'Arrco/Agirc (et tous les autres régimes de retraite, soit 36 au total).

Un Relevé de situation individuelle (RSI) tous les 5 ans à partir de 35 ans. Ce RSI décrit le passé : nombre de trimestres cotisés pour la Cnav et nombre de points acquis pour les complémentaires.

Une Estimation indicative globale (EIG) tous les 5 ans à partir de 55 ans qui fournit une estimation du montant des retraites à 60, 62 et 65 ans. Cette estimation est faite en supposant que l'intéressé continuera à travailler dans une situation analogue à sa situation actuelle.

Ce droit à l'information sera opérationnel pour tous en 2011, mais les personnes les plus proches de la retraite reçoivent déjà les relevés RSI et EIG.

Situation actuelle : insuffisante

Pour le passé, les relevés actuels ne prennent pas en compte les avantages familiaux et comportent encore de nombreuses erreurs pour les périodes lointaines et pour les cotisations dans différents régimes. Ces deux derniers points vont s'améliorer automatiquement au fur et à mesure que les cotisations passées auront été gérées par informatique. Mais la prise en compte des enfants demande un changement de méthode dans la capture des données.

Pour l'avenir, les prévisions doivent être améliorées pour expliciter clairement les hypothèses concernant les dates de départ en retraite, l'évolution de la carrière à venir et celles concernant l'inflation : 2 000 euros de 2009 peuvent être très différents de 2 000 euros de 2015. Les EIG doivent surtout être envoyées aux adhérents des caisses de retraite beaucoup plus tôt, dès 40 ans. À 55 ans, les possibilités de réactions des intéressés sont très limitées, particulièrement pour les mères au foyer.

Ces documents sont censés regrouper les relevés des différentes caisses, mais pour obtenir des compléments d'information ou des corrections, il est toujours nécessaire de s'adresser à autant d'interlocuteurs qu'il y a de caisses : un guichet unique doit être mis en place.

Vous avez déjà cotisé des centaines de milliers d'euros

Enfin, il est naturel que les adhérents connaissent le montant des cotisations qu'eux-mêmes et leurs employeurs ont déjà versées aux différents organismes. Informés de ce qu'ils ont cotisé et de ce qu'ils vont percevoir, les Français se sentiront vraiment responsables de leurs retraites et pourront agir en conséquence : faire un choix de vie personnelle, reprendre un travail ou économiser, par exemple.

Vingt-deux ans plus tard, le salarié cité ci-dessous aura 62 ans, cotisé 42 ans et accumulé un montant total de cotisations qui se chiffrera entre un demi-million et un million d'euros. Il serait juste et utile qu'il en soit informé.

Proposition de complément au contenu de l'Estimation Indicative Globale

Madame, Monsieur,
À l'occasion de votre 40e anniversaire, l'ensemble de vos caisses de retraite vous proposent de faire le point sur votre dossier retraite.

Période de cotisationTotal de vos cotisations
(salarié et employeur)
Total de vos cotisations
(salarié et employeur)
indexé sur l'inflation et sur la croissance du PIB
1990-2009 150 000 € 200 000 €
Source : estimation iFRAP d'après les données de croissance du PIB en volume de l'Insee.

[1] Cnav : Caisse nationale d'assurance vieillesse

[2] Arrco : Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés

[3] Agirc : Association générale des institutions de retraite des cadres

[4] L'erreur faite pendant 25 ans par la Cnav sur les arrondis des périodes de chômage montre la complexité de ces calculs.