Tribune

Programmer la simplification

Dès que la pression des agences de notation se fait à nouveau sentir, comme dans une sorte de ritournelle bien rodée, le gouvernement, quel qu'il soit, annonce à grands frais des mesures d'économies et de simplification. Grandes annonces. Le Premier ministre a même affirmé dans son discours de politique générale vouloir « débureaucratiser » la France .

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le mardi 5 mars 2024.

Depuis quelques semaines, on nous explique que tout va changer ; qu'on va, cette fois, vraiment économiser et simplifier. Mais on passe encore à côté de l'essentiel : les 10 milliards d'économies ne sont pas 10 milliards d'économies pérennes mais le rabotage de dépenses supplémentaires que le gouvernement veut maintenant sabrer après les avoir promues (écologie, prime rénov' …) et avoir soutenu, envers et contre tous, que sa trajectoire de croissance était la bonne.

Quant aux mesures de simplification envisagées, le compte n'y est pas non plus. Certes, est proposée la remontée d'un cran des seuils sociaux ou un accès facilité à la commande publique pour les PME… Ces mesures vont dans le bon sens mais aucun projet en vue d'évaluation systématique du stock et du flux normatif qui pèse sur nos entreprises et nos ménages n'est annoncé. Alors que les Allemands, Hollandais ou Belges évaluent en permanence leurs charges administratives respectives. Et que les Suisses viennent d'adopter une loi instaurant un processus de révision périodique des normes adoptées.

Sur les économies comme sur la simplification, même combat, on agit à la surface mais pas dans le dur des réformes à faire. Impossible en effet de réaliser en France des économies pérennes sans réorganisation profonde de la sphère publique.

Une administration surpayée

Mais cela reste le tabou absolu. Maintenir des perspectives de croissance au-dessus du consensus avec la bénédiction des services de Matignon permet de ne pas avoir besoin de caler au moment du vote du budget des économies plus structurelles.

Le coût des normes sur les entreprises et les ménages n'est pas non plus évalué pour ne pas remettre en question l'architecture de nos services publics.

Pourtant, nos dépenses publiques en France représentent toujours 200 milliards d'euros de plus par an que celles de nos homologues de la zone euro. Et la moitié de cette sur-dépense est générée par les coûts de production de nos services publics qui sont entre 70 et 80 milliards plus élevés que chez nos voisins. Cela vient de la complexité de notre organisation publique et des coûts de coordination du mille-feuille français entre l'Etat, les collectivités locales et la Sécurité sociale.

Ouvrir la boîte de Pandore de l'organisation publique et du coût de la structure administrative en France, ce serait cela débureaucratiser. On ne l'a pas fait au moment de la RGPP, ni avec le rapport Attali, ni au moment de la simplification sous Hollande avec la MAP, ni avec Edouard Philippe qui avait enterré le rapport CAP 2022.

Personne n'a jamais osé regarder en face le sujet qui gratte : nous surpayons nos administrations et nous subissons la complexité de leur organisation bigrement enchevêtrée. Il ne faut pas une loi de simplification et, en parallèle, des « économies » annoncées dans l'urgence au fil de l'eau et sans vote mais une grande loi de programmation de la simplification de l'organisation publique générant des économies chiffrées à la fois en dépenses publiques et en baisse du coût normatif pour les entreprises et les ménages. Arrêtons de réfléchir en silo.