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Fonction publique : fin du cumul RTT et congés maladie

Les agents publics pouvaient cumuler des RTT sur les jours de congés maladie. Ce ne sera plus le cas car le Parlement a adopté, en loi de finances pour 2011, un amendement du Sénateur Philippe Dominati qui prévoit de supprimer les droits à RTT (réduction de temps de travail) des fonctionnaires lorsque ceux-ci sont en arrêt maladie. Actuellement, conformément à la jurisprudence, un fonctionnaire en congé maladie est «  regardé comme ayant accompli les obligations de service », et peut donc prétendre à des jours de RTT.

Le texte de l'amendement est clair : «  La période pendant laquelle le fonctionnaire relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou l'agent non-titulaire bénéficie d'un congé pour raison de santé ne peut générer de temps de repos lié au dépassement de durée annuelle du travail. » Le texte prévoit toutefois de continuer à accorder les jours de RTT pour les congés maternité, les congés pour exercer un mandat électif, les décharges d'activité pour mandat syndical, les congés de formation professionnelle.

Le sénateur se fonde sur une réponse du gouvernement à un parlementaire en 2003 sur la question :
"L'acquisition de jours de réduction de temps de travail (RTT) est en effet liée à la réalisation de durées de travail hebdomadaires supérieures à 35 heures, hors heures supplémentaires, et est destinée à éviter l'accomplissement d'une durée annuelle du travail excédant 1.600 heures. En conséquence, les absences au titre des congés prévus aux articles 57 (à l'exception des 8e et 10e alinéas) et 74 (3e alinéa) précités réduisent à due proportion le nombre de jours RTT que l'agent peut acquérir."

Mais le juge administratif avait renversé ce principe en estimant en 2006 pour la fonction publique hospitalière que « l'agent en congé maladie est regardé comme ayant accompli les obligations de service » [1] et de ce fait pouvait prétendre à des jours de RTT. Cette position a été étendue par les cours administratives d'appel à la fonction publique territoriale et pouvait être transposée à la fonction publique de l'Etat.

L'enjeu budgétaire serait substantiel. Selon le sénateur Dominati, ce sont près de 2 millions de jours, soit « environ 10.000 ETP » qui seraient accordés tous les ans « sur la base d'une réduction indue d'un temps non travaillé ». En réalité, ce serait plutôt l'équivalent de 2.000 à 5.000 équivalents temps plein qui pourraient être économisés entre les fonctionnaires d'Etat et les fonctionnaires locaux car les enseignants notamment (1,2 million d'agents de l'Education nationale) ne sont pas aux 35 heures…

Le principe de compteur RTT gelé en congés maladie n'est pas une nouveauté puisqu'il s'applique déjà à l'essentiel du secteur privé. Mais les syndicats de la fonction publique sont très remontés contre cette mesure qu'ils jugent, dans une note de la CGT intitulée « La RTT réduite au prorata des congés maladie », « remettrait profondément en cause la notion de position d'activité telle qu'elle est définie par le statut général des fonctionnaires ».

Derrière le jargon syndical, il faut comprendre que les syndicats publics craignent que la notion de congé maladie ne perde ses lettres de noblesse. Car « dans la fonction publique, les congés maladie correspondent à une position d'activité et entrent en compte dans la détermination des droits à congés annuels ». En bref, plus que de cumuler des RTT pendant leurs congés maladie, les agents publics tiennent à continuer de cumuler leurs congés payés pendant leurs maladies et craignent que cet amendement n'« ouvre une brèche dans l'assimilation du congé maladie à la position d'activité ». Rappelons seulement que seuls les congés maternité ouvrent droit à congés payés pour les salariés du privé.

Se pourrait-il que l'absentéisme dans le public soit plus élevé que dans le privé non seulement parce que les arrêts maladie des fonctionnaires sont très bien rémunérés mais encore parce qu'ils ouvrent droit à congés payés ? Une piste à creuser car, si l'on prend une moyenne basse de 15 jours d'arrêts maladie par an, plus de 6 millions de jours de congés payés pourraient potentiellement être économisés sur l'ensemble de la fonction publique. Pour cela, il faudrait revenir sur la règle qui veut que les agents en arrêt maladie soient considérés comme en activité.

[1] CE, SSR, 30 juin 2006, n°243766