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Agents de l’Etat, RATP et SNCF : 45% des jours de grèves en 2019

Qui bloque la France pendant les réformes des retraites ? Principalement le secteur public et les transports. En 2019, année de négociation de la première réforme des retraites d’Emmanuel Macron qui a, par la suite, été abandonnée, la fonction publique d’Etat, les salariés de la SNCF et de la RATP représentaient 45% des journées de travail perdues pour fait de grève alors qu’ils ne représentent que 13% des actifs de la fonction publique d’Etat et des entreprises. Une tendance que l’on retrouve à chaque réforme.

Sans surprise, après la présentation de la réforme des retraites, les forces syndicales ont annoncé leur volonté de bloquer le pays lors d’un jeudi noir, le 19 janvier prochain. Le mouvement s’annonce très suivi avec 70% des enseignants du premier degré en grève (selon le SNUipp-FSU), une journée « zéro transport » attendue par la RATP, une journée « coup de poing » pour la SNCF, le blocage des raffineries et la fédération CGT des mines et de l’énergie (FNME-CGT) évoque même la possibilité de déclencher des coupures d’électricités ciblées contre les élus qui soutiendraient la réforme mais « sans se mettre à dos les usagers ». Il faut dire que les usagers sont désormais habitués à ces journées de blocage où les règles encadrant le droit de grève sont de plus en plus détournées et le service minimum jamais respecté.  

Les agents de l’Etat, toujours sur-représenté lors des mouvements de grève

Si l’on se penche sur les données sur le nombre de journées de travail perdues pour fait de grève lors des années précédant les 4 dernières réformes, on constate que la fonction publique d’Etat est systématiquement sur-représenté.

En 2019, les agents de l’Etat regroupent ainsi 33,2% des journées perdues, soit une sur-représentation de +21,9 points.

Cette année-là, les agents du ministère de l’Education nationale représentaient 79% des journées perdues pour fait de grève dans la fonction publique d’Etat. En 2ème position, on trouve les agents des ministères économiques et financiers avec 13% des journées de grève. Des ordres de grandeur que l’on retrouve d’années en années.

Sur les précédentes réformes des retraites qui, elles, ont été votées, la fonction publique d’Etat représentait 14,7% des jours de grève en 2014 lors de la réforme Touraine qui a vu la prise en compte de la pénibilité et l’augmentation de la durée de cotisation. 24,6% des jours de grèves lors de la réforme Woerth, soit la dernière réforme ayant augmenté l’âge légal de départ et 22,1% des jours de grèves lors de la réforme Bertrand qui, sans supprimer les régimes spéciaux, a aligné leur durée de cotisation sur celle du privé et le calcul de leurs pensions sur celui du public (prise en compte des 6 derniers mois et non plus du dernier mois).

Comparaison du nombre de journées perdues pour grève lors des réformes des retraites : Ensemble des entreprises, et Fonction publique d'Etat

 

2019

2014

2010

2007

Nombre de journées perdues pour grève, dans l'ensemble des entreprises

3 171 700

1 522 800

5 675 123

2 148 352

Nombre de journées perdues pour grève, dans la fonction publique d'Etat

1 573 259

262 482

1 851 083

609 621

Nombre total des journées perdues pour grève (ensemble des entreprises et fonction publique d'Etat)

4 744 959

1 785 282

7 526 206

2 757 973

Part des journées perdues dans la fonction publique d'Etat, par rapport au total

33,2%

14,7%

24,6%

22,1%

Part du nombre d'actif dans la fonction publique d'Etat par rapport au total (ensemble des entreprises et fonction publique d'Etat)

11,3%

11,6%

12,1%

12,9%

Part du public dans les journées perdues pour grève par rapport à leur part en effectif

+21,9

+3,1

+12,5

+9,2

Données : DGAFP pour la fonction publique, Dares pour l'ensemble des entreprises. Ces données comparent le secteur privé (salariés de l’ensemble des entreprises) et la fonction publique d’Etat. Il n’existe pas de données publiées sur les journées de grève, ni pour la fonction publique territoriale, ni pour la fonction publique hospitalière. On sait cependant que, lors de la « journée noire » du 5 décembre 2019, si 32,5% des agents de la fonction publique d’Etat étaient en grève, ils étaient aussi 9,98% dans la fonction publique territoriale et 15,9% dans la fonction publique hospitalière. Il semble que ces taux soient très fluctuants car cette même année, le 17 décembre, le taux de grève dans la fonction publique d’Etat était de 15,7%, dans la fonction publique territoriale de 4,7% et dans la fonction publique hospitalière de 11,8%.

En 2019 : l’Etat, la RATP et la SNCF se partagent 45% des jours de grève

La réforme Fillon de 2003 qui reprenait les éléments de la réforme Juppé de 1995 est l’année qui compte le plus de journées de travail perdues pour fait de grève dans la fonction publique d’Etat : cette année-là, 3,6 millions de journées ont été perdues… mais il n’est pas possible de comparer cette donnée au secteur privé à cause d’un changement de méthodologie. Pour faire un rapide historique, de 1975 à 1995, la Dares abordait cette question en comptant les conflits localisés dans les entreprises y compris les entreprises publiques du secteur des transports (SNCF, RATP, Air France, etc). De 1996 à 2004, elle a présenté des données redressées portant sur les entreprises privées hors transports… ce qui a entraîné une division par deux du nombre de journées perdues enregistrées. Un biais corrigé depuis 2005 puisque, désormais, la Dares présente le nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève pour 1 000 salariés en emploi, dans les entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole.

Ce choix temporaire d’exclure le secteur des transports des données n’est pas anecdotique et traduit le poids de ce secteur dans les grèves. Si l’on se penche sur les statistiques pour 2019, l’on constate que si la RATP et la SNCF représentent 14% des effectifs du secteur Transport, les deux entreprises pèsent pour 39% des journées de grève.

Ainsi, on peut dire que la fonction publique d’Etat, la RATP et la SNCF représentaient, en 2019, 45,6% des journées de travail perdues pour fait de grève.

Comparaison du nombre de journées perdues pour grève, en 2019 : Ensemble des entreprises, Transport et Fonction publique d'Etat

 

2019

Nombre de journées perdues pour grève, dans l'ensemble des entreprises

3 171 700

dont nombre de journées perdues pour grève, SNCF

394 367

dont nombre de journées perdues pour grève RATP

195 877

Nombre de journées perdues pour grève, dans la fonction publique d'Etat

1 573 259

Nombre total des journées perdues pour grève (ensemble des entreprises et fonction publique d'Etat)

4 744 959

Part des journées perdues de l'ensemble, fonction publique d'Etat, RATP et SNCF par rapport au total

45,6%

Part du nombre d'actif de l'ensemble, fonction publique d'Etat, RATP et SNCF par rapport au total (ensemble des entreprises et fonction publique d'Etat)

13%

Sur-représentation de l'ensemble, fonction publique d'Etat, RATP et SNCF, dans les journées perdues pour grève

+33,4

Données : DGAFP pour la fonction publique, Dares pour l'ensemble des entreprises, bilan social de la RATP et open.data pour la SNCF.

Il apparait que cette sur-représentation du secteur public et des transports a été rendue possible par de nombreux détournements des règles notamment le recours abusif des préavis de grève illimités. En novembre, la RATP reconnaissait qu’une cinquantaine de ses salariés étaient en grève depuis 5 ans grâce à un préavis de grève illimité.

Ces préavis de grève illimités permettent, pour les adhérents du syndicat qui les a déposés, de se mettre en grève de façon spontanée et contourne ainsi l’obligation de présenter un préavis 5 jours avant la grève. A l’origine, ce délai obligatoire devait permettre au service public de se réorganiser pour garantir un service minimum dans l’esprit de la loi de 2007. La députée, Christine Lavarde, avait interpellé le gouvernement via une question écrite en février 2019 sur le sujet mais elle n’a jamais reçu de réponse. Elle évoquait le fait que la grève dans la distribution du courrier dans les Hauts de Seine qui a duré plusieurs semaines en 2018 se basait sur un préavis de grève datant de 2015. Une situation que l’on retrouve aujourd’hui puisque le préavis de grève de la RATP pour la journée du 19 janvier 2023 a été déposé… en 2019. Une solution serait d’encadrer par un nombre de jours maximum le début de la grève et la date de dépôt du préavis.