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Retraites : depuis 30 ans, en moyenne, une réforme tous les 4 ans

Depuis 1993 et la réforme Balladur, en moyenne, les gouvernements ont présenté une réforme des retraites tous les 4,3 ans. La dernière réforme, elle, date de 2014, soit près de 9 ans et le premier quinquennat d'Emmanuel Macron aura été marqué par le fait que c'est le seul mandat où une majorité n'a pas fait passé une réforme des retraites. Pour rappel, une réforme systémique était en négociation en 2019, mais après des mouvements de grèves, notamment dans les transports, qui ont grandement impacté l'économie française et la vie des citoyens, ce qui restait de la réforme a été tout simplement abandonné en 2020. 

De 1945 à 1983, les réformes successives du système de retraite ont eu comme objectif de couvrir de plus en plus de professions et de catégories de population. On peut citer la généralisation de la retraite complémentaire à l’ensemble des salariés du secteur privé en 1972, ou la création du minimum vieillesse en 1956, etc. L’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans à partir d’avril 1983 (à la condition d’avoir validé 150 trimestres, soit 37 ans et demi) marque une orientation majeure. Il s’agissait, à l’époque, d’une promesse de campagne de François Mitterrand notamment soutenue par l’idée de réduire le chômage des seniors en les faisant basculer dans la retraite plus tôt et d’améliorer ainsi l’emploi des jeunes.

Seulement 9 ans plus tard, dès 1991, une première alerte est donnée sur l’équilibre financier à long terme de notre système retraite avec la publication du Livre Blanc sur les retraites, « Garantir dans l’équité les retraites de demain », préfacé par le Premier ministre, Michel Rocard. Le rapport propose plusieurs pistes comme l’allongement de la durée de cotisation de 150 à 168 trimestres pour une retraite à taux plein, d’augmenter le nombre d’années de salaire prise en compte pour le calcul de la retraite dans le privé (10 ans à l’époque), l’indexation des pensions sur les prix, la création de mécanismes de retraites supplémentaire par capitalisation et s’interroge déjà sur l’allongement de l’espérance de vie des retraités.

1993 : Balladur, une première réforme… uniquement pour le privé

La première grande réforme des retraites, dirigée par le Premier Edouard Balladur, ne concerna quasiment que le secteur privé pour lequel les règles sont durcies en suivant les recommandations du Livre Blanc. Pour ces derniers :

  • Le nombre de trimestres à valider est augmenté de 150 à 160 (soit de 37,5 à 40 ans) avec une mise en place progressive de la réforme de 1994 à 2003 ;
  • Le niveau de pension est désormais calculé sur les 25 meilleures années de salaire et non plus les 10 dernières années (et contre les 6 derniers mois dans la fonction publique), avec une mise en place progressive de 1994 à 2008. Les salaires retenus au compte suivent la même règle ;
  • L’indexation des pensions est sur l’inflation et non plus sur les salaires ;
  • La création d’un Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui prend en charge le financement du minimum vieillesse, des majorations pour enfants à charge, la prise en compte des trimestres validés en période de chômage, etc.

1995 : Juppé, l’échec de l’élargissement de la réforme Balladur au secteur public

Il s’agit là de l’échec d’une réforme : en novembre 1995, Alain Juppé, alors Premier ministre, souhaite élargir la réforme Balladur au secteur public et aux entreprises publiques (RATP, SNCF, EDF, etc). Si le gouvernement parviendra à faire passer les mesures concernant le remboursement de la dette sociale, le contrôle du Parlement sur le financement de la Sécurité sociale ou encore à créer la carte Vitale, la réforme des retraites, appliquées notamment aux régimes spéciaux, est abandonnée avec 3 semaines de grèves paralysantes du secteur public.

1999/2000 : Jospin, création d’un Fonds de réserve des retraites et du COR

En 1999, Lionel Jospin, Premier ministre, crée un Fonds de réserve pour les retraites (FRR), soit un fonds de précaution pour soutenir le régime et lisser le choc du passage à la retraite des baby-boomers. L’objectif est alors de mettre en réserve 1 000 milliards de francs d’ici 2020, soit 150 milliards d’euros, grâce à une taxe sur les revenus du patrimoine, des placements, et par des dotations exceptionnelles issues des privatisations et des ventes de licences de télécommunications. Au final, en 2021, si l'ensemble des régimes complémentaires ont en réserve 160 milliards d’euros, le Fonds de réserve pour les retraites n’est doté que de 26 milliards d’euros.

Un an plus tard, le Conseil d’orientation des retraites (COR) rattaché au service du Premier ministre est créé avec comme mission d’assurer le suivi du système des retraites et de parvenir à un diagnostic partagé sur le système de retraites pour mener à bien les réformes. Il rassemble des parlementaires, des représentants des organisations professionnelles et syndicales, des associations de retraités et de familles, des membres de l'administration et des experts. Une composition très étendue pour des rapports très consensuels mais qui ne comportent pas de pistes de réformes.

2003 : Fillon, seconde tentative de rapprochement public et privé

10 ans après la réforme Balladur, François Fillon, ministre des Affaires sociales du gouvernement Raffarin, repose sur la table la question d’une réforme des retraites qui touchera, cette fois, à la fois le secteur privé et le secteur public. Il est validé que, pour tout le monde :

  • Le nombre de trimestres retenus au titre de la carrière passe de 150 à 164 avec une mise en place progressive de la réforme jusqu’en 2012 (objectif, 41 années). La durée de cotisation du public est désormais alignée sur celle du privé, sauf régimes spéciaux. L’indexation des retraites du public, jusque-là basée sur l’augmentation du point d’indice, sera désormais calée sur l’inflation, comme le secteur privé ;
  • La réforme introduit une mesure importante négociée avec la CFDT, le dispositif pour carrière longue, qui permet un départ à la retraite avant 60 ans aux salariés et les non-salariés ayant commencé à travailler jeunes, à condition d'avoir cotisé 43 ans et demi ;
  • La réforme introduit également un système de décote (pour toute année manquante) et de surcote (plus de 42 ans de cotisations) pour augmenter le niveau de la pension en cas de poursuite d’activité et favoriser le travail des seniors ;
  • Autre mesure importante introduite par la réforme : la mise en place d’un plancher de retraite pour une carrière complète ;
  • La retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) est créée, retraite supplémentaire en capitalisation pour les fonctionnaires qui permet de prendre en compte les primes versées dans la fonction publique pour leur retraite. Et de nouveaux produits d’épargne retraite par capitalisation sont créés (Perco, PER, etc) ;
  • Dernier point important : la réforme introduit un droit à l’information balisant la vie professionnelle des actifs, leur permettant de savoir à différents âges (45, 50, 55 ans) où ils en sont de leurs droits à la retraite avec une simulation dans les dernières années de la carrière de la pension estimée.

2007 : Bertrand, une réforme uniquement sur les régimes spéciaux

Dans la continuité de la réforme Fillon, en 2007, et répondant à une promesse de campagne, Xavier Bertrand, ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, souhaite élargir les règles du régime général aux régimes spéciaux (EDF, GDF, SNCF, RATP) et aux professions à statut particulier (clercs de notaires, élus et employés parlementaires). Ainsi, bien que les régimes spéciaux ne soient pas supprimés, il est décidé que :

  • La durée de cotisation est alignée sur celle du régime général, à 41 ans en 2016 ;
  • Le système de décote et de surcote est élargi aux régimes spéciaux ;
  • L’indexation des pensions sur l’inflation et non plus sur les salaires ;
  • Le niveau de pension est désormais calculé sur les 6 derniers mois (alignement sur la fonction publique) et non plus sur le dernier mois.

2010 : Woerth, la fin de la retraite à 60 ans

En 2010, la réforme portée par Éric Woerth, ministre du Travail, met fin au principe de la retraite à 60 ans, 27 ans après sa mise en place. La réforme a notamment comme objectif de répondre aux difficultés financières du système, notamment à la suite de la crise de 2008 et de l’aggravation du déficit. La réforme instaure ainsi :

  • Le passage progressif à l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans au rythme de 4 mois par an à partir de 2011, et 67 ans pour le taux plein automatique (sans décote). La durée de cotisation est légèrement augmentée de 141 à 141,5 trimestres ;
  • Par ailleurs, les conditions de départ au titre de la carrière longue sont durcies ;
  • La réforme marque aussi un rapprochement de certaines règles entre public et privé notamment sur le taux de cotisation salarial qui passe de 7,85% à 10,55% pour les fonctionnaires, une hausse étalée sur 10 ans. Les âges de départ pour les fonctionnaires en catégories actives sont également décalés de 2 ans (55 à 57 ans) ;
  • La réforme introduit une première prise en compte de la pénibilité : sous réserve de certificat médical établissant un diagnostic d’invalidité à plus de 20%, la retraite pourra être prise à partir de 60 ans ;
  • La réforme se distingue enfin par des revenus supplémentaires affectés au système de retraite : part d’IR sur les hauts revenus, augmentation du forfait social, fléchage de taxation sur le patrimoine. Le texte prévoit également une affectation d’une partie des fonds du FRR au régime général ;
  • Ouverture du dispositif de cumul emploi-retraite avec la possibilité de générer des droits à la retraite supplémentaire.

2012 : Ayrault, tentative de retour à la retraite à 60 ans

Quelques semaines après la campagne des législatives, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault fait passer un décret le 2 juillet 2012 pour élargir les départs à la retraite anticipées au titre des carrières longues. C’est un moyen détourné pour François Hollande d’afficher un retour à la retraite à 60 ans : selon la génération, l’âge, la durée de cotisation totale et la durée de cotisation avant 18 ou 20 ans, le départ à la retraite à 60 ans au lieu de 62 ans est possible.

2014 : Touraine, la prise en compte de pénibilité

C’est Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, qui a porté, il y a 9 ans, la dernière réforme des retraites en France. La réforme porte les principales mesures suivantes :

  • Tout d’abord est immédiatement mise en place une augmentation des cotisations au régime de base de 0,3 point entre 2014 et 2017 (partagé entre salarié et employeur) ; 
  • La réforme acte dans un second temps l’augmentation de la durée de cotisation d’un trimestre tous les trois ans, à partir de 2020 jusqu’à 2035 avec comme objectif, l’atteinte des 172 trimestres (43 ans) à partir des générations nées en 1973 ;
  • La durée de cotisation prend désormais en compte les trimestres assimilés lors des périodes d’inactivité (chômage, congés maladies, congés maternité, etc), dans la limite d’un certain plafond ;
  • Sous la pression des syndicats, critiquant la prise en compte de la pénibilité dans la précédente réforme, le gouvernement propose un nouveau dispositif : le compte personnel de prévention de pénibilité ouvert aux salariés du secteur privé exposés à différents facteurs de pénibilité : le système prévoit un suivi individualisé accordant des points, qui en fin de carrière permettront des droits à formation, des temps partiels ou bien encore un départ anticipé. Ce dispositif se revelera très difficile à mettre en oeuvre, 3 crières sur 10 seront finalement retirés ;
  • La réforme instaure un dispotif de liquidation unique des droits à la retraite (LURA) ;
  • Et enfin, il facilite la validation de trimestres et étend le dispositif carrière longue à des trimestres validés et non plus seulement cotisés pour calculer une carrière complèrte et la possibilité de rachat de trimestres.

Depuis, changements de pieds et des réformes sans cesse reportées

Emmanuel Macron est élu, en 2017, sur un programme fort notamment sur la question des retraites. Il visait une réforme systémique avec l’établissement d’un régime de retraite unique en remplacement des 37 régimes actuels et avec des règles de calcul identiques pour tous, basé sur les points. Concernant les régimes spéciaux, en juillet 2019, Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, affirmait qu’ils seront « fermés » mais en décembre de cette même année, la RATP et la SNCF qui cumulaient plus de 30 jours de grève contre un projet de réforme pas encore dévoilé, ont obtenu des aménagements comme "la clause du grand-père" pour garantir le maintien des règles des régimes spéciaux sur certaines générations.

En janvier 2020, le gouvernement présentait un projet de loi pour les retraites qui n’abordait finalement pas la question de l’âge (retraite de l’établissement d’un âge pivot). La loi adoptée en 49.3 en mars 2020 modifie les règles d’indexation, permet aux fonctionnaires d’ouvrir des droits sur leurs primes, augmente les taux de cotisations à partir de 2025, prépare l’intégration progressive des indépendants au régime général sur une durée de 15 ans et ré-ouvre la possibilité d’ouvrir des nouveaux droits à la retraite dans le cas d’un cumul-emploi à partir de 2022.

La réforme est toutefois mise en suspens puis abandonnée par l’exécutif avec la crise du Covid. La réforme des retraites ne sera plus abordée jusqu’à la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Ré-élu en 2022, Le Président de la République propose une réforme des retraites paramétrique avec comme principale mesure un report de l’âge légal à 65 ans.