Actualité

Restauration de Notre-Dame : de la transparence, s’il vous plaît

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 6/10 pour le projet de loi organisant la rénovation de Notre-Dame de Paris.

Le projet de loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame de Paris autorise des dérogations aux normes des marchés publics et de protection patrimoniale et propose des avantages fiscaux pour les donateurs, un comité de contrôle pour « le bon emploi des fonds » et un établissement public chargé de concevoir et réaliser les travaux.

Les dérogations

Elles sont nécessaires, vu les délais impartis, pour déroger aux règles d’urbanisme, de voirie, de la domanialité publique, du patrimoine et de l’environnement afin d’accélérer la mise en place des constructions temporaires nécessaires à la conduite des travaux. En revanche, le délai de deux ans pour pouvoir déroger par ordonnance semble bien long, surtout si le chantier doit être fini en cinq ans. Pourquoi deux ans et pas six mois ?

Collecte des dons

Les dons pour Notre-Dame pourront bénéficier d’une déduction exceptionnelle et temporaire de 75% dans la limite de 1.000 euros. Ils seront recueillis par des collecteurs déterminés par la loi (dont la Fondation de France, la Fondation Notre-Dame, la Fondation du patrimoine, le Centre des monuments nationaux…) Le schéma est simple et clair, sauf que des tiers comme des plateformes pourraient également recueillir ces dons et permettre à leurs donateurs de bénéficier des déductions fiscales spéciales à condition que « le don reste individualisé dans un compte spécial au sein de la comptabilité de l’organisme collecteur jusqu’à remise effective entre les mains du bénéficiaire final. » Ce point mérite clarification, afin d’éviter d’éventuelles confusions.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que seuls les biens de l’État endommagés seront financés par ces dons et pas les biens du diocèse… On comprend le principe de séparation posé par la loi de 1905, mais comment expliquer cette affectation exclusive alors que l’inventaire complet des dommages n’est pas encore achevé ?

Enfin les fonds issus des dons n’iront pas seulement à l’établissement public en charge des travaux mais également à l’État. C’est surprenant ! Pourquoi ne pas centraliser l’ensemble des dons des Français vers l’établissement projeté ? La raison officielle est la suivante : « ces dons pourront également servir au financement de la formation des professionnels (…) qui seront requis pour les travaux. » Cela ne nous semble pas opportun et ressemble à un prétexte pour financer à la marge, avec la générosité du public, des politiques de conservation pérennes de l’État.

La transparence trop légère dans le projet de loi

Pour suivre l’utilisation des fonds pour Notre-Dame, le projet de loi prévoit seulement un comité composé du Premier président de la Cour des comptes et des présidents des commissions des finances et des affaires culturelles de chaque assemblée. C’est un peu court. Pourquoi ne pas y inclure des représentants « tirés au sort » - c’est tendance - des donateurs ? Par ailleurs, une comptabilité analytique performante serait souhaitable. Elle est tout à fait possible dans un établissement public sui generis qui pourrait obéir aux règles de la comptabilité privée.

Le problème des dons issus des collectivités locales

Le projet de loi soulève un loup : le Conseil d’État relève qu’« aucune disposition législative n’autorise expressément les collectivités territoriales (…) à verser des subventions ou des dons à l’occasion de catastrophes majeures intervenues hors de leur territoire. » Selon le Conseil, « le financement par une collectivité territoriale de la restauration d’un site ou monument ne se trouvant pas sur son territoire, dès lors qu’il ne répond pas à un intérêt local, est illégal. » En clair, nos collectivités peuvent financer la construction d’écoles dans les pays en développement mais pas la rénovation de Notre-Dame de Paris… c’est un comble. La modification projetée sur ce point par le gouvernement est la bienvenue, souhaitons qu’elle ne soit pas transitoire.