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Immigration : coûts et gains pour l’économie française

Un rapport important de l’OCDE Perspectives des migrations internationales 2021 (28 octobre 2021) permet d’expliciter un certain nombre de déterminants de l’immigration en France et avance des chiffres pour mieux en cerner les enjeux. Dans la même veine, mais avec une focale sur l’immigration économique, un certain nombre de contributions ont été publiées par le Conseil d’Analyse économique un mois plus tard (Novembre 2021). Par ailleurs l’INSEE se préoccupe également des conséquences économiques de l’immigration, qu’il s’agisse du distinguo entre la population immigrée ou étrangère, ou s’agissant de l’évaluation de leur niveau de vie par rapport à la moyenne nationale ou leur représentation au sein de la population en activité ou au chômage.

Evaluer le stock : une nécessaire distinction entre la population étrangère et la population immigrée

L’INSEE nous invite[1] à effectuer une première différentiation méthodologique entre la population immigrée et la population étrangère résidentes en France. On distingue ainsi en 2020 une population immigrée de 6,8 millions d’individus composée de 2,5 millions d’immigrés naturalisés français et de 4,3 millions d’immigrés conservant leur nationalité étrangère. Cette dernière population allogène sur notre territoire doit être ajoutée à la population étrangère née en France (0,8 million d’habitants) pour constituer la population étrangère en France (soit 5,1 millions d’habitants).

On peut également additionner à la population immigrée la population des étrangers nés en France afin de définir une population d’origine allogène naturalisée ou non, dont les effectifs s’élèvent à 7,6 millions d’habitants, soit près de 11,2%.

Evaluer le flux : des entrées permanentes en France de 290.578 individus en 2019

L’OCDE dans le cadre de son rapport d’octobre 2021, montre qu’en France les entrées « permanentes » en 2019 (toutes causes) se sont élevées à 290.578 personnes, contre 289.900 l’année précédente. Ces chiffres cependant diffèrent de ceux recueillis toujours par l’OCDE au sein de l’International Migration Database, qui relève quant à elle pour 2019, 266.341 entrées sur le territoire français (inflows of foreign populations). Le premier agrégat est plus large car il intègre également des étrangers déjà présents sur le territoire et voulant s’y maintenir de façon permanente, contrairement au second.

 Entrées permanentes

2019

Travail

51 400

Famille accompagnante

..

Famille

101 564

Humanitaire

33 273

Autres

25 919

Libre circulation

78 422

Total

290 578

 

Source : OCDE, rapport op.cit.

L’intérêt de la base des Migrations internationales de l’OCDE est d’offrir une répartition par destination plus poussée que les données du rapport Migrations internationales. Nous y avons placé en miroir le total des résidents en 2019 en France (qui diffère de la décomposition de la population étrangère et/ou immigrée).

Rang

Total résidents 2019

                      8 428 660  

Rang

Total Flux 2019

         266 341  

1

Algérie

                      1 386 181  

1

Maroc

           22 455  

2

Maroc

                      1 009 605  

2

Algérie

           21 715  

3

Portugal

                          614 174  

3

Tunisie

           14 950  

4

Tunisie

                          427 791  

4

Italie

           14 631  

5

Italie

                          315 426  

5

Espagne

           10 466  

6

Espagne

                          274 073  

6

Royaume-Uni

             8 696  

7

Turquie

                          263 972  

7

Roumanie

             8 610  

8

Allemagne

                          190 323  

8

Portugal

             7 643  

9

Royaume-Uni

                          163 622  

9

Côte d'Ivoire

             6 786  

10

Belgique

                          163 556  

10

Belgique

             6 781  

11

Sénégal

                          156 311  

11

Comores

             6 597  

12

Comores

                          143 319  

12

Allemagne

             5 700  

13

Madagascar

                          141 272  

13

United States

             5 472  

14

Romanie

                          141 222  

14

China

             5 371  

15

Côte d'Ivoire

                          133 675  

15

Afghanistan

             5 313  

16

Chine

                          119 909  

16

Turquie

             5 030  

17

Viet Nam

                          116 047  

17

Sénégal

             4 820  

18

Cameroun

                          106 123  

18

Guinée

             4 635  

19

Suisse

                          100 837  

19

Inde

             4 203  

20

Mali

                             97 888  

20

Mali

             4 043  

 

Autres

          2 363 334  

 

Autres

           92 424  

Source : OCDE International Migration Database, https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=MIG

Dans ces conditions, il apparaît que le flux de migrants représente en 2019 0,5% de la population totale, et le nombre de résidents en France nés à l’étranger, 12,5% de la population totale.

L’impact de l’immigration sur l’évolution de la natalité en France est négligeable

Par ailleurs, le taux de fécondité des immigrées est supérieur à celui de la population nationale, avec 2,6 enfants par femme en 2017 (derniers chiffres disponibles) contre 1,7 enfant/femme de la population native, et 1,88 enfant par femme pour la population totale. L’impact du taux de fécondité de la population immigrée est donc très faible sur celui de la population totale. Ceci se vérifie sur moyenne période et même, si l’on extrapole toutes choses égales par ailleurs, à 80 ans (2100) :

Si l’on fait un focus sur les décompositions présentées ci-dessus on obtient les éléments suivants :

Naissances selon la nationalité des parents

      

Nationalité des parents

2000

 

2010

 

2020

 

Les deux parents français

684 681

84,8%

667 707

80,2%

546 718

74,4%

Un parent français, un parent étranger

70 566

8,7%

110 768

13,3%

108 113

14,7%

   Père de nationalité de l'UE à 27, mère française

8 952

1,1%

8 084

1,0%

6 902

0,9%

   Père de nationalité hors UE à 27, mère française

31 921

4,0%

48 653

5,8%

44 679

6,1%

   Père français, mère de nationalité de l'UE à 27

6 779

0,8%

7 314

0,9%

7 162

1,0%

   Père français, mère de nationalité hors UE à 27

22 914

2,8%

46 717

5,6%

49 370

6,7%

Les deux parents étrangers

52 158

6,5%

54 324

6,5%

80 365

10,9%

   Deux parents de nationalités de l'UE à 27

5 780

0,7%

6 424

0,8%

10 900

1,5%

   Deux parents de nationalités hors UE à 27

44 994

5,6%

45 521

5,5%

64 219

8,7%

   Père de nationalité de l'UE 27, mère de nationalité hors UE à 27

531

0,1%

1 211

0,1%

3 155

0,4%

   Père de nationalité hors UE 27, mère de nationalité de l'UE à 27

853

0,1%

1 168

0,1%

2 091

0,3%

Ensemble

807 405

100% 

832 799

100% 

735 196

100% 

Concrètement en 2020, les enfants nés de deux parents étrangers qui acquièrent la nationalité française par le droit du sol, représentent 11% des naissances soit 80 365 personnes, 8,7% sont de parents hors UE, soit 64 219 personnes. 89% des naissances (654 831) sont issues de couples avec au moins un parent français. Parallèlement, en 2019, 109 000 personnes ont acquis la nationalité française.

Il est assez difficile de se projeter dans un avenir lointain. Sous l’hypothèse que les tendances des vingt dernières années se poursuivent sur  les quatre-vingt prochaines années, la structure des naissances en 2100 serait la suivante :

Naissances selon la nationalité des parents

2100

Répartition

Les deux parents français

    213 800  

32,6%

Un parent français et un parent UE

      11 611  

1,8%

Un parent français et un parent hors UE

    241 191  

36,8%

Deux parents UE

      29 821  

4,5%

Un parent UE un parent hors UE

      18 892  

2,9%

Deux parents hors UE

    140 169  

21,4%

Ensemble

    655 485  

100,0%

Au moins un parent français

    466 603  

71,2%

Au moins un parent UE

      48 713  

7,4%

Deux parents hors UE

    140 169  

21,4%

L’impact de l’immigration sur l’emploi

Le rapport de l’OCDE montre qu’en 2020, les immigrés ont un taux d’emploi de 59,1% contre 66,3% pour les natifs, et un taux de chômage de 12,6% contre 7,4% pour les natifs. La raison de cette plus grande exposition au chômage vient de la plus difficile insertion de ces populations sur le marché du travail, de leur faible niveau de formation et des effets de désajustement des compétences acquises par rapport à celles demandées en France.

Même constat s’agissant des statistiques de l’INSEE. L’institut donne en effet dans une note récente[2], 55% des immigrés en emploi en France contre 63,9 pour la population non immigrée et 62,9% pour la population totale, et un taux de chômage de 13,8% des immigrés hors UE pour un taux de chômage moyen de 13%.

Comme le relève la note du CAE[3], en 2020, 37,8% des immigrés en âge de travailler avaient un niveau scolaire égal ou inférieur au brevet des collèges contre 18,9% des natifs ce qui entretien un flux d’immigration particulièrement peu qualifié vers la France. Ce flux est en outre peu diversifié car entretenu par l’importance de l’immigration familiale (35%) et non d’une immigration économique (17,6%). L’OCDE montre bien que la France, s’agissant de la sélectivité de son immigration, est particulièrement mal placée par rapport aux autres pays développés. Elle entretient des flux peu qualitatifs en matière de qualification :

Le différentiel entre la part des immigrés diplômés du supérieur et des natifs était de -3 points en 2007 (27% contre 30%) mais de -7 points en 2017 (32% contre 40%). Au Royaume-Uni au contraire le différentiel était de 0% en 2007 (33% dans les deux cas) et positif en faveur de l’immigration de 9 points en 2017 (50% contre 41% pour les natifs). Idem pour le Danemark avec -3 points en 2007 (30% contre 33%) mais +4 points en 2017 (45% contre 41%). L’Irlande constituant un cas paroxystique d’immigration à forte valeur ajoutée avec un différentiel de +14 points (48% pour les immigrés contre 34% pour les natifs) en 2007 contre +9 points en 2017 (56% contre 47%). La Suède avec un différentiel de +1 point en faveur des immigrés (34% contre 33%) en 2007 et 2017 (46% contre 45%) restant stable[4].

Quelle contribution budgétaire nette de l’immigration aux finances publiques françaises ?

L’OCDE propose par ailleurs de mesurer la « contribution » des personnes nées à l’étranger à partir de plusieurs indicateurs. Le premier est le ratio budgétaire (recettes publiques/dépenses publiques) des immigrés et des natifs. Si l’on effectue une estimation du ratio budgétaire des étrangers sur le ratio budgétaire des natifs, la France affiche un résultat de 0,938. C’est le 8ème plus faible des 26 pays étudiés. On peut considérer que globalement leur ratio est très proche de celui des natifs, mais il reste inférieur. Cela met en évidence une proportion moins importante de recettes publiques générées (fiscales et non fiscales) par rapport aux dépenses publiques mobilisées en leur faveur[5].

Au contraire, les pays du Sud de l’Europe, mais également le Royaume-Uni et l’Irlande,  bénéficient d’une immigration plus diplômée et mieux insérée dans le tissu économique.

Si maintenant on s’intéresse aux dépenses publiques elles-mêmes, on peut relever la contribution budgétaire nette des personnes nées à l’étranger hors dépenses consacrées au service de la dette[6].

Il apparaît que la France se place au  5ème plus mauvais ratio, avec une contribution nette négative aux dépenses publiques de -0,53% du PIB (hors charge de la dette). 

Si l’on regarde maintenant la dépense par habitant et le ratio immigré/natif[7], les immigrés consomment moins de services de santé que les natifs (0,94), beaucoup moins de dépenses d’éducation (0,29) et de dépenses de retraites (0,88), en revanche ils consomment autant de dépenses de maladie/invalidité (1,0) et davantage de dépenses familiales (1,35), de chômage (1,29) et d’exclusion sociale/logement (1,81).

Pour une politique migratoire choisie

Ces éléments militent pour la mise en place d’une politique migratoire choisie, permettant de baisser la proportion de l’immigration liée au regroupement familial, de « sécuriser » en l’encadrant fortement la part de l’asile au profit du développement d’une immigration économique choisie, bénéficiant de quotas, ce qui devrait conduire à une contribution positive de l’immigration sur l’économie française et ses finances publiques.

Comme le relève l’étude du CAE, la France est l’un des pays développés qui dispose de moins d’inventeurs de nationalité étrangère, déposant de moins de brevets (8% contre près de 30% aux Pays-Bas et au Canada) :

 

Il importe en effet que l’on augmente significativement la part de diplômés de l’enseignement supérieur et des entrepreneurs insérables au sein du tissu économique national en fonction de ses besoins spécifiques.


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212#Fcontinent_radio2

[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4195420#figure1_radio1; des chiffres différents de ceux de l’enquête diligentée par la direction générale des étrangers en France (du ministère de l’intérieur), voir L’essentiel de l’immigration données de cadrages 2020, qui pourtant s’appuient sur les données de l’enquête emploi de l’INSEE.

[3] https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note067.pdf, ainsi que les Slides associés, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae067slides.pdf

[4] Voir OCDE, table 4.A.2. p.155-156.

[5] OCDE, rapport op.cit. p.136.

[6] OCDE, rapport op.cit. p. 156.

[7] OCDE, tableau 4.4, p. 137.