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Loi mobilités… une seule question : qui va payer ?

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur le projet de loi "Mobilités".

La spécialité française en matière de mobilité ? Financer de grands investissements dans nos infrastructures en inventant de nouvelles taxes… avant d’augmenter celles-ci pour, en réalité, abonder le budget généra,l ou les dépenses de fonctionnement des administrations ou entreprises publiques qui gèrent les transports publics. La loi mobilités échappe-t-elle à la loi du genre ? Sur le papier oui, mais les ambitions sont grandes et les financements rares. Le risque ? Qu’après le vote de la loi ressurgisse, dans le budget 2020, une nouvelle vignette ou une écotaxe poids lourds.

Le projet de loi comporte cinquante articles traitant de très nombreux sujets : pouvoirs donnés aux collectivités pour encadrer l’usage des trottinettes et des vélos, réglementation sur les drones, surveillance des passages à niveau. En parallèle, la loi prévoit surtout un effort massif d’investissement dans les infrastructures de transports du quotidien (à la fois dans le rail, la route et le transport fluvial) pour 13,4 milliards d’ici à 2022, et une planification jusqu’en 2027. Problème : pour financer ce plan, il n’y a pas de ressources alors que la ministre des Transports parle d’un besoin de recettes supplémentaires à hauteur de 500 millions.

Pour l’instant, les investissements en infrastructures doivent être portés par l’agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) dont les financements sont hypothétiques et fluctuants (amendes radars et une part de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - TICPE - prévue en baisse de 1,2 milliard d’euros en 2019 à 526 millions d’euros en 2022). Les sénateurs, alarmés par le fait que le plan d’investissement souffre d’un grave défaut de financement, ont proposé de flécher l’augmentation de fiscalité supportée par les professionnels de la route en 2014, en contrepartie de la suppression de l’écotaxe « portique », soit environ 400 millions vers les infrastructures.

Une telle proposition semble anachronique. D’autant plus que les taxes sur les usagers de la route sont déjà de 45 milliards d’euros par an. Alors le ministère des transports souhaiterait désormais renvoyer ce dossier sensible à la loi de finances pour 2020. Avec les pistes suivantes : créer une vignette (taxe à la durée de présence sur le réseau national non concédé sans tenir compte du kilométrage parcouru) ou augmenter la fiscalité du gazole pour les professionnels du transport routier (alors que ces derniers ont déjà du mal à être compétitifs).

De leur côté, les collectivités souhaitent également des moyens nouveaux pour étoffer leur offre de transport. Leur solution ? Augmenter le versement transport qui coûte déjà 8 milliards d’euros par an à nos entreprises de plus de 11 salariés. Là encore, cette contribution initialement destinée à financer l’investissement dans les transports publics urbains finance aujourd’hui de plus en plus l’exploitation. Cette taxe suscite à juste titre un fort mécontentement du côté des entreprises, elle est la première des taxes sur la production qui plombent leur compétitivité.

Difficile dans ces conditions d’en rajouter ! Le financement de la politique de transports est rendu de plus en plus difficile car la part des dépenses des administrations en faveur du fonctionnement a crû fortement tandis que les investissements ont stagné, voire plutôt reculé. Depuis 2007, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les investissements par an sont passés de 19 à 15 milliards d’euros et les dépenses de fonctionnement de 36 à 48 milliards. Sur la même période, les impôts et taxes de la route sont passés de 38 milliards à 45 milliards.

En attendant, les ambitions de la loi mobilités sont sur la table: Canal Seine-Nord, route Toulouse-Castres, liaison ferroviaire Paris-Clermont-Ferrand et bien d’autres encore… Beaucoup ont une légitimité mais une question reste en suspens : qui va payer ? À moins que les collectivités, l’État et les entreprises de transports ne se lancent dans un programme d’économies sur leurs dépenses de fonctionnement ? Ce serait tellement mieux que de taxer (encore) nos entreprises.