Malgré la suppression de la TH la fiscalité directe locale augmente inexorablement

En période d’élections locales, il est de bon ton de ne pas augmenter le taux des impôts directs locaux, seules la revalorisation annuelle des bases cadastrales et les constructions nouvelles en augmentent le produit. En 2026, une telle situation devrait se produire. Pourtant, le sentiment des propriétaires est que malgré la suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) à compter de 2023, la facture de la fiscalité directe locale ne cesse d’augmenter. Nous avons donc tenté d’objectiver ce sentiment en l’étayant par des chiffres tangibles. Il en résulte que la facture moyenne pour les propriétaires de résidences principales (TH+TFPB) n’est plus basse que de 5% en 2024 par rapport à son niveau de 2019, tandis que la fiscalité directe frappant les résidences secondaires explose: +41,3% sur la même période (+48,1% entre 2018 et 2024).
Sur les habitations principales, une baisse de la pression fiscale presque résorbée en 2024
Pour réaliser cette note, nous avons utilisé diverses ressources : une étude de la DGFiP datant de mai 2025[1], permettant de décomposer le rendement de la TFPB en 2024 et les raisons de son évolution. Nous avons également convoqué une publication similaire de l’année précédente. Par ailleurs pour intégrer les données de la TH en commençant par extourner l’impact de la TH sur les résidences secondaires (THRS), nous avons utilisé le dernier bulletin en date de la DGCL[2]. Enfin nous avons mobilisé des chiffres inédits produits par une note de Jean-René Cazeneuve ex-rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale en date de mai 2024[3]. Cette étude nous a permis d’extourner la TH payée par les locataires.
A compter de la loi de finances pour 2018, la Taxe d’habitation est progressivement supprimée pour 80% des foyers fiscaux en trois ans, avec pour 2018 une 1ère réduction d’impôt de 30% du montant versé par ces derniers, suivie d’une seconde en 2019 pour atteindre 65% puis une 3ème en 2020 pour atteindre 100%[4]. Ensuite, les 20% des foyers restant assujettis sont exonérés en 3 ans (2021 à 2023[5]). En 2021 les dégrèvements sont transformés en exonérations.
2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Variation 24-19 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Nbre de particuliers payant la TFPB (millions) | 32 | 32 | 32 | 32 | 31,1 | 31,2 | -2,4% |
TFPB payée par les particuliers (Md€) | 27,0 | 26,6 | 27,3 | 29 | 31,9 | 33,8 | 25,2% |
Nbre de particuliers propriétaires payant la THRP (millions) | 18,6 | 5,9 | 6,1 | 6,4 | |||
TH payées par les propriétaires (Md€) | 9,5 | 7,1 | 5,1 | 3,0 | |||
Total du nombre de redevables propriétaires (millions) | 32,0 | 37,9 | 38,1 | 38,4 | 31,1 | 31,2 | -2,4% |
Total des impôts directs locaux payés par les particuliers (THRP/TFPB) Md€ | 36,5 | 33,7 | 32,4 | 32,0 | 31,9 | 33,8 | -7,3% |
Montants moyens € | 1139,5 | 890,0 | 852,4 | 832,4 | 1024,4 | 1082,0 | -5,0% |
Variation des montants moyens | -21,9% | -4,2% | -2,3% | 23,1% | 5,6% |
Source : DGFiP, CNRACL, calculs Fondation iFRAP septembre 2025
En parvenant à isoler le nombre de particuliers propriétaires, ces derniers sont par définition redevables de 2019 jusqu’à 2022 des derniers reliquats de la taxe d’habitation sur les résidences principales, à laquelle s’ajoute la taxe foncière sur les propriétés bâties dont ils sont bien évidemment redevables en tant que propriétaires.
On peut considérer qu’entre ces bornes, leur nombre ne varie pas, et reste d’environ 32 millions ce qui est toujours vrai pour la TFPB, tandis que leur nombre diminue s’agissant de l’assujettissement à la TH. Les montants cumulés moyens payés par les propriétaires représentait 1.139,5 € en 2019, les effets de la suppression progressive de la TH leur sont favorable jusqu’en 2022 où en moyenne les propriétaires paient une cotisation moyenne pour ces deux impôts de 832,4 €. En revanche à compter de 2023, la situation s’inverse très rapidement, le dynamisme des bases cadastrales indexées sur l’inflation conjugué à l’effet des taux votés par le bloc communal, achèvent de faire augmenter à nouveau la note. Celle-ci augmente en moyenne de +23,1% en 2023, puis de 5,6% en 2024 à mesure que l’inflation se réduit.
Le tableau ci-dessous permet d’en comprendre une partie des sous-jacents, bien que les propriétaires particuliers ne soient pas précisément identifiés mais bien plutôt les seuls locaux à usage d’habitation qui représentaient en 2023 94,7% des locaux assujettis à la TFPB (le reste étant constitué par les locaux professionnels (4,9%) et les locaux industriels (0,6%) non représentés. Ces mêmes locaux à usage d’habitation représentaient 94,5% du total des locaux un an plus tard en 2024.
2023 | 2024 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Catégorie de local | Habitation | Maisons | Appartements | Dépendances | Locaux d'habitation | Maisons | Appartements | Dépendances | |
Nombre de locaux | (%) | 94,7 | 27,1 | 24 | 43,5 | 94,5 | 27 | 24 | 43,6 |
Cotisations de TFPB | (Md€) | 38 | 20,9 | 14,8 | 2,3 | 40,2 | 22,1 | 15,6 | 2,5 |
Évolution des cotisations | (%) | 10,8 | 9,6 | 12,5 | 10,9 | 5,9 | 5,8 | 6 | 7,2 |
dont revalorisation | (points) | 8,1 | 8,1 | 8,2 | 7,6 | 3,9 | 3,9 | 4 | 4 |
dont création de locaux | (points) | 1,1 | 1,2 | 0,9 | 2,2 | ||||
dont effet taux | (points) | 2,7 | 1,5 | 4,3 | 3,3 | 0,9 | 0,7 | 1,1 | 1 |
Source : DGFiP 2024 et 2025.
En particulier nous constatons qu’en 2023, les hausses constatées de +10,8 Mds€ s’expliquent par des évolutions de cotisation de 9,6% en 2023 (sur le total des montants collectés) puis de 5,8% en 2024, où les revalorisations de bases ont joué le plus grand rôle (avec à titre mineur bien que non isolé en 2023 la création de locaux), pour 8,1 points en 2023 (soit 75% de la hausse) et pour 3,9% en 2024 (soit 66% de la hausse). Et un effet taux résiduel de 2,7 points en 2023 puis de 0,9 point en 2024.
Mais sur les résidences secondaires une pression fiscale qui explose (+48,1% entre 2018 et 2024)
Alors que la fiscalité directe locale s’allégeait sur les propriétaires de résidences principales, elle explosait sur les propriétaires de résidences secondaires. Et les produits ne mentent pas : entre 2018 et 2024 d’après la DGCL, le produit de la THRS a augmenté de 40,9%. La majoration de celle-ci quant à elle a augmenté de 269,5%, passant de 118 M€ en 2018 à près de 436 M€ en 2024 pour les communes touristiques. Enfin le produit de la THLV (taxe d’habitation sur les logements vacants) en zones tendues, a augmenté de 146,4%, passant de 69 M€ à près de 170 M€ sous l’effet de l’élargissement progressif du périmètre des communes éligibles.
Produit TH | Produit THRS | Majoration THRS | Total | Produit de la THLV | |
---|---|---|---|---|---|
2018 | 15,354 | 1,58 | 0,118 | 17,052 | 0,069 |
2019 | 15,843 | 1,661 | 0,134 | 17,638 | 0,073 |
2020 | 16,087 | 1,67 | 0,131 | 17,888 | 0,082 |
2021 | 1,771 | 0,136 | 1,907 | 0,080 | |
2022 | 1,789 | 0,168 | 1,957 | 0,081 | |
2023 | 2,393 | 0,286 | 2,679 | 0,135 | |
2024 | 2,226 | 0,436 | 2,662 | 0,170 | |
Evolution des produits d'imposition | 40,9% | 269,5% | -84,4% | 146,4% |
Source : DGCL, Bis n°196 (mai 2025)
Si nous croisons ces données avec celles de l’INSEE s’agissant du nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels, il apparaît que la cotisation moyenne de THRS majorée éventuellement, explose, passant de 489,9 €/an/logement à près de 725,7 €/an/logement soit +48,1%.
Nbre de résidences secondaires et de logements occasionnels France métropolitaine | Produit THRS + Maj THRS | Cotisation moyenne €/an | |
---|---|---|---|
2018 | 3466 | 1,698 | 489,9 |
2019 | 3494 | 1,795 | 513,7 |
2020 | 3533 | 1,801 | 509,8 |
2021 | 3565 | 1,907 | 534,9 |
2022 | 3600 | 1,957 | 543,6 |
2023 | 3635 | 2,679 | 737,0 |
2024 | 3668 | 2,662 | 725,7 |
Evolution | 5,8% | 56,8% | 48,1% |
[1] Une hausse de la taxe foncière en 2024 entraînée par l’indexation sur l’inflation, DGFiP, 6 mai 2025.
[2] Maxime Vayne, Les taxes sur les logements vacants et sur les résidences secondaires, BIS, n°196 – mai 2025.
[3] Jean-René Cazeneuve, Note Evolution des impôts locaux 2017-2023, mai 2024.
[4] Plus précisément comme l’indique François Ecalle, Fipeco note d’analyse du 21/11/2019 https://www.fipeco.fr/fiche/Que-peut-on-penser-de-la-suppression-de-la-taxe-dhabitation-%3F, les dégrèvements pris en charge par l’Etat sont ceux sur la cotisation due en appliquant les taux d’imposition de 2017. Pour les hausses de taux intervenues entre 2017 et 2019 à l’initiative des collectivités locales (tentées d’en renvoyer le poids sur la prise en charge par l’Etat des dégrèvements pratiqués), les collectivités territoriales devront en prendre la charge elles-mêmes, en auto-assurance.
[5] Selon les mêmes modalités mais directement exonérés, à hauteur de 30% en 2021, de 65% en 2022 et de 100% en 2023.