Actualité

Droits de succession : 4,4 milliards d'impôts en moins ou 14 milliards de taxes en plus ?

Chaque semaine, la Fondation iFRAP passe au crible une mesure au coeur du débat de la présidentielle en partenariat avec l'Express. Cette semaine, la question de la taxation des héritages.

Pendant longtemps, le sujet de la taxation des héritages a été un débat tabou. Il est en train d'arriver sur la place publique. Alors que le Conseil d'analyse économique (CAE) rattaché à Matignon a, dans une note parue fin décembre, proposé d'augmenter les taxes sur les successions, de nombreux candidats, notamment à droite proposent, eux, de les baisser. Seul Jean-Luc Mélenchon défend, pour l'instant, un accroissement.  

Partons d'abord du constat : la France est, en parts de PIB, le pays qui taxe le plus les donations et successions avec des recettes qui atteignent 0,7% du PIB quand la moyenne européenne est à 0,2% (comme aux Etats-Unis). Pour être au niveau de la moyenne européenne, il faudrait faire baisser la pression fiscale sur les donations et successions de 7 milliards d'euros par an.  

Le "choc de transmission de patrimoine" selon Pécresse

Valérie Pécresse propose de créer "un choc de transmission de patrimoine" en renforçant les mesures de défiscalisation des donations. Au menu, un abattement sur des dons jusqu'à 100 000 euros par part, ce qui correspond au régime actuel entre parents et enfants tous les quinze ans, mais qui serait à la fois élargi à l'ensemble des collatéraux (oncles, frères et soeurs) et aux petits enfants, qui jouissent aujourd'hui d'abattement beaucoup plus réduit.  

Elle propose également de raccourcir le délai entre deux transmissions, de quinze à six ans, afin de multiplier les salves de donations. Une réforme qui coûterait autour de 1,2 milliard d'euros pour les finances publiques. Par ailleurs, un abattement horizontal entre frères et soeurs et oncles et tantes alternatif de 50 000 euros serait également en préparation, ce qui pourrait coûter environ 300 millions d'euros. Aucune annonce en matière de succession proprement dite n'est connue à ce stade pour la candidate. Son plan total représente une baisse de la pression fiscale sur les donations de 1,5 milliard d'euros par an.  

Transmission d'entreprises pour Zemmour

Eric Zemmour concentre ses propositions sur la transmission des entreprises familiales pour lesquelles il veut supprimer les droits de donation et de succession. La mesure viserait à supprimer le coût fiscal induit et récemment calculé par le CAE des pactes Dutreil, soit 3,2 milliards. S'y ajouterait un dispositif symétrique de défiscalisation à celui mis en place par Valérie Pécresse pour les donations entre vifs, mais moins large (concernant les parents et les grands-parents), plus lent à activer (tous les dix ans) et pour un montant double de celui de la candidate LR, soit 200 000 euros. Son coût tournerait également autour 1,2 milliard d'euros. Son plan total représente une baisse de la pression fiscale de 4,4 milliards d'euros par an. 

L'immobilier privilégié par Le Pen et Dupont-Aignan

Marine Le Pen ne cible pas la création d'entreprises en tant que telles mais propose un élargissement du dispositif actuel des donations entre parents et enfants (abattement de 100 000 euros) pour l'élargir aux petits-enfants dont le coût pour les finances publiques serait de 600 millions d'euros. Par ailleurs, la candidate veut créer un abattement sur l'ensemble des successions jusqu'à 300 000 euros, mais ciblé sur les biens immobiliers des Français. L'effort serait, cette fois, de 800 millions d'euros. Son plan total représente une baisse des droits de mutation d'1,4 milliard d'euros par an. 

Quant à Nicolas Dupont-Aignan, il propose la suppression des droits de succession sur la résidence principale : soit il s'agit d'une exonération totale de la résidence principale et dans ce cas (sur les 12,6 milliards de rendements des droits de succession), la mesure baisserait la fiscalité sur les transmissions de près de 3,7 milliards d'euros (pour un taux de détention estimé de résidences principales par les personnes décédées de 29,7% du patrimoine transmissible). Autre option, le candidat ne prévoit ce "zéro droit de succession" que sur la résidence principale en ligne directe. La baisse de fiscalité serait alors de 1,8 milliard d'euros.  

La réforme à la sauce Jean-Luc Mélenchon

Le seul candidat à se positionner pour la hausse des droits de successions et de donations est Jean-Luc Mélenchon. Son programme : réformer l'assiette des droits afin de comptabiliser l'ensemble des dons et des héritages tout au long de la vie. Cette réforme neutraliserait le bénéfice des dispositifs liés aux transmissions en nue-propriété, à l'exonération actuelle de l'assurance-vie et aux pactes Dutreil.  

Son programme, s'il était appliqué, reviendrait à augmenter la pression fiscale de 11 milliards d'euros par an. 11 milliards auxquels s'ajouterait une mesure de saisie de la fraction de tout héritage dépassant les 12 millions d'euros. Cela concernerait 216 successions par an pour une recette de 2,8 milliards d'euros par an. L'impact total en fiscalité supplémentaire à payer tous les ans par les Français serait ainsi de 14,3 milliards d'euros, soit un quasi-doublement des droits de successions et donations actuels...