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Programmation pluriannuelle de l’énergie : fragile à la base

La nouvelle version de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2019-2028) a été publiée le 20 janvier 2020. Il s’agit en principe du document quasi définitif, même s'il est à nouveau soumis aux Français pour consultation.  

Ses 395 pages planifient en grands détails les différents types de consommation énergétique (ex chauffage, transport, industrie) et les différentes sources de production (ex gaz, éolien, biomasse, nucléaire) sur les dix prochaines années. Même quand elles sont faites le plus méthodiquement possible, ces projections de long terme sont risquées, dépendant des évolutions du comportement des 66 millions de Français et de celui des sept autres milliards d’êtres humains, et aussi du coût des ressourceses énergétiques, des règlementations, et du progrès technologique.

Mais tout biais, volontaire ou non, dans les deux hypothèses fondamentales retenues par la PPE 2019-2028 entraine des écarts considérables sur la période de 10 ans et met en danger la politique énergétique de la France :  

  • Taux de croissance de la démographie et de l’économie ;
  • Consommation globale d’énergie finale.

Croissance de la population et du PIB

Le rythme d’évolution de la population et du PIB sont essentiels pour prévoir la consommation d’énergie à 5 et 10 ans. Pour la population, le taux de croissance retenu, celui de l’INSEE, 0,4% par an sur la période, ne pose pas de problème.

Pour le PIB, le nouveau document de la PPE (page 23) se base sur le cadrage de l’UE pour la France.

 

2015-2020

2020-2025

2025-2030

Taux de croissance du PIB par an

1,6 %

1,3 %

1,4 %

Taux de croissance annuel moyen du PIB (en volume) en %

En résumé, sur la période 2019-2028 de la PPE :

 

Taux de croissance de la population

Taux de croissance du PIB en valeur

2019-2028

+0,4 % par an

+1,35 % par an

Cette croissance du PIB de 0,95% par personne et par an, témoigne d’une forme de résignation à la stagnation du niveau de vie des Français et de la France. Un niveau séduisant parce qu’il facilite la maîtrise de notre consommation d’énergie et se rapproche de la décroissance voulue par certains, mais qui ne permet ni le redressement de nos comptes publics, ni le financement des investissements indispensables à notre pays (enseignement supérieur, recherche, entreprises, infrastructure, justice…)    

Consommation finale d’énergie

Les données publiées par la nouvelle version de la PPE 2019-2028 confirment que la consommation d’énergie finale n’a pratiquement pas baissé de 2012 à 2018. 2012 est l'année de référence choisie à la COP21 et par la PPE 2019. 

En TWh

2012

2018

2023

2028

2050

Consommation finale d’énergie

1651

1628

1526

1378

825

Note : Données historiques pour 2012 et 2018. Prévisions de la PPE pour 2023 et 2028. Objectif officiel pour 2050 (baisse de moitié de la consommation d’énergie). 

Malgré cette stabilité, la nouvelle PPE fixe pourtant des objectifs de baisse encore plus ambitieux que ceux d’il y a un an.

Objectifs de baisse de la consommation d’énergie finale par rapport à 2012, 
suivant les PPE 2016, 2019-1 et 2019-2

 

2018

2023

2028

2050

PPE 2016

-7 %

-12,6 %

-

-50 %

PPE 2019-1

 

-7,0 %

-14,0 %

-50 %

PPE 2019-2

 

-7,6 %

-16,5 %

-50 %

 Sachant que, de 2012 à 2018, la baisse a été très faible (0,19% par an), et qu’il ne reste que 4 années d’ici 2023, cette prévision est tout à fait irréaliste. Pour être conforme aux nouveaux objectifs, la baisse de consommation d’énergie devrait être de 1,8% par an en moyenne, soit 10 fois plus rapide, un niveau jamais atteint sauf au cours de la crise systémique de 2008-2009.  

Le plan d’action de la PPE ne fournit aucune justification à cette baisse soudaine de la consommation d’énergie finale, les différentes actions entreprises ne montrant pas d’inflexion décisive, et requérant de toute manière des délais importants pour être visibles (ex isolation des logements, baisse de consommation des nouveaux véhicules automobiles).

Conclusion : tenir compte des données connues

Le niveau de consommation d‘énergie finale dans dix ans est critique : il conditionne le nombre et le type de centrales de production, la capacité des réseaux de transport d'énergie, le prix de l’énergie, le niveau de vie des Français et la compétitivité de l’économie. En se contentant d'un faible taux de croissance du PIB, la Programmation Pluriannuelle de l'Energie 2019 se facilite la tâche de réduction de la consommation d'énergie et des émissions de polluants. Mais elle est en contradiction totale avec la stratégie du gouvernement de start up nation, Choose France, plan ETI, Investissments d'avenir, Territoires d'industrie, et réformes de la formation professionnlle et du chômage, qui vise à sortir la France du marasme actuel et à doubler au moins le taux de croissance.  

Dans le chapitre Précaution d’usage, la PPE2019 admet que "Les hypothèses de modélisations retenues sont issues de travaux d’experts qui, comme toutes hypothèses, sont parfois contestables." Les auteurs ont, par exemple, retenu un prix du baril de pétrole au dessus de 100 dollars vers 2025. Une hypothèse très favorable aux autres énergies, pas moins crédible qu'une autre, et très incertaine. Mais pour la consommation d'énergie finale en France, l'inertie structurelle de son évolution, confirmée par une masse de données disponibles, rend peu crédibles la prévision de la PPE2019 d'une baisse soudaine et substantielle.     

Si contrairement à l’hypothèse de la PPE2019-2, la consommation d’énergie finale devait rester à peu près stable, 16% d’énergie manqueraient à la France en 2028 : une situation de pénurie ou/et de surcoût catastrophique.  

Pour prévoir l'avenir proche, les données de consommation d'énergie finale des sept dernières années ne doivent plus être ignorées.