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Convention citoyenne climat : le vrai chiffre de consommation d‘énergie

150 Français tirés au sort vont participer le 4 octobre à la convention citoyenne pour le climat. Leurs séances de formation accélérée doivent être objectives et précises, notamment sur le facteur le plus décisif, celui de la consommation finale d’énergie. Si elle était divisée par deux en 2050 comme promis par les gouvernements, tous leurs autres objectifs seraient atteints comme par magie : baisse de consommation des énergies fossiles, baisse des émissions de CO₂, fermeture de 20 centrales nucléaires, maintien des dépenses d’énergie des consommateurs au niveau de 2012 malgré le surcoût d'énergies renouvelables engagé pour les 20 prochaines années.

Le problème c'est que diviser par deux la consommation d’énergie en 2050 par rapport à 2012 suppose qu’elle baisse chaque année de 1,9%. Est-ce vraiment crédible ?

L’évolution de l’indicateur « Consommation d’énergie finale corrigée des variations climatiques et calendaires » est publiée chaque année par l’INSEE en avril dans le Tableau de l’économie française (TEF), une synthèse de 300 pages de données concernant la France, disponible depuis 2006.

Consommation d‘énergie finale corrigée des variations climatiques et calendaires

Avertissement : le mode de calcul a été modifié en 2014 par l’INSEE, seule la nouvelle série de chiffres homogènes doit être utilisée – voir l’annexe

en MTep

Consommation d’énergie finale

Année

Ancien mode de calcul

Nouveau mode de calcul

2006

159,7

151,0

2007

160,4

151,7

2008

161,4

152,7

2009

155,6

146,9

2010

154,9

146,2

2011

155,2

146,5

2012

152,1

143,4

2013

150,6

141,9

2014

149,3

140,6

2015

-

142,3

2016

-

141,2

2017

-

142,7

 Les données du tableau ci-dessus permettent de calculer l’évolution de la consommation finale d’énergie depuis trois dates clefs, 2006, soit juste avant la crise de 2008, 2012, année de référence choisie par le gouvernement, et 2015, date de la COP21, et jusqu’à 2017 (dernier chiffre connu). 

Données 2017 (TEF 2019)

Objectif

Depuis 2006

Depuis 2012

Depuis 2015

Évolution de la consommation finale d’énergie sur la période

-

-5,5%

-0,48%

+0,40%

Évolution de la consommation finale d’énergie par an

-1,9%

-0,5%

-0,09%

+0,20%

Note de lecture : par rapport à l’année de référence (2012) la consommation d’énergie finale en 2017 a baissé de 0,09% par an au lieu de baisser de 1,9% par an comme planifié.  

Révision à la baisse des objectifs de court/moyen terme

La baisse de 1,9% par an ne se réalisant pas, dans la Programmation pluriannelle de l'énergie de 2019, le gouvernement a réduit les objecifs à court et moyen terme, sans changer l'objectif 2050 qui conditionne toute notre politique énergétique. Cela revient à repousser les problèmes à plus tard : pour tenir la division par 2 de la consommation d'énergie en 2050, il faudrait qu'elle baisse de 2,5% par an de 2029 à 2050, ce qui est strictement impossible.    

 

En 2012

En 2017

En 2023

En 2028

Données de référence Mtep

143,4

142,7

-

-

Objectif PPE d’évolution

par rapport à 2012

-

-

-7 %

-14 %

Objectif Mtep

-

-

133,4

123,0

Baisse nécessaire par an à partir de 2018

-

-

-1,3 %

-1,3 %

Note de lecture : pour atteindre en 2028 l’objectif d’une baisse de 14% de la consommation d’énergie par rapport à 2012 et atteindre 123,0 Mtep, la baisse devrait être de 1,3% par an à partir de 2018. Un objectif très inférieur au précédent, mais encore peu crédible, d'autant plus que les années 2018 et 2019 sont déjà jouées. 

Des actions pourtant considérables

Ces résultats sont obtenus malgré des efforts considérables visant à réduire la consommation d’énergie, de la part de l’État, des collectivités locales, des bailleurs, des entreprises et des particuliers : surcoût de construction et de rénovation des logements, surcoût des véhicules plus économes en énergie, subventions aux remplacements de véhicules par des plus récents, subventions aux transports publics, programmes de recherche, certificats d’économies d’énergie, augmentation du prix des énergies, campagnes intenses de sensibilisation et de réglementation. Une dépense de trente à quarante milliards d’euros par an.

Dépenses destinées à réduire la consommation d’énergie, en milliards d’euros par an

Logements neufs et anciens

Bâtiments publics neufs et anciens

Bureaux neufs et  anciens

Industrie

Véhicules neufs et remplacés

Certificats d’économie d’énergie

Taxes carbones

Transports publics

Recherche

7

3

4

3

4

3

3

5

2

Source : ministère de l’Énergie, Cour des comptes et estimations de l’iFRAP

Compte tenu de la situation financière des intervenants, il est irréaliste d’imaginer doubler ou tripler leurs efforts, fortement subventionnés puisque généralement non rentables économiquement. À l’avenir, les résultats de ces investissements seront décroissants, les actions les plus rentables ayant été faites les premières (ex. isolation des logements) et depuis très longtemps (ex. 1974), et les améliorations technologiques étant de plus en plus difficiles (ex. baisser la consommation des voitures à essence).

Des besoins et des désirs impérieux

En parallèle, un grand nombre de ménages vivent dans des conditions difficiles (salaire médian : 1.800 euros/mois) ou très difficiles, ont des besoins légitimes incompressibles et veulent voir leurs conditions de vie s’améliorer : logement, chauffage, vacances, loisirs, transports, nourriture, vêtements, soins. 

Mais en réalité, presque tous les Français aspirent à améliorer leur situation, même si elle n’est pas « mauvaise »Les 5 millions de fonctionnaires constituent un repère commode : leur emploi est garanti, leur progression de salaire aussi, mais ils demandent, vivement et à juste titre, que leurs revenus progressent. Une augmentation destinée à être dépensée, avec des conséquences automatiques sur la consommation d’énergie.. De même, les universités, les hôpitaux, les maisons de retraite et EPHAD, les prisons, les bâtiments publics ont besoin d’être fortement améliorés, climatisés par exemple, comme cela a été fait pour le Palais de justice de Paris, le ministère de la Défense ou l’hôpital de Lyon, avec une augmentation certaine de la consommation d’énergie.   

Croissance du PIB et évolution de la consommation d’énergie

La population française augmente de 0,4% par an, et les Français aspirent presque tous à une croissance de leurs revenus de 2% par an. Un niveau qui permettrait en plus de résoudre plusieurs de leurs problèmes fondamentaux : chômage, déficits de l’État et des comptes sociaux, investissements dans des biens publics et privés. Pour stabiliser la consommation d’énergie malgré ces deux augmentations, il faudrait que l’efficience énergétique (produire autant de biens et de services avec moins d’énergie) augmente dans les mêmes proportions. Un objectif considérable pour un pays déjà très économe en énergie, un objectif qui n’est pas atteint, même si la tendance sur le long terme est bien à une meilleure efficacité énergétique. 

Sur les 11 années considérées (2006-2017), la consommation baisse en moyenne de 0,50% quand le PIB augmente de 0,93%, une réduction quatre fois inférieure à celle des plans gouvernementaux de transition énergétique (COP21, Stratégie nationale bas carbone (SNBC), Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), Plan national de lutte contre le changement climatique.)

Année

Nouveau mode de calcul

 Évolution  de la consommation par an

en %

Évolution  du PIB par an

en %

2006

151,0

-

-

2007

151,7

+0,46%

+2,4

2008

152,7

+0,66%

+0,3

2009

146,9

-3,80%

-2,9

2010

146,2

-0,48%

+1,9

2011

146,5

0,21%

+2,2

2012

143,4

-2,12%

+0,3

2013

141,9

-1,05%

+0,6

2014

140,6

-0,92%

+1,0

2015

142,3

+1,21%

+1,1

2016

141,2

-0,77%

+1,1

2017

142,7

+1,06%

+2,2

Moyenne

 

-0,50%

0,93%

Notre prévision est que la consommation d’énergie augmenterait de 0,5 à 0,7% par an si le PIB croissait de 2% par an et par personne, un niveau atteignable, souhaité, nécessaire et visé par le gouvernement.  

Conclusion

Il n’y aura pas de baisse significative de la consommation d’énergie, les besoins légitimes et insatisfaits des Français étant trop considérables. La seule réduction significative s’est produite pendant la crise économique de 2008-2010 avec la chute de la production industrielle, confirmant la théorie des partisans de la décroissance : « la baisse du PIB est un moyen efficace de réduire la consommation d’énergie ».

Mais pour l’iFRAP, cette solution est rejetée par les Français, comme l’ont montré les manifestations initiales des gilets jaunes. La seule démarche efficace et morale consiste à concentrer nos moyens disponibles sur la recherche scientifique et technique de solutions rendant compatibles la croissance du PIB et les objectifs climatiques. Sans nouvelles percées technologiques comme celle des ampoules LED qui divise par 6 les besoins d’électricité pour l’éclairage, la consommation d’énergie finale continuera à ne pas baisser en France.

Annexe

INSEE : Changement de mode de calcul de la consommation finale d’énergie

À partir de 2014, l’INSEE a décidé de modifier le mode de calcul de la Consommation d’énergie finale corrigée des variations saisonnières pour s’aligner sur les normes internationales.

L’INSEE  : « La révision importante des chiffres de la consommation finale énergétique pour l'année 2014 (de l'ordre de 9 Mtep) s'explique par plusieurs changements méthodologiques dans la comptabilisation de certains flux, afin de rapprocher les concepts utilisés dans le bilan national de ceux retenus par l’Agence Internationale de l’Energie :

- Les  soutes aériennes internationales, auparavant incluses dans la consommation finale, ont été déduites des approvisionnements (et donc aussi de la consommation finale)  soit un impact à la baisse de près de 5,5 Mtep (pour 2014) ;

- Les consommations énergétiques des hauts fourneaux ont été transférées de la consommation finale vers celle de la branche énergie soit un impact à la baisse d'environ 3,5 Mtep (pour 2014) ;

- Des changements sont aussi intervenus sur la méthode la correction des variations climatiques mais leur impact est plus limité. »

Ces changements semblent justifiés, mais pour mesurer l’évolution de la consommation finale d’énergie, il est nécessaire d’assurer la continuité entre l’ancien mode de calcul et le nouveau. C’est ce que l’iFRAP a fait dans la troisième colonne du premier tableau, en corrigeant les données de 2006 à 2013 comme l’INSEE l’a fait pour 2014D’un montant identique à celui retenu pour 2014. et les années suivantes.