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Nucléaire : retour en grâce

Les déclarations positives d’Emmanuel Macron, président de la République, sur l’avenir du nucléaire, puis celles du ministre de l’Économie et du Haut-Commissaire au Plan, marquent un tournant majeur dans ce dossier.  Des positions qui font suite à celle de Fatih Birol, directeur exécutif de l'Agence internationale de l’énergie (AIE) : « Sans l'énergie nucléaire, la transition énergétique mondiale sera beaucoup plus difficile et beaucoup plus coûteuse ». De quoi contrebalancer les rapports de l’ADEME et de RTE/AIE affirmant la faisabilité d’un système électrique français entièrement basé sur les renouvelables... mais sans se prononcer sur son acceptabilité sociale ni non bilan économique. 

Emmanuel Macron, président de la République, 8 décembre 2020

« Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire. »

Bruno Lemaire, ministre de l’économie et de l’industrie, 15 avril 2021

« Le nucléaire est pour la France un atout considérable de compétitivité économique ».

François Bayrou, Haut-commissaire au plan, avril 2021

« L’énergie nucléaire pour éviter une crise du système électrique ».

Il est difficile de connaître les raisons du changement d’attitude de nos responsables politiques. Il a été sans doute rendu plus facile par la fermeture effective de Fessenheim promise en gage aux antinucléaires pour l’élection présidentielle de 2017. La poursuite du désastre industriel de l’EPR de Flamanville n’a pas dû les aider, mais cinq événements récents ont pu être décisifs :

Nucléaire : vert ?

Autre terrain de bataille : à Bruxelles, le plan de relance européen de 1.800 milliards d'euros est l’occasion de décider si le nucléaire aura accès aux financements préférentiels fléchés sur les investissements verts. Des pays ayant choisi de renoncer au nucléaire sont contre. Sept pays mettent en avant le fait que le nucléaire n’émet pas de CO2 pour demander qu’il puisse bénéficier de ces crédits. A côté de nombre d’« investissements » du plan de relance qui sont en réalité de simples dépenses de consommation et de fonctionnement de court terme (ex. « relamping » i.e. changer les ampoules des écoles ou des commissariats), l’amélioration du nucléaire correspond à de véritables investissements conditionant l’avenir. La Commisssion européenne a pourtant décidé de refuser le label vert au nucléaire "pour le moment". Déjà en 2005, sur le sujet du taux de conversion entre énergie primaire et énergie finale pour l'électricité et pour le gaz, elle avait refusé de prendre en compte le cas de la France et de son électricité décarbonée. Une mesure qui avait condamné le chauffage électrique et contraint les nouvelles constructions à utiliser massivement le gaz pour le chauffage et l’eau chaude, avant que la nouvelle règle de 2021 interdise au contraire le gaz. 

Cette fois-ci, le ministre de l'Economie et de l'insdutrie, Bruno Le Maire, a pris conscience de l'importance du sujet en déclarant : "La France se battra pour que le nucléaire soit considéré comme une énergie décarbonée indispensable au succès de la lutte contre le changement climatique. Le nucléaire doit trouver sa place avant le 31 décembre 2021."

Modèle : Allemagne ou Royaume-Uni ?

Les conditions énergétiques de départ des trois plus importants pays européens étaient très différentes. Et les directions prises pour l’avenir aussi. Mais ni l’Allemagne ni le Royaume-Uni n’ont pu échapper à la question : comment garantir une puissante production d’électricité à la demande (ni intermittente ni aléatoire) à un coût minimum ? Ces deux cas résument bien le choix que doit faire la France : électricité de base d’origine nucléaire ou d'origine gaz ? 

Production électrique de base au Royaume-Uni : charbon/pétrole/gaz puis nucléaire

Les réserves de charbon, gaz et de pétrole commençant à baisser, le Royaume-Uni a fortement développé sa production éolienne terrestre et marine, avec 11.000 éoliennes, et une puissance installée de 14 gigawatts à terre et 14 en mer. Son objectif est d’accélérer le déploiement de ses centrales éoliennes d’ici 2030.

Mais en parallèle, le Royaume-Uni, bien que ne possédant pas de fournisseur de réacteurs clefs en mains, s’est aussi engagé à faire construire par EDF deux réacteurs nucléaires EPR, et envisage d’en commander deux autres, pour fournir une base de production à la demande.  

 

Production électrique de base en Allemagne : charbon puis gaz

L’Allemagne a décidé d’abandonner toutes ses centrales nucléaires, et a développé massivement la production d’électricité par des centrales éoliennes terrestres et marines, et même photovoltaïques.  Une démarche qui semblait destinée à réaliser de l’autre côté du Rhin, le projet de 100% d’énergie renouvelable en 2050 prôné en France par l’ADEME et par le gestionnaire du réseau de transport de l‘électricité (RTE).

Toile des réseaux de transport du gaz russe 

Mais pour assurer une production allemande d’électricité à la demande, l’Allemagne est contrainte de défendre avec acharnement la construction du gazoduc géant Nordstream destiné à doubler pendant des décennies les importations allemandes du gaz russe nécessaire. Un projet qui implique des émissions de CO2, renforce le régime russe, perturbe l’Ukraine, affaiblit le lien entre l’Europe et les Etats-Unis et met l’Europe en situation de dépendance sur la Russie.

Note : RTE a un intérêt direct à un scénario 100% renouvelable qui lui garantirait des milliards de crédits nécessaires pour mettre en place un réseau intelligent, passionnant, mais complexe. 

Conclusion

L’EPR finlandais semble pouvoir être mis en production en 2022, et le premier des quatre réacteurs nucléaires (coréens) ont été mis en production aux Emirats arabes unis en 2020. L’urgence en France est de s’assurer qu’EDF est redevenue une entreprise performante et le restera, et de lancer dès juillet 2022 la construction des nouveaux EPR+ indispensables pour notre marché intérieur et pour aider les pays étrangers à respecter leurs engagements de la COP21.