Tribune

La France doit s’opposer aux objectifs délirants de Bruxelles en matière d’énergies renouvelables

Sommes-nous masochistes ? Alors que nous produisons une électricité décarbonée à 92 % grâce à notre parc nucléaire, nous serions susceptibles d’accepter de nous faire imposer par l’Europe l’objectif d’atteindre 44 % d’énergies renouvelables (EnR) d’ici à 2030 ? Une obligation qui est complètement en dehors des clous pour la France. Nous ne devons pas accepter cette obligation et au contraire imposer que l’électricité nucléaire soit reconnue comme une énergie verte au niveau européen. Et ce ne serait que justice puisque nous sommes déjà parmi les pays les plus décarbonés d’Europe avec la Suède.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le jeudi 21 mars 2024.

La France doit prendre ses distances avec les objectifs d’énergies renouvelables fixés par la Commission européenne. Le ministre de l’Économie a heureusement fustigé « l’Europe dont nous ne voulons plus, qui fixe des objectifs trop contraignants et qui ne sont pas des objectifs climatiques satisfaisants ». Certes, le Parlement européen a reconnu en novembre dernier que l’énergie nucléaire est une énergie verte mais le nucléaire ne fait pas partie des énergies considérées comme renouvelables dans l’UE. Le gouvernement refuse d’inscrire cet objectif de 44 % de renouvelables dans la loi et n’entend pas non plus, à juste titre, payer une amende, alors que ses émissions « sont parmi les plus basses de tous les pays européens ».

Les investissements doivent se faire au bénéfice de l'indépendance

Si pour des pays européens à la production électrique majoritairement thermique, il est logique de donner la priorité à l’éolien ou au solaire, il en va autrement pour la France. L’essentiel n’est pas tant de décarboner notre électricité - la France dont 92 % de la production d’électricité est d’origine non fossile contre 53 % en Allemagne par exemple - que d’anticiper une hausse importante des besoins. Les investissements en la matière doivent se faire au bénéfice de l’indépendance, de la production industrielle et de l’économie du pays. Ainsi, en 2019, RTE soulignait que les énergies éoliennes et solaires de France avaient évité l’émission de 20 millions de tonnes de CO2, dont 5 millions en France et 15 millions dans les pays voisins. Les investissements et les multiples subventions de l’État (c’est-à-dire du contribuable) ont donc servi pour 75 % à décarboner nos voisins européens.

Les émissions liées à la production d’électricité en France ont atteint en 2023 16,1 MtCO2eq, leur niveau le plus faible depuis le début des années 1950 soit 32 g de CO2 par kWh produit. L’Allemagne se situe à 434 g ! Si l’Allemagne peut se targuer d’afficher un pourcentage élevé d’EnR dans sa production d’électricité, n’oublions pas que cela est possible, car des énergies fossiles (gaz surtout) pallient leur intermittence. Ce n’est pas parce qu’on a des EnR en pourcentage important qu’on a un plus faible taux d’émissions de CO2, l’Allemagne en est la démonstration. Le plus choquant est que la directive européenne donne un objectif de 40 % d'EnR dans la production électrique alors qu'aujourd'hui on est à 26 % avec 58,8 TWh d'hydraulique, 50,7 TWh d'éolien et 21,5 TWh de photovoltaïque.

Viser 40 % d’ici à 2030 signifierait multiplier par deux l’éolien et le photovoltaïque si on considère l’hydraulique comme inchangée. Exprimé en éoliennes, c’est entre 12.000 et 30.000 supplémentaires, alors qu’on en compte 9500 installées aujourd’hui. Les objectifs de la directive européenne auraient non seulement un impact sur la stabilité de notre production électrique (sécurisation, ajustement de notre puissance pilotable) et sur le niveau des prix de l’énergie (sous-estimation de l’intermittence). Mais surtout, ils encourageraient une transition s’appuyant sur des filières de production essentiellement chinoises (panneaux photovoltaïques et éoliennes sans parler des batteries…). Par ailleurs, pour l’instant les EnR, si l’on compte le coût du stockage et les frais liés à l’intermittence, sont toujours plus chères que le nucléaire comme les contribuables français ont pu le constater avec l’explosion de la taxe TICFE qui est prélevée sur les factures d’électricité.

La France doit imposer ses intérêts à Bruxelles

La France a déjà acté la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs actuels, mais il faut également préparer le besoin d’électricité supplémentaire. Cela implique de programmer la construction d’au moins 20 EPR d’ici à 2050, tout en menant à bien le projet SMR (petit réacteur modulaire) qui fait face à de nombreux concurrents, en terminant le programme de grand carénage, en développant nos stations de transport et de stockage d’énergie (viser au minimum 1,5 GWe) et en optimisant le potentiel d’hydroélectricité. La politique énergétique se définit sur le temps long, c’est pourquoi la tension annoncée sur les coûts de l’uranium exige que la France engage sans tarder un programme de développement de réacteurs surgénérateurs de quatrième génération. Le stock d’uranium appauvri disponible sur le territoire national assurera avec ce type de réacteur la satisfaction de nos besoins en électricité pour des millénaires ! Il y a urgence à remettre ces travaux en chantier et l’arrêt du programme Astrid en 2019 apparaît de plus en plus comme une faute politique majeure.

L’Europe ne peut pas indéfiniment pousser la France à investir dans les énergies renouvelables et importer les équipements de Chine aux frais du contribuable français, alors que nous avons un parc nucléaire à entretenir et à étoffer en priorité pour garantir notre indépendance énergétique et contrer les risques de black-out. Comme nos capacités d’investissements ne sont pas extensibles dans le contexte de surendettement de la France, il va falloir choisir. Le plus rationnel pour le contribuable et le consommateur conduit à investir avant tout dans le nucléaire qui ne pose pas de problème de stockage contrairement aux autres énergies vertes qui imposent de conserver plus de centrales à gaz. En la matière, la France doit imposer ses intérêts à Bruxelles. Il ne suffit pas de faire reconnaître notre électricité nucléaire comme « verte », il faut la faire reconnaître au même niveau qu’une énergie renouvelable…