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Gaz de schiste, au service de la reprise économique

Alors que les États-Unis se sont révélés moins précautionneux, l’apparition du gaz de schiste dans le débat public en 2011 a cristallisé de nombreuses oppositions en France. Pourtant, les arguments plaidant en faveur de l’exploitation des hydrocarbures dits « non conventionnels » sont nombreux. Indépendance énergétique, état catastrophique de l'économie française, politiques de réduction du nucléaire et de réduction de l'émission des gaz à effet de serre, sont autant de facteurs qui sont à prendre en compte dans ce débat. L'exploitation en France du gaz de schiste par la technique de la fracturation hydraulique est interdite depuis la loi Jacob de 2011 et définitivement écartée par le Conseil constitutionnel qui, dans une décision de 2013, a confirmé l'interdiction à la fois de l'exploitation et de la prospection des gisements. Cependant, de nouvelles études montrent que les risques liés à la fracturation ne sont pas supérieurs à ceux résultant de l'exploitation des puits de pétrole conventionnels. Il importe ainsi de rouvrir le débat en France sur ce sujet qui a été fermé bien trop tôt, sans prendre en compte la réalité. Nous pouvons en effet apprendre de l’expérience américaine en la matière.

Les États-Unis premier producteur de pétrole au monde grâce au gaz de schiste

Selon les statistiques de la British Petroleum (BP) la production de pétrole américaine, dopée par les hydrocarbures de schiste, a dépassé l'an dernier celle de l'Arabie Saoudite. Cette première depuis 1975 vient confirmer la perte de vitesse de l'OPEP sur le marché. Les Américains ont produit l'an dernier 11,644 millions de barils par jour de pétrole (brut et liquides de gaz naturel) alors que le royaume wahhabite n'en a produit que 11,505 millions et que la Russie, troisième producteur mondial, n'a extrait «que» 10,838 millions de barils. La production américaine a donc enregistré une hausse de 1,6 million de barils par jour l'an dernier ce qui représente la plus grosse croissance au monde.

Selon les experts, le facteur le plus important pour expliquer cette hausse de la production américaine est l'exploitation des gaz de schiste. Celle-ci a explosé depuis le début des années 2000 grâce à des progrès techniques importants. Le forage horizontal a notamment permis d'accroître la rentabilité des puits de manière exceptionnelle.

Les énergies non conventionnelles ont déjà généré des bénéfices importants aux États-Unis. En 2014, L'industrie du gaz de schiste a représenté un apport de 430 milliards de dollars au PIB Américain (selon les estimations, ce chiffre pourrait atteindre 530 milliards d'ici 2030). Plus de 2,7 millions d'emplois à travers le pays sont issus de l'exploitation du schiste (3,8 millions en 2030 selon les estimations) et le salaire de ces employés est deux fois plus élevé que le salaire médian américain.

Plus intéressant encore, les États-Unis sont dorénavant indépendants dans leur production de gaz, et leurs importations de pétrole ont diminué de 28% au cours des dix dernières années.

Part des énergies non-conventionnelles dans la production totale de gaz naturel[2]

L’exploitation du gaz de schiste américain a eu un impact très positif sur de nombreux aspects de l’économie américaine. Si elle a évidemment bénéficié aux filières gazières et pétrolières qui ont connu une reprise massive de leurs niveaux d’activité et une forte création d’emplois, elle a également permis, dans un second temps, une baisse des prix du gaz. Ceci a entraîné un regain de compétitivité des industries aval consommatrices de gaz en tant que source d’énergie ou de matière première. En outre, pour chaque emploi lié aux gaz de schiste dans les filières amont / exploitation en 2012, près de deux emplois devraient être créés en aval d’ici 2020. Le faible coût du gaz au États-Unis, permis par l'exploitation des schistes, comporte non seulement des avantages pour les foyers américains, mais également pour l'industrie, qui bénéficie d'une énergie à très bas coût par rapport aux pays européens notamment (32% de la production de gaz naturel ont été utilisés par l'industrie).

Ainsi l’essor du gaz de schiste n’a-t-il pas exclusivement profité aux pétroliers ou aux gaziers. Il a également largement bénéficié aux industries nécessitant une forte consommation de gaz comme source d’énergie ou comme matière première, comme c’est le cas dans la pétrochimie (qui a consommé en 2012 près de 25% de la consommation industrielle et 7% de la consommation totale de gaz américaine).

L'industrie pétrochimique américaine est donc redevenue compétitive. En effet les industriels du secteur ont investi 138 milliards de dollars sur le sol américain depuis l'essor de la fracturation hydraulique.

Alors que les prix des gaz américain et européen restaient relativement comparables jusqu’à la fin des années 2000, le boom du gaz de schiste aux États-Unis a durablement changé les dynamiques de ces marchés et les prix du gaz européen sont aujourd’hui plus de trois fois supérieurs à ceux des États-Unis. Ainsi, alors que le prix du gaz américain a été divisé par plus de trois entre 2008 et 2012, les prix du gaz européen continuaient d’augmenter du fait de la baisse de la production de gaz conventionnel de l’Union européenne et d’une diversification parfois trop limitée de ses fournisseurs, et ce en dépit des mesures visant à encadrer le coût de l’énergie pour les industries intensives initiées par plusieurs pays dont la France et l’Allemagne.

Au niveau géopolitique, l'importance croissante de la production américaine a permis à la balance commerciale américaine de s'améliorer alors que l'importation de pétrole avait diminué de 28% entre 2005 et 2014.  La production nationale, supérieure à la demande, permet également une sécurité en approvisionnement et une indépendance face aux chocs énergétiques mondiaux.

L'exploitation du gaz de schiste a également permis de réduire les émissions de CO2 du pays, alors même que les États-Unis n'avaient pas ratifié le protocole de Kyoto. Depuis 2005, les émissions de CO2 aux États-Unis ont diminué de 10%[3]. Sans être la raison principale de cette baisse, l'exploitation du gaz de schiste, remplaçant celle du charbon, en représenterait tout de même 25%.[4]

Au cours du premier trimestre 2012, les émissions de CO2 américaines liées à la consommation d’énergie étaient au niveau le plus bas depuis 1992. Cela s’explique notamment par le basculement de la production électrique de centrales au charbon vers davantage de centrales à gaz. Ces chiffres sont conformes aux objectifs environnementaux du pays, en particulier à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17% en 2020 par rapport à 2005.

Des risques comparables à ceux d'une exploitation classique de pétrole.

Depuis 1947, année où la technique de la fracturation hydraulique a été utilisée pour la première fois, plus d'un million de puits ont été forés aux États-Unis (2,5 millions à travers le monde).

Cette technique n'est donc absolument pas nouvelle ou novatrice, contrairement à ce que l'on peut lire à longueur de journée dans les médias.

Les risques de pollution à long terme des nappes phréatiques que pourrait causer cette technique sont régulièrement mis en avant dans les médias et les associations de défense de l'environnement. Pourtant le 5 juin 2015, l'Agence américaine de protection de l'environnement (Environmental Protection Agency, « EPA ») a publié un rapport[5] concluant que la fracturation hydraulique n'entrainait pas de pollution des nappes phréatiques, sauf dans de rares cas où de mauvaises techniques de forage étaient utilisées (notamment en ce qui concerne les techniques d'étanchéité).

Le rapport de l'EPA, pourtant réputée pour ses engeances démocrates, se fonde sur l'étude de milliers de gisements aux États-Unis. Ce document rapporte que dans les faits très peu de puits ont fait l'objet de mauvaises techniques de forage et que ces soucis sont de toute manière rencontrés dans n'importe quel type de forage pétrolier, et ne sont pas spécifiques à la technique de la fracturation hydraulique.  Ainsi il ressort de ce rapport que les problèmes liés à la pollution des nappes phréatiques par du méthane sont inexistants si la cimentation du puits est faite correctement.

Ainsi la fracturation hydraulique n'est finalement qu'une technique de forage comme une autre et ne devrait donc pas être interdite ou plus encadrée que les autres techniques autorisées sur notre territoire.

De la nécessité d'une prise de conscience française à exploiter ses réserves

  1. Une manne économique financière inexploitée pour des raisons politiques

En 2014 nous apprenions par les journaux qu'un rapport d'experts commandé par Arnaud Montebourg[6] recommandait l'expérimentation en France d'une technologie d'exploitation du gaz de schiste grâce à une technique alternative de fracturation hydraulique. Ce rapport soulignait, en détail, combien la France pourrait en tirer parti, en termes de croissance, d'emplois, de compétitivité industrielle ou encore d'indépendance énergétique, et préconisait une première phase d'expérimentation par micro-forages en Ile-de-France et dans le Sud-Est.

Ce rapport était l'argument phare contre toutes les objections qui empêchent depuis cinq ans la France de tenter l'aventure des gaz et des huiles de schiste, qui ont donné outre-Atlantique un spectaculaire coup de fouet à la croissance comme nous l'avons montré plus haut.

  1. D'importantes ressources dans les sous-sols français ?

Les réserves en gaz de schiste en France seraient prometteuses. C'est en tout cas les conclusions de l’Agence Internationale de l'Énergie. En effet, la France comporte trois grands bassins sédimentaires susceptibles de contenir des hydrocarbures : le bassin aquitain (la région de Lacq notamment), le bassin Sud-Est et le bassin parisien. Certains de ces territoires ont déjà été exploités par le passé et on y a relevé des signes de présence de gaz et de pétrole.

Au total, l’Agence Internationale de l'Énergie estime que les ressources de la France en gaz de schiste s’élèvent à 137 TCF (milliards de pieds cube soit 3836 milliards de mètres cube)[7] et seraient donc parmi les plus importantes en Europe.

Cependant, nul ne sait exactement ce que valent ces gisements, alors que la prospection est interdite et que le processus de connaissance des ressources du sous-sol s’inscrit dans le temps et l'évolution de la technique.

En effet, l’évaluation des réserves exploitables de gaz est à ce stade une science imprécise et en constante évolution. Ainsi, malgré la production croissante de gaz de schiste depuis 2008, les réserves prouvées de gaz naturel américaines auraient augmenté d’un tiers entre le milieu des années 2000 et 2010 grâce à une meilleure connaissance du potentiel du sous-sol.

  1. L'impact de l'exploitation des gaz de schiste sur l'économie française

La facture énergétique en France s'élève à plus de 3% du PIB, soit un coût très supérieur à son niveau de la période 1985-2005 mais qui reste très inférieur à ce qu’il était dans les années 1975 à 1985 (jusqu’à 5%). Et surtout davantage que le déficit de la balance commerciale[8]. 20% de notre facture énergétique sont imputables au gaz (14 milliards d'euros) dont la France dépend à plus de 95% de ses importations. Et il est probable que la contribution du gaz à la facture énergétique domestique augmente dans le futur. Elle pourrait même doubler, dans un contexte de transition énergétique vers davantage d’énergies renouvelables. En cas de doublement de la consommation de gaz en France, l’exploitation du gaz de schiste français à hauteur de 10% de la consommation domestique totale permettrait de réduire de 10% le montant de la facture gazière, soit une économie d’au moins 2,8 milliards d’euros.

Par ailleurs, l’introduction du gaz de schiste dans le mix gazier français, en contribuant à rééquilibrer les rapports de force entre la France, consommatrice de gaz importé, et ses fournisseurs étrangers, pourrait permettre de réduire de 10% le coût des importations françaises de gaz (soit une économie additionnelle de 2,5 milliards d’euros) selon l'institut Montaigne. Le gaz de schiste permettrait ainsi de réduire de près de 8% la facture énergétique française .

On comprend difficilement, au vu de ces chiffres, le refus catégorique des gouvernements français à œuvrer en faveur d'une exploitation réglementée du gaz de schiste, d'autant plus que la France dispose d'une industrie de pointe dans ce domaine. Il est en effet intéressant de noter que l'Hexagone est le troisième pays étranger ayant le plus investi dans le gaz de schiste américain derrière la Chine et le Japon, avec 4,55 milliards de dollars investis depuis 2008[9]. Ces projets ont permis aux acteurs français d’acquérir une expérience, qui serait sans nul doute bénéfique à d’éventuels projets domestiques et contribuerait à la diminution plus rapide des coûts d’exploitation. À titre d'exemple, aux États-Unis, la courbe d’expérience a permis de diminuer jusqu’à 21% les coûts de chaque puits.

  1. Les  actuelles barrières à l'exploitation des gaz de schiste en France

Afin de permettre l'exploitation des schistes en France, il s'agit non seulement de faire tomber les barrières politiques mais aussi légales. Alors que la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique » a interdit non seulement le recours à la technique de la fracturation hydraulique mais plus encore toute exploration. Toute évaluation des ressources en gaz de schiste potentiellement exploitables dans le sous-sol national est donc rendue impossible.

De plus par la décision n° 2013-346 rendue le 11 octobre 2013[10], le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif législatif contesté en considérant qu’il ne violait pas le principe d’égalité devant la loi, ni la liberté d’entreprendre, ni le droit de propriété, constitutionnellement garantis. Alors qu'une nouvelle réforme du Code minier est actuellement à l’étude, celle-ci se contente fébrilement de maintenir le statu quo. En effet, le gouvernement s’est interdit de revenir, à cette occasion, sur la question de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste.

Au-delà de la loi Jacob de 2011, une autre barrière entrave la recherche scientifique en France : le principe de précaution.  Ce principe a été introduit en France par la loi Barnier (alors ministre sous le gouvernement Balladur) de 1995 qui précise que « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ». La Charte de l'environnement de 2005 reprend également ce principe.

Un tel principe énoncé dans des termes aussi larges est un véritable frein à toute innovation ou prise de risque.  Selon ce principe les nouvelles technologies font apparaître de nouveaux risques qui mettent en cause la survie même de l'homme, ainsi les hommes d'aujourd'hui seraient redevables vis-à-vis des générations futures d'une nouvelle obligation morale : celle de tout faire pour assurer la survie de l'humanité future. Ce qui revient au final à admettre que les générations futures ont des droits sur la génération actuelle, et qu'en conséquence nous avons une "responsabilité collective" à leur égard.

Cette  responsabilité ne pourrait donc être organisée et exercée que par l'intervention réglementaire de l'État (puisque les propriétaires de ces nouveaux "droits" n'étant pas encore nés il leur est par définition impossible de venir les défendre devant des tribunaux). Il est aisé de comprendre que le principe de précaution est absurde. En effet, si l'Homme avait dû réfléchir aux risques qu'il prenait en domestiquant le feu ou en inventant le moteur à réaction, et qu'il avait appliqué le principe de précaution, nous en serions toujours à l'âge de pierre. Le progrès implique nécessairement l'expérimentation et la prise de risque (y inclus le risque de se tromper). En éliminant toute prise de risque, il n'y a plus de progrès.

En outre le principe de précaution conduit à confier aux tribunaux le soin de juger de la responsabilité d'une personne en fonction d'une information qui n'existait pas au moment où les décisions qui ont déclenché le dommage ont été prises. On demande finalement aux juges de sanctionner en décidant a posteriori de ce qui aurait dû être fait (ou ne pas être fait) en fonction d'un ensemble d'informations qui n'étaient pas disponibles au moment où l'action a été entreprise. Il est urgent de revenir sur ce principe, ce qui libérerait les énergies créatrices et permettrait à notre pays d'innover.

  1. Que le propriétaire du terrain puisse être propriétaire des ressources naturelles de son sous-sol.

En Europe, la propriété du gaz du sous-sol n'est pas dans les mains des (nombreux) propriétaires du sol, mais dans celles des États. L'attribution des droits miniers (c'est-à-dire des droits d'explorer moyennant le paiement de redevances et d'impôts) est accordée par les États au terme d’une démarche administrative encadrée, et avec des obligations légales et réglementaires plus ou moins précises. Notre pays ne déroge pas à la règle, le droit du sol en France est régi par l’article 552 du Code civil qui prévoit que la propriété du sol « emporte la propriété du dessus et du dessous » et que le propriétaire peut faire au-dessous « toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir ». Toutefois, par dérogation à cet article, les substances qui relèvent de la classe des mines appartiennent à l’État.

Le propriétaire du sol ne dispose donc d’aucun droit sur un gisement minier ou gazier.

Ce principe est consacré par le projet de réforme du Code minier conduite par Thierry Tuot[11] qui a été déposé au Parlement au dernier trimestre 2014, puisque l’article L. 111-1 du projet de Code dispose que « le sous-sol relevant de la compétence des pouvoirs publics au titre et dans les limites du présent code est une richesse qu’il leur appartient de valoriser et de préserver dans le respect des exigences environnementales, de sécurité et de santé publiques et dans l’intérêt des populations ». Ainsi, la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures sont soumises au régime général des mines.

Cette spoliation légale au profit de l'État apparait comme un frein à l'exploitation des ressources naturelles en France. En effet, tout propriétaire de terrain ne pourra que s'opposer à ce que l'État lui vole ses ressources tout en subissant les contraintes liées à cette exploitation (Puits sur son sol, allers et retours de camions de transport, risque de pollution, etc.).

En matière de recherche, sont permises par l’article L. 121-1 du Code minier, (i) la prospection exclusive avec l’accord du propriétaire, (ii) la prospection autorisée par le propriétaire et effectuée en parallèle avec celle menée par ce dernier et enfin (ii) la prospection exclusive sans l’accord du propriétaire. Cette dernière modalité est la plus répandue. Elle passe par la délivrance par l’administration d’un permis exclusif de recherches (PER). Un tel permis « confère à son titulaire l’exclusivité du droit d’effectuer tous travaux de recherche dans le périmètre qu’il définit et de disposer librement des produits extraits à l’occasion des recherches »[12].

Une fois les recherches abouties, vient alors la phase de l’exploitation marquée généralement par l’obtention d’une concession minière et par l’octroi d’autorisations de travaux. La concession minière est ensuite accordée de manière discrétionnaire par l’administration, en fonction de différents critères, notamment la capacité technique et financière de l’exploitant[13]. Le titulaire de la concession bénéficie du droit exclusif d’effectuer tous travaux de recherche à l’intérieur du périmètre de cette concession[14]. L’étendue et la durée (50 ans au maximum) de la concession sont fixées dans l’acte de concession[15]. Le titre minier confère par ailleurs à son attributaire un droit immobilier distinct de la propriété de la surface[16]. L’indemnisation du propriétaire pour l’occupation du tréfonds par le titulaire de la concession est prévue par l’acte de concession, qui fixe en vertu de l’article L. 132-15 du Code minier « le montant de la redevance tréfoncière due par le titulaire aux propriétaires de la surface »[17].

Ces dispositions juridiques pourraient apparaitre comme propices pour les projets d’exploitation du gaz de schiste. Même si une redevance légale est prévue, les mouvements d'opinion des propriétaires terriens en France, largement en défaveur d'une exploitation du gaz de schiste, montrent bien que celle-ci ne suffit pas à dédommager les propriétaires.

D’un point de vue juridique, aux États-Unis les propriétaires de terrains sont également propriétaires du sous-sol correspondant et des ressources pouvant y être contenues. La perspective de percevoir une partie des revenus liés à l’exploration et l’exploitation de ces ressources par des compagnies privées (redevance d’exploration pouvant aller jusque 28 000$/ha ou d’exploitation de 12% à 25%) a été un facteur significatif contribuant au développement massif du gaz de schiste. Les particuliers dont les terrains étaient situés sur des zones potentiellement riches en hydrocarbures avaient tout intérêt à faire sonder leur sol en quête de gaz.

Permettre aux propriétaires français de rester propriétaires de leur sous-sol serait une incitation importante au développement de l'exploitation du gaz de schiste.

Et ailleurs, en Europe…

Si le gaz de schiste est interdit en France, d'autres pays d'Europe n'ont pas la même politique. En effet la Grande-Bretagne a déjà fait le choix d'autoriser l'exploration et la production de ses gaz de schiste. l'Allemagne laisse aujourd'hui entendre qu'elle pourrait suivre cet exemple. Ces expériences pourront permettre de vérifier, sur des exemples concrets, la possibilité de forage et de fracturation hydraulique propres. La question de la fiscalité applicable à ces productions éventuelles est également un sujet qui doit être résolue. La Grande-Bretagne dispose d'une fiscalité pétrolière et gazière spécifique pour ses productions conventionnelles. Elle a fait le choix de réduire la fiscalité pour son gaz de schiste.

Autre exemple, la Pologne, pays dans lequel l’estimation des ressources a été divisée par dix par rapport aux estimations initiales, a annoncé fin 2013 qu’il lui faudrait encore quatre ans avant d’obtenir les résultats complets sur les estimations de ses réserves en gaz de schistes et qu’il faudrait forer davantage de puits (au moins cinq fois plus qu’actuellement, 41 puits ayant été forés à ce jour) afin d’estimer de manière complète le potentiel et la rentabilité de la production espérée. Inversement, les estimations des ressources britanniques actuelles pourraient être revues à la hausse et se révéler en définitive près de 20 fois supérieures aux premières estimations. De plus les progrès technologiques constants devraient contribuer à améliorer les ratios de gaz récupérés par puits et accroître les capacités d’extraction de chaque puits. Ainsi l’avenir est-il plus une question de rationalité économique des projets de gaz de schiste que de défi technologique.

 


[1] Statistiques annuelles de British Petroleum (BP) : http://www.bp.com/en/global/corporate/about-bp/energy-economics/statistical-review-of-world-energy/2014-in-review/oil.html

[2] Source: Harold L. Sirkin, Michael Zinser, and Justin Rose, “The U.S. as One of the Developed World’s Lowest-Cost Manufacturers: Behind the American Export Surge,” The Boston Consulting Group, August 20, 2013.

[3]U.S. Greenhouse Gas Inventory Report: 1990-2013,” Environmental Protection Agency, April 15, 2015.

[4]Lower Electricity-Related CO2 Emissions Reflect Lower Carbon Intensity and Electricity Use,” Energy Information Administration website, October 23, 2014.

[5] Voir "Executive summary : Hydraulic fracturing study", 2015.

[6] Voir le rapport Montebourg sur le gaz de schiste.

[7] AIE, World Shale Gas and Shale Oil Resource Assessment, juin 2013.

[8] « Quel est le montant de la facture énergétique française ? », www.connaissancedesenergies.org, 14 mai 2013. En 2012, le déficit de la balance commerciale française (solde « importations - exportations » de biens) a atteint 67 Mds€ selon le ministère du Commerce extérieur

[9] « La France : 3e pays investisseur dans le gaz de schiste américain », www.legazdeschiste.fr, 6 juillet 2013

[10] Question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Schuepbach Energy LLC, titulaire d’un des permis abrogés

[11] Ancien directeur de la Commission de régulation de l’énergie, Thierry Tuot est conseiller d’État depuis juin 2001 et président de l’Association française de droit de l’énergie (AFDEN) depuis 2008

[12] Article L. 122-1 du Code minier

[13] Articles L. 132-1 et suivants du Code minier

[14] Article L. 132-12 du Code minier

[15] Article L. 132-11 du Code minier

[16] Article L. 132-8 du Code minier : « L’institution d’une concession, même au profit du propriétaire de la surface, crée un droit immobilier distinct de la propriété de la surface. Ce droit n’est pas susceptible d’hypothèque »

[17] Article L. 132-15 du Code minier. Le montant de la redevance tréfoncière est de 15 euros par hectare de terrain compris dans le périmètre de la concession et est versé une seule fois pour toute la durée de la concession (Décret n°80-204 du 11 mars 1980 relatif aux titres miniers).