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Gaz de Lacq vs. Gaz de schiste

1951 vs. 2015

Colmatez ce puits, et oubliez-le ! D’après les témoins, c’est l'ordre donné par Myron Kinley, le pompier volant américain, qui avait passé 53 jours à maîtriser l’éruption du gaz de Lacq en 1951. Et le conseil semblait avisé puisque, non seulement les ingénieurs cherchaient du pétrole et pas du gaz, mais sa pression et sa température le rendaient difficile à maîtriser, et surtout ce gaz naturel contenait 15% d’hydrogène sulfuré. Un gaz a priori inutile, toxique pour les personnes, très corrosif pour les aciers et à l’odeur particulièrement désagréable. Mais, en 1951, on n’avait pas encore entendu parler du principe de précaution.

En 1951, la cartographie du sous-sol, assez rudimentaire, n’avait rien à voir avec les images actuellement disponibles grâce au perfectionnement des études sismiques et aux modélisations informatiques. Pourtant, la Société nationale des pétroles d’Aquitaine exploitante du puits de Lacq,  une entreprise plutôt modeste comparée aux géants internationaux du secteur, décida non seulement de ne pas suivre ce conseil, mais au contraire de poursuivre les sondages pour évaluer la taille du gisement. De leur côté, les chercheurs de Vallourec se mirent en tête de produire des aciers capables de résister à la corrosion de ce gaz. Et les politiques n’imaginèrent pas de se mettre en travers de cet audacieux projet. Il aura fallu six ans de recherche et développement pour que la production puisse démarrer. Chez les trois partenaires, les responsables étaient tenaces et un peu chanceux. Mais les résultats furent spectaculaires :

  • 33 millions de mètres cubes produits par jour en 1980 ;
  • Le tiers de la consommation  française de gaz naturel pendant au moins 20 ans ;
  • Des prix stables pour les consommateurs et les industries français ;
  • Des économies de devises très importantes ;  
  • 10.000 emplois directs et indirects sur le site ;
  • Développement d’une industrie chimique à partir du gaz naturel ;
  • Développement d’une industrie chimique à partir de l’hydrogène sulfuré (ce produit parasite !) ;
  • Développement de technologies françaises d’extraction de gaz et de pétrole.        

Gaz de schiste

La publication par Le Figaro du rapport commandé par Arnaud Montebourg, ministre  de l’économie, document tenu secret jusque là[1] ravive les questions sur l’attitude de nos responsables politiques face à l’information des citoyens. Comme on pouvait s’y attendre, le rapport ne s’engage, ni sur des quantités de gaz et de pétrole de schistes disponibles, ni sur des coûts d’extraction et des prix de vente, mais fournit des fourchettes « probables » et « optimistes », en termes de volume de production, de rente estimée, d’emplois créés, de progrès du PIB et de réduction de la dette de notre pays.

Cas probable

Par an

Sur 30 ans

 

PIB

Rente

Emplois

Dette publique

Production

Dette publique

Gaz de schiste

+1,3 %

7,5 Md

+190.000

-14,5 Md €

2000
Md de M3

-14,5 Md €

Pétrole de schiste

+0,4 %

2,3 Md

+  35.000

-3,0 Md €

2
Md de barils

-3

Md €

Note : La France consomme environ 40 milliards de M3 de gaz par an.

Le plein emploi, les progrès du niveau de vie des 30 glorieuses en France, ne furent pas dûs uniquement à l’exploitation du gaz de Lacq, mais à toute une attitude positive vis-à-vis des possibilités offertes par les progrès de la science et de la technique. En Béarn le gaz de Lacq a apporté des nuisances, notamment pendant la première décennie d’exploitation, mais aussi des avantages en termes de développement économique, d’infrastructures, d’éducation et de formation, de système de soins.

Quatre arguments spécieux fréquents
ArgumentRéponse
On n’est pas du tout certain que notre sous-sol renferme vraiment du gaz de schiste.Raison de plus pour savoir à quoi s’en tenir.
Vu la baisse du prix du pétrole, exploiter le gaz de schiste en France n’est pas justifié.La hausse à terme du prix des hydrocarbures est certaine. Chercher du gaz de schiste prépare la France à ce retournement.
La France n'est pas le Texas: exploiter le gaz de schiste ne sera pas rentable. C'est possible, mais c'est aux entreprises intéressées de décider, pas  aux responsables politiques.
Alors qu’il faut réduire la production de CO2, exploiter notre gaz de schiste est un contre sens.

Le but est de remplacer les hydrocarbures que nous importons par des productions françaises, pas d’augmenter notre consommation.

La combustion du gaz produit moins de CO2 que celle des carburants liquides. La France a donc intérêt à encourager cette substitution.

Conclusion

Les responsables politiques français presque unanimes ont décidé en 2011 d’interdire l’exploitation du gaz de schiste pour des raisons électorales. Les techniques d’extraction ont déjà fait des progrès importants, réduisant le nombre de puits nécessaires, les quantités d’eau et la nocivité des produits injectés. Le « rapport secret » a été rédigé par des experts compétents et indépendants, et en se basant sur une nouvelle  technique de fracturation, non plus hydraulique, mais utilisant un gaz non polluant. Des évolutions qui fournissent aux décideurs un prétexte idéal pour changer d’avis sans paraître se déjuger.

[1] Ce secret rappelle celui qui avait entouré le rapport du député Nicolas Perruchot sur le financement des syndicats.