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46% du parc nucléaire d’EDF est encore à l’arrêt

Début novembre, 26 réacteurs sont à l’arrêt sur 56 soit 46% du parc. Le retour à la normale est sans cesse repoussé. Selon EDF le parc serait rouvert à 79% fin décembre et 92% début février mais d’autres sources avancent que seulement 50% du parc sera opérationnel fin décembre à cause des retards pris sur le planning. Il faut souligner que parmi ces réacteurs à l’arrêt, on trouve une grande partie des unités les plus puissantes ainsi :

  • Les quatre N4 (1450/1500 MW) : Chooz 1 et 2 et Civaux 1 et 2,
  • 5 sur 12 du palier P’4 (1300/1330 MW) : Penly 1 et 2, Golfech 1, Cattenom 1 et 3.

Cela nous amène un manque de 30 026 MW, soit 48,93 % de la capacité totale à l’arrêt. Au final, il est attendu qu’en 2022, la production nucléaire française sera 170 TWh en dessous de sa capacité maximale de production. En 2023, il manquera encore autour de 135 TWh et puis encore 120 TWh en 2024.

Ces arrêts représentent entre 45 à 78 milliards d’euros de pertes pour EDF

Début novembre, EDF a déclaré devoir réduire, à nouveau, l’estimation de notre production nucléaire pour 2022 : elle oscille désormais entre 275 et 285 TWh contre les 280-300 TWh prévus précédemment. Ceci à cause de l’allongement de la durée d’arrêt de quatre tranches pour des problèmes de corrosion sous contrainte, ainsi qu’au mouvement social de fin octobre. Pour cette année, EDF estime donc que l’impact sur son EBITDA sera de - 32 milliards d’euros.

Mais cela ne s’arrête pas là. Pour 2023, EDF a confirmé les fourchettes de production nucléaire à 300-330 TWh. Or, pour mémoire, la production maximale du parc a atteint 450 TWh.

On peut donc estimer que le manque à gagner s’élèverait entre 7 et 24 milliards d’euros en 2023 (selon une hypothèse de valorisation à 50 €/MWh ou 180 €/MWh – scénario de la Commission européenne). Enfin, pour 2024, la production nucléaire estimée devrait tourner autour de 315-345 TWh pour un manque à gagner que l’on peut estimer entre 6 et 21 milliards d’euros.

Ainsi, la moindre production nucléaire française entre 2022 et 2024 devrait représenter une perte de valeur située entre 45 et 78 milliards pour EDF, soit de quoi financer la construction de 4 à 8 EPRs.

Production nucléaire : un retour à la normale sans cesse repoussé

Normalement la disponibilité du parc devait remonter à 88% au 31 décembre 2022 et à 96% le 1er février 2023. Mais, suite aux annonces d’EDF du jeudi 3 novembre, les objectifs ont été revus à la baisse et finalement ce sera, au mieux, 79% fin décembre et 92% début février.

Pour mémoire, sur une année normale, à cette période de l’année, la capacité disponible tourne autour de 55 GW. Début janvier, il va donc manquer 12,9 GW sur un total de 61,4 GW, soit une capacité disponible de 48,5 GW. Et cela, si notre parc nucléaire n’affronte pas d’ennui (retard de travaux ou grève) supplémentaire.

Cela est déjà mal parti car le 2 novembre dernier, une fuite a été détectée dans un local du bâtiment réacteur lors d’une épreuve de pressurisation dans le réacteur de Civaux 1. Si le local est confiné, la fuite a généré une dosimétrie importante il va falloir utiliser un robot pour récupérer l’élément éjecté par la fuite. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’impact en termes de calendrier mais ce qui est sûr c’est que la date du 8 janvier est déjà fortement compromise. Ainsi, la capacité disponible en janvier pourrait être limitée à 47 GW.

Aujourd’hui, c’est la remise en route des unités de grande puissance, P’4 et N4, qui inquiètent le plus car EDF est contrainte par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) d’effectuer des travaux complémentaires de soudure, ce qui constitue justement le poste qui présente le plus de pénurie en moyens humains.

Il faut également avoir à l’esprit que l’ASN, face à des fissures limitées, a donné l’autorisation de redémarrage, mais que les travaux devront être faits en 2023, ce qui va encore impacter la disponibilité du parc en 2023 et les comptes d’EDF.

Les détails des délais d’arrêt, dates de retour prévisionnel et retard accumulé

Le premier tableau présente les réacteurs qui doivent revenir sur le réseau d’ici la fin de l’année. A priori, pour ces derniers, les délais devraient être respectés, s’il n’y a pas de problème particulier lié à la corrosion sous contrainte.

 

Projection des retours en ligne des réacteurs d’EDF

(En gras, les retours en ligne décalés significativement)

Retours prévus des réacteurs sur le réseau entre novembre et décembre 2022

Réacteur

Arrêt

Retour prévisionnel

Arrêt

Total /j

Retard     

Jours

Puissance (MW)

Tricastin 4

24/08/22

09/11/22

77

 

915

Chinon B 3

19/02/22

10/11/22

264

 

905

Bugey 4

18/08/22

12/11/22

86

7

880

Cruas 3

07/07/22

12/11/22

138

7

915

Saint Alban 2

08/07/22

14/11/22

139

24

1335

Cruas 2

20/09/22

17/11/22

58

25

915

Gravelines 3

19/03/22

18/11/22

244

10

910

Tricastin 3

12/03/22

18/11/22

251

28

915

Dampierre 2

27/04/22

19/11/22

206

10

890

Belleville 2

13/08/22

19/11/22

98

 

1310

Cattenom 4

18/02/22

21/11/22

276

5

1300

Flamanville 2

12/02/22

27/11/22

288

49

1330

Saint Laurent 2

11/08/22

01/12/22

112

 

915

Dampierre 3

17/10/22

05/12/22

49

9

890

Chooz 2

16/12/21

11/12/22

360

 

1500

Flamanville 1

28/04/22

25/12/22

241

 

1330

Le second tableau liste les réacteurs qui doivent revenir dans le réseau en 2023, et c’est à ce niveau que les problèmes s’aggravent : en effet, début novembre, il n’y avait que 6 réacteurs dans ce tableau, dont 3 prévus pour un retour mi-janvier. Désormais, il y en a 10 dont 4 pour un retour début février et 3 fin février.

Dans ce tableau, Gravelines 4 et Blayais 1 sont concernés par des contrôles obligatoires (visite partielle et visite décennale) et des questions de renouvellement du combustible.

Sont les plus concernées par des problèmes de corrosions sous contraintes, le réacteur de Chooz 1 qui accumule déjà 77 jours de retard « pour extension du périmètre des travaux et réalisation de contrôles supplémentaires ». Le réacteur Penly 2 accumule, également, 67 jours de retard suite à « une indication de corrosion sous contrainte au niveau d’une soudure sur le circuit d’injection de sécurité ».

Concernant Cattenom 1, l’ASN a demandé que des soudures soient réparées avant le redémarrage, ces soudures ayant mis en évidence des indications attribuables à de la corrosion sous contrainte. Les fissures sont de dimension significative (4,7 et 6,1 mm) et, de ce fait, la tenue des tuyauteries n’est pas acquise. D’autres soudures, qui présentent des indications de plus faibles dimensions et dont la tenue mécanique a été justifiée, pourront être maintenues en l’état pour une période limitée, EDF s’étant engagée à remplacer l’ensemble des tronçons de tuyauteries du système d’injection de sécurité sensibles à la fissuration par corrosion sous contrainte lors du prochain arrêt du réacteur prévu en 2023. Concernant Cattenom 3, qui souffre du même problème, les réparations s’avèrent plus longues que prévues.

Retours des réacteurs prévus sur le réseau au début de 2023

Réacteur

Arrêt

Retour prévisionnel

Arrêt

Total /j

Retard        

 Jours

Puissance (MW)

Civaux 1

31/08/21

08/01/23*

130

 

1495

Gravelines 4

17/10/22

08/01/23

83

 

910

Civaux 2

20/11/21

14/01/23

55

 

1495

Penly 1

02/10/21

29/01/23

119

6

1330

Penly 2

20/08/22

29/01/23

162

67

1330

Chooz 1

11/02/22

29/01/23

353

77

1500

Blayais 1

31/07/22

01/02/23

185

 

910

Golfech 1

26/02/22

18/02/23

353

 

1310

Cattenom 1

11/06/22

26/02/23

260

70

1300

Cattenom 3

26/03/22

26/02/23

337

77 

1300

*Compte non tenu de l’incident du 3 novembre.

Comparaison internationale : productivité des parcs nucléaires

Données 2021 (sauf Chine 2020)

 

Avant la crise, notamment celle liée aux questions de corrosion, le parc français était déjà largement le moins efficace au niveau mondial. Sa disponibilité est la seule qui soit inférieure largement à 80 %, contre une normale autour de 90 % à l'international. En heures de production, cela représente un écart de 2 100 heures (pour mémoire une année = 8 760 heures).

De ce fait un GW de nucléaire en France produit péniblement 6 TWh, alors que la norme mondiale est plutôt à 8 TWh, soit un déficit de 25 % à technologie équivalente.

Ainsi la Chine avec un parc plus petit de 20 % produisait quasiment autant que la France en 2020.

PAYS

CAPACITE

En GW

PROD.

En TWh

DISPONIBILITE En %

PROD/GW

En TWh

SOURCE

USA

95,0

760

91,3

8,0

US-EIA

FRANCE

61,4

361

67,1

5,9

EDF

CHINE

49,2

345

80,0

7,0

Estimation

RUSSIE

27,6

222

91,9

8,0

ROSATOM

ALLEMAGNE

8,1

65

91,5

8,0

BDEW

UK

6,0

46

87,5

7,7

EDF

BELGIQUE

5,9

48

91,8

8,1

ENGIE