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Transformer l'administration, une urgence pour réformer

La France est à la croisée des chemins. Le début de quinquennat d'Emmanuel Macron montre les limites d'une gestion publique confiée avec une confiance aveugle aux habituels pilotes de nos administrations. Loin de pousser aux réformes nécessaires, la technostructure plaide en permanence pour maintenir le statu quo. Résultat : la France a assisté, sidérée, au jeu de bonneteau fiscal et au report sine die de la transformation du modèle promise.

Qui pouvait croire qu'une  hausse de 17 milliards d'euros de fiscalité énergétique passerait comme une lettre à la poste pour les Français ? Qui insistait pour aller lentement sur la baisse des dépenses publiques… de peur de casser la croissance ? Alors que l'on attendait des réformes de fond, les vieux réflexes, notamment de Bercy, ont gagné la première manche du quinquennat.

Le président, s'il veut réformer pour la deuxième partie du match, va devoir chercher au-delà des grands corps pour l'épauler. En effet, la disruption n'est pas la marque de fabrique de nos hauts fonctionnaires. Il est quasi impossible aujourd'hui de s'entourer dans l'administration de profils divers. Les postes de haut niveau sont chasse gardée et seulement 5 % de contractuels occupent des postes de direction d'administration centrale (37 sur 683 postes).

Le gouvernement veut certes agir en la matière, si l'on en croit  le projet de loi de transformation de la fonction publique. Il propose une ouverture aux contractuels des 2.556 postes de direction des trois fonctions publiques. C'est une nette avancée.

Mais changer l'ADN de nos administrations demande d'aller plus loin

Pourquoi ne pas proposer la mise en place de quotas de contractuels sur l'ensemble des emplois dits « fonctionnels » de la fonction publique d'Etat ? 

La France aurait aussi tout à gagner à ce que soit réformée la formation dans les écoles d'application de notre élite administrative. La réforme de l'ENA en cours vise surtout à raccourcir la durée des études de trois à deux ans, c'est trop peu. La solution serait de proposer une formation initiale commune d'un an à l'ensemble des grandes écoles publiques (ENA, INET, EN3S) suivie d'une spécialisation. L'ensemble des diplômés, quel que soit leur classement de sortie, devrait ensuite passer dix ans dans un corps d'administrateur civil ou équivalent (comme pour l'Ecole de guerre). L'ENA retrouverait ensuite sa vocation, pour la seconde partie de carrière, d'Executive Business School, dont on pourrait sortir sans être titulaire de son emploi public à vie.

Autre sujet majeur : la transparence. Le projet de loi porté par Olivier Dussopt, qui comporte beaucoup d'avancées en matière de flexibilité, est assez timide sur ce sujet essentiel. Il n'y figure à ce stade aucune mesure de transparence sur les rémunérations des agents y compris lorsqu'ils sont mieux payés que les ministres (REM 150). La proposition est simple : publier, à l'instar de ce que font les Britanniques, toutes les rémunérations supérieures à celle du Premier ministre.

Les années qui viennent seront celles de la simplification, de la baisse de la dépense, de la réduction du nombre de strates publiques et du nombre d'agents et d'élus, de la baisse du nombre d'impôts et de la pression fiscale, de l'externalisation des missions publiques, de la transformation numérique et de la décentralisation. Pour mener à bien ces réformes, le vivier des talents doit être large.

Cette tribune a été publiée dans les Echos, le lundi 15 avril 2019.