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Le rapport de la Cour des comptes critique les dépenses publiques de personnel

Cela sonne comme une menace : « à l'horizon 2013, une réflexion devra être engagée sur une réduction du taux de rétrocession de 50% des économies tirées de la baisse des effectifs » dit le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes au Gouvernement. Ce nouveau rapport annuel de la Cour montre une fois de plus que les économies prévues grâce au non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne seront pas réalisées. «  L'économie brute d'environ 800 millions d'euros par an » devra, selon la Cour, être revue fortement à la baisse. Plus personne d'ailleurs ne comprend que cette règle ait été conservée malgré la crise majeure des finances publiques que nous traversons.

La Cour souligne notamment sur ce sujet que la «  baisse de 0,6% de la masse salariale en 2012 puis de 0,7% en 2013 après une hausse de 0,8% en 2011, si bien qu'elle serait, en 2013, inférieure de 0,4% à son niveau de 2010 » est assez incertaine «  compte tenu de l'évolution des rémunérations. » Nous avions d'ailleurs déjà souligné que la révision générale des politiques publiques avait été souvent l'occasion d'augmentations très conséquentes de primes et de salaires. La Cour propose donc une mesure de bon sens -déjà proposée par le dernier rapport Attali sur la croissance- qui est le « gel de la valeur du point de la fonction publique jusqu'à la fin de 2013 (donc trois années de suite) ». La Cour explique très bien que, si les dépenses de personnel ne sont pas contenues, elle est assez circonspecte sur la possibilité de faire baisser le déficit.

Rapport public annuel de la Cour des comptes, 2011

Curieusement, dans la réponse conjointe qui est faite par les ministères des Finances et du Budget, il est bien fait état du fait que les «  dépenses de l'Etat seront gelées en valeur hors dette et pensions » tout en déplorant que la Cour soit «  trop pessimiste dans ses commentaires sur le respect de l'objectif de déficit public en 2011 ». Mais, dans leur réponse, jamais les ministères ne s'engagent à geler la valeur du point d'indice sur trois ans alors que ce gel ne suffirait même pas à bloquer l'augmentation des salaires qui se fait en moyenne de + 3% par an à l'ancienneté…

Pas non plus d'éléments apportés par le gouvernement sur la proposition de la Cour de faire « un strict plafonnement de l'ensemble des mesures [de salaires et primes NDLR] catégorielles et diverses à 500 M€ par an (dont 400 M€ pour la rétrocession de la moitié des gains de productivité) »… Etrange. Selon plusieurs sources les économies réalisées par le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux seraient en réalité au maximum de 70 à 100 millions d'euros au lieu de 1 milliard d'euros prévu au départ. Pour preuve, (même si d'autres paramètres comme la GIPA et l'augmentation du point d'indice entrent en ligne de compte) en 2010 les dépenses de personnel votées au budget étaient de 117,04 milliards (en fait de plus de un milliard de plus) et, en 2011, les dépenses de personnel, grâce aux économies réalisées, prévues pour 117,18 milliards d'euros [au bas mot]. Avec la négociation en cours qui vise à titulariser une partie des contractuels, c'est encore des dépenses (de retraites) supplémentaires qui s'annoncent. Dans la souricière des dépenses de personnel, il semble que la Cour des comptes soit tout aussi sceptique que la Fondation iFRAP

Source : rapport de la Cour des comptes sur les effectifs de l'Etat (2009)

Port de Marseille

Les personnels du Port de Marseille sont aussi dans le collimateur. Le rapport sur les suites données aux précédentes observations de la Cour note entre autres « qu'un portiqueur est susceptible de gagner mensuellement entre 3.500 € et 4.500 € nets » pour 12 heures de travail par semaine et souligne que « Les dépenses de personnel pèsent de façon croissante sur les résultats du port. En 2008, la masse salariale (94 M€) représentait près de 47% des charges d'exploitation, contre 43% en 2005 ; les frais de personnel atteignaient 63,2% de la valeur ajoutée contre 59,6% en 2005. » Tous ces chiffres exorbitants sont confirmés par le président du directoire du Grand Port Maritime de Marseille. Résultat, entre revendications sociales, grèves et augmentations des dépenses de personnel, le port de Marseille plonge et, selon la Cour « le bilan du port de Marseille est très médiocre : le port a échoué à s'inscrire, contrairement à ses concurrents, dans l'exceptionnel dynamisme du marché des conteneurs ».

Contrôle aérien : aucun progrès enregistré !

Au sein du rapport annuel 2011 dans le cadre du suivi des recommandations de la Cour, l'insertion concernant le Contrôle aérien est particulièrement sévère et se décline en quatre points :

  • D'une part, la reconnaissance de l'illégalité des régimes indemnitaires accordés aux contrôleurs aériens, conduisait en urgence à leur publication au JO du 6 août 2010 par trois décrets et pas moins de douze arrêtés. Malheureusement, la régularisation n'a pas entraîné de refonte globale de ces indemnités particulièrement complexes (tenant compte du statut, du métier, de la localisation, aux fonctions exercées).
  • A la clé, la constatation de l'illégalité du paiement de ces indemnités par les comptables publics de la DGAC. Paiements illégaux qui représentent tout de même 260 millions d'€. Malheureusement, aucune mesure rigoureuse de sanction malgré la mise en débet des comptables par la Cour ne semble frapper les comptables indélicats, qui auraient dû se refuser à payer au nom du sacro-saint principe de séparation des ordonnateurs et des comptables (1862) et du contrôle des seconds sur les premiers… mais ces derniers ont adressé des demandes de remise gracieuse de ces sommes auprès du ministre chargé du budget alors que certaines d'entre elles étaient même contraires dans leur principe au Code monétaire et financier…
  • Par ailleurs, si le niveau des primes est en apparence gelé dans le cadre du dernier Protocole d'accord triennal, l'indexation sur l'inflation est maintenue à partir de 2012 puisque le principe d'une prime supplémentaire spécifique a été retenu permettant de combler l'écart entre le nouveau système désindexé et l'ancien système indexé.
  • Dans le cadre du nouveau projet de protocole signé le 24 septembre 2010, le principe de l'augmentation continue des avantages statutaires perdure avec la confirmation de la progression de la politique indiciaire des corps techniques. On ne peut qu'être abasourdi par ces résultats déplorables en dépit des recommandations et même des poursuites engagées par la Cour en direction des comptables sus-visés… Quant à la légère amélioration du suivi des personnels, donc des « clairances », elle ne doit pas masquer l'absence toujours persistante du contrôle d'aptitude des personnels du contrôle aérien, ni de l'adéquation des cycles de travail avec leurs homologues européens d'Eurocontrôle, au motif que la règle « d'un jour travaillé sur deux » « ne pouvait être remise en cause « sans une négociation sociale à l'issue incertaine. » (sic) ».

Samuel-Frédéric Servière