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Décryptage des subventions accordées par la ville de Paris

Incontestablement, un travail de transparence a été effectué sur les subventions financées par la mairie de Paris car toutes les subventions accordées apparaissent depuis 2014 sur le site open.data.paris. S’y retrouver est le réel problème. Déjà parce que les subventions y sont présentées individuellement alors qu’elles peuvent se concentrer sur une même association. Ensuite, la répartition des secteurs et des associations ne reflète pas toujours la réalité et enfin, parce que 90% des subventions accordées sont de moins de 100 000 euros et près de 50% des subventions, moins de 5 000 euros. C’est dans cette complexité et opacité que la majorité des versements se déroulent, échappant ainsi à la vigilance des citoyens. 

+22% de subventions versées depuis 2014

Début février, l’Hôtel de ville expliquait qu’il était « l’une des rares collectivités françaises à avoir maintenu le niveau des subventions durant l’ensemble de la mandature, malgré la baisse des dotations de l’Etat». Sauf que non, il n’y a pas eu maintien mais bien une augmentation de 22% des subventions versées sous la mandature. En 2013, soit la dernière année complète du dernier mandat Delanoë, les subventions parisiennes étaient de 240,5 millions d’euros… contre 291,2 millions en 2019, soit 20,9 millions d’euros de plus par rapport à 2018. Au total, en 6 ans de mandat, la ville aura versé 1,64 milliard d’euros de subventions.

Concenrant 2020, l’exécutif actuel mise, pour l'instant, sur 283 millions d’euros versés en subventions, soit 8 millions de moins qu’en 2019. 

Des subventions difficiles à analyser

Dès que l’on se penche sur la subvention la plus importante accordée par la ville, on rencontre un obstacle.

En 2019, 12,3 millions d’euros ont été versés à l’Association d'action sociale en faveur des personnels de la ville de Paris et du département de Paris. Cette association reçoit aussi une seconde subvention de 3,1 millions d’euros, portant l’aide à 15,3 millions d’euros au total. Une aide classifiée comme un soutien au secteur « social » dans l’Excel présenté par la ville. Sauf qu’en réalité, il s’agit des dépenses de restauration des 46 000 agents de la ville de Paris (et des usagers d’organismes conventionnés) : en moyenne, cette « association » sert 8 000 repas par jour dans 15 restaurants municipaux et 5 sites de restauration rapide. Une pratique qui existe chez d'autres employeurs publics mais qui ne facilitent pas le suivi des subventions véritables. 

On trouve également 6,7 millions d’euros versés à l'Association pour la gestion des œuvres sociales des personnels des administrations parisiennes qui proposent des conseils juridiques ou gèrent des centres et organisent des voyages et séjours à prix réduit pour les agents ou leur permet d'obtenir des réductions pour des spectacles, sports et loisirs. En 2012, la subvention de la ville représentait 30% du budget de l’association. La plupart des grandes villes subventionnent de tels services pour leurs agents (à la manière de comités d'entreprises).

Un retraitement des données s’impose donc. Lors du traitement des données sur les subventions parisiennes, les dépenses de ce type ont été classées dans la catégorie « fonctionnement de la ville ». Une catégorie qui atteint 25,3 millions d’euros, soit un peu plus de 9% des subventions totales.

 Suite au retraitement des 5 413 subventions accordées par la ville en 2019, nous aboutissons à la répartition suivante :

Répartition et montants des subventions accordées par la ville de Paris en 2019

 

En euros

% du total

Tendance depuis 2018 (en euros)

Social (dont précarité, asile et handicap)

109 millions

37,4

+10 millions

Culture (dont communication et mémoire)

86 millions

29,5

+9,2 millions d’euros

Emploi & économie

11,6 millions

4

+5,2 millions d’euros

Fonctionnement de la ville (personnels, dépenses de retraites)

25,3 millions

8,7

+2 millions d’euros

Tourisme (dont animation estivale)

8,7 millions

3

+1,5 millions d’euros

Ecologie, qualité de vie (dont vie locale)

3,4 millions

1,2

+ 675 000 euros

Architecture & urbanisme

11 millions

3,8

+380 000 euros

Aide internationale

1,2 million

0,4

-80 000 euros

Citoyenneté & droit

6,1 millions

2,1

-228 000 euros

Santé & recherche

5 millions

1,7

-750 000 euros

Logement & habitat

1,1 million

0,4

-900 000 euros

Sport

7,1 millions

2,5

-1,5 million d’euros

Education (dont formation et apprentissage)

16 millions

5,5

-5 millions d’euros

Total

291 millions

100

+20,9 millions d’euros

Source : données, open.data.paris et retraitement iFRAP.

Dans cette catégorie de « fonctionnement de la ville », on trouve cependant plus surprenant : 1,3 million d’euros est versé à une société de retraites de Conseillers Municipaux de Paris et 1,6 million d'euros à une société de retraites de Conseillers Municipaux de Paris et des Conseillers Généraux de la Seine. Ces sommes viennent financer les retraites des anciens élus de la ville ou plus exactement leurs droits à pensions acquis avant 1992… année où les élus des villes de plus de 100 000 habitants (dont Paris) se sont alignés sur le régime de l’Ircantec. Le problème : les droits pré-1992 ne sont financés par aucune cotisation. La mairie a alors choisi de les subventionner (et non de les transférer à des organismes spécialisés dans la gestion de la rente des élus locaux comme le plaidait le ministère de l'Intérieur) en « préserv[ant] les apparences de la gestion associative », comme le décrit la Cour des comptes, dont le seul effet est de limiter la transparence sur la gestion de ces pensions dont on ne connaît ni le nombre de bénéficiaires, ni le budget, ni le montant des pensions. D’ailleurs, ce sont des agents de la ville qui gèrent ces deux associations même si, depuis 2005, la mairie demande le remboursement de leurs salaires aux associations… qu’elle subventionne.

Ce que l’on sait : en 2004, les subventions se portaient à 3,9 millions d’euros pour 163 anciens élus et 89 veuves et veufs touchant une pension de réversion. 15 ans plus tard, les subventions étaient de 3 millions d’euros. Il est attendu que les droits à pension de ces anciens élus ne disparaissent pas avant 2050. 

Priorité au social : +10 millions d’euros par rapport à 2018

Les subventions relevant du « social » représentent plus de 37% du montant des aides accordées par la ville de Paris en 2019. En valeur, elles ont augmenté de +10 millions d’euros depuis 2018 pour atteindre 109 millions d’euros au total. 20% des subventions au secteur font moins de 5 000 euros, et 11 subventions sont de moins de 1 000 euros, ce qui pose la question du coût de gestion (entre aide allouée et traitement du dossier par la mairie).

Notons que le secteur « social » est très large et regroupe beaucoup de thématiques allant de la lutte contre la précarité, aux questions de migration, d’asile, de handicap, de politiques sociales vis-à-vis de personnes âgées et de la petite enfance. Le tri est difficile à faire, d’autant plus que certaines associations couvrent plusieurs de ces domaines. C’est notamment le cas de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon qui reçoit 11,1 millions d’euros de la mairie de Paris via une multitude de petites subventions mais dont le cumul les place loin devant la Croix Rouge Française (2,9 millions) ou Emmaüs (4,7 millions).

Les trois subventions les plus importantes sont attribuées à :

  • 3,5 millions d’euros à France Horizon (qui bénéficie d’un total de 3,7 millions d’euros de la part de la mairie) ;
  • 2,2 millions d’euros à Paris et compagnie (qui bénéficie d’un total de 3 millions d’euros de la part de la mairie) ;
  • 1,5 million d’euros au Centre d’action protestante dans la région parisienne (qui bénéficie d’un total de 3,2 millions d’euros de la mairie).

On notera enfin que 31,7 millions, soit 29% des subventions « social » sont versées à des crèches via 135 subventions. A ce titre, ABC Périculture perçoit 8,8 millions d’euros de la ville de Paris.

Regain de subventions pour la culture : +9,2 millions en 2019

Le secteur « culture » perçoit 29,5% des subventions de la ville de Paris : avec le « social », ces deux thématiques recouvrent 67% des subventions versées par la mairie. Comme le secteur « social », la culture a bénéficié d’une forte hausse des subventions perçues en 2019 : +9,2 millions d’euros… mais à la différence du secteur « social » qui se caractérise par des subventions aux montants colossaux (107 000 euros en moyenne), la subvention moyenne pour la culture est bien moindre, environ 39 000 euros. Cela, tout simplement parce que la ville de Paris en verse 2 fois plus (plus de 2 000 subventions « culture ») qu’au secteur social (environ 1 000 subventions différentes), ce qui traduit bien ce phénomène d'éparpillement des subventions parisiennes : 32% des subventions sont de moins de 5 000 euros et 66 subventions de moins de 1 000 euros, avec la subvention la plus faible atteignant seulement 90 euros pour l'association La Chaise Musicale. C'est d'ailleurs la seule subvention que touche cette association de la part de la mairie.

Les trois subventions les plus importantes sont attribuées à :

  • 8,5 millions d’euros au Théatre Musical de Paris, soit le théatre du Chatelet ;
  • 6 millions d’euros au Théatre Muscial de Paris (qui bénéficie d’un total de 16,5 millions d’euros de la part de la mairie) ;
  • 5,9 millions d’euros au Théatre de la ville, soit le théatre Sarah-Bernhardt (en face du Chatelet), le Théatre des Abbesses, l’espace Cardin et le théatre du 13ème art (qui bénéficie d’un total de 11,7 millions d’euros de la part de la mairie).

Au final, les théâtres parisiens sont subventionnés à hauteur de 36,1 millions d’euros par la ville de Paris via 98 subventions différentes, ce qui représente 42% des subventions au secteur. Il faut aussi compter sur les 7,3 millions d’euros versés à divers orchestres dont l’Orchestre de chambre de Paris qui perçoit 4,5 millions d’euros. Théâtres et orchestres parisiens perçoivent donc plus de 50% des subventions « culture » de la ville de Paris.

Notons aussi, la Maison européenne de la photographie qui perçoit près de 3,5 millions d’euros pour seulement 150 000 visiteurs par an. Paris Ateliers qui propose des ateliers créatifs aux parisiens et qui perçoit 3,6 millions d’euros par an. Ou encore La Place, un centre culturel du Hip Hop qui touche 1,13 millions d’euros.

Le cas du Forum des images

Mais la subvention qui interpelle le plus est celle qui revient au Forum des images : 6,7 millions d’euros auxquels se rajoutent des locaux prêtés à titre gracieux dans le Forum des Halles par la mairie. Qu'est-ce que le Forum des images ? Selon les sources, on parle de vidéothèque de la ville de Paris, d’une salle de cinéma (5 salles de projections), d’un fond d’archive des films ayant Paris comme fond et/ou sujet (9 000 films numérisés mais uniquement consultables sur place), d’une école du numérique, etc.

Les comptes de l’association ne sont pas disponibles mais on sait qu’en 2009, son budget était de 8,7 millions d’euros aux ¾ financés par les subventions de la ville de Paris (soit environ 6,2 millions d’euros) pour 300 000 visiteurs et 80 employés. Une situation qui apparait relativement inchangée depuis. L’adjoint au maire chargé de la culture, ainsi que 5 conseillers de Paris sont membres de droit du conseil d’administration du Forum (une position qui n’était pas rémunérée en 2009).

En 2018, la ville de Paris se serait interrogée sur le bien fondé du maintien du Forum des images, qui existe depuis 30 ans... mais aucune décision n’a été prise pour le moment. Il serait pourtant temps de trancher sur cette association un peu hybride qui depuis 30 ans a dû percevoir près de 180 millions d’euros de subventions.

  • Si on considère le Forum des images comme une salle de projection, rappelons qu’à quelques mètres à peine, dans le Forum des Halles, on trouve un complexe UGC qui est le cinéma qui a fait le plus d'entrées au monde en 2017 (3,3 millions d'entrées annuels) ;
  • Si on considère le Forum des images comme un lieu d'archivage, rappelons qu’avec un budget similaire, 9,94 millions d’euros, les archives nationales et ses 464 agents à temps plein gèrent près de 198 millions de fichiers numérisés. D’ailleurs, à notre époque, se pose la question de l’utilité de proposer 9 000 films numérisés mais seulement disponibles sur place quand des applications, comme Netflix France, propose près de 3 400 références disponibles dans chaque foyer.

Qu’en conclure ?

A la suite du dernier conseil de Paris, l’association des contribuables parisiens avait pointé, dans sa newsletter, les dernières subventions accordées par l'exécutif de ville : en tout, 28,5 millions d’euros distribués à 602 associations. De ce lot, il faut souligner les 1,6 million d’euros versés à l’Association internationale des maires francophones, une association présidée par Anne Hidalgo : c'était déjà le montant accordé en 2019.

Néanmoins, pour décrypter les dernières subventions accordées par la ville, mieux vaut se pencher sur l’intégralité des versements 2019. Il apparait, alors, que l'année passée, la mairie de Paris a augmenté le montant des subventions accordées (+ 20,9 milliards d'euros alors qu’elle mise sur une baisse des subventions pour 2020) et que ces dernières se sont focalisées sur ses deux secteurs de prédilections, le social et la culture. 

Du côté de la transparence, il faut souligner qu'en donnant accès à des Excel complets, la mairie de Paris joue mieux le jeu que la plupart des autres grandes villes françaises qui ne fournissent que des PDF figés empêchant les retraitements. Cependant, la présentation des données restent trop complexe pour être abordées par les citoyens, et notamment par les contribuables parisiens : la part de subventions accordée au secteur social est, notamment, alourdie par les oeuvres sociales, dépenses de restaurations (et de retraites) bénéficiant aux agents (et ex-agents) de la ville. Peut mieux faire, donc, sur ce sujet.