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SAFER : ces opérateurs publics cachés

Les Opérateurs ou Agences de l'État sont des organismes créés par l'État pour faire réaliser par des sortes de « filiales » des tâches dont il s'estime responsable. L'Inspection Générale des Finances vient d'en dénombrer 1.244 pour un coût de plus de 50 milliards d'euros. Mais au moins 26 quasi-opérateurs de l'État ont échappé à ce recensement : les Sociétés d'Aménagement Foncier et Rural, dites SAFER.

La gestion des Opérateurs de l'État ou Agences, est réputée plus souple, plus flexible que celle de l'Administration, à la fois dans son recrutement et son fonctionnement. Moins surveillés par les organismes de contrôle, leurs budgets et leurs effectifs peuvent être « oubliés » dans les statistiques officielles. D'où leur attractivité pour les responsables politiques et leur croissance régulière. L'Inspection Générale des Finances indique que les effectifs des opérateurs ont crû de 6% de 2007 à 2010… alors que les effectifs de l'État diminuaient de 6% grâce à la règle du « un sur deux ». Une situation difficilement tolérable à laquelle le précédent gouvernement et le nouveau ont décidé de mettre un terme.

Financement des Opérateurs de l'État

Les Opérateurs sont financés en grande partie par l'État ou les collectivités locales. C'est exactement le cas des SAFER qui subsistent grâce à des subventions de l'État et des collectivités locales, et grâce à une exonération du montant des droits de mutation sur les transactions immobilières qu'elles réalisent. Ce privilège leur permet de facturer aux acheteurs un montant équivalent, mais à leur seul profit. Le montant de la subvention d'État sera de 4,41 millions d'euros en 2013. Celle des collectivités locales et d'organismes parapublics est souvent plus importante : en Rhône-Alpes par exemple la SAFER a reçu 262.000 euros de l'État, 159.000 du Conseil régional et 227.000 d'autres organismes publics et para-publics. L'exonération des droits de mutation leur rapporte environ 50 millions d'euros par an aux dépens des collectivités locales. N'est-il donc pas choquant que des directeurs de SAFER aillent jusqu'à tenter de gagner des affaires au prétexte que passer par l'intermédiare de la SAFER coûtera moins cher à l'acheteur que de traiter directement ?

Dans son étude des SAFER, Yannick Sencébé de l'INRA Dijon [1] a montré que la SAFER de Bourgogne a eu un "taux de prise de marché de 45% des surfaces qui se vendent" et a donc privé les collectivités locales ou l'État de 45% des droits d'enregistrement et de timbre auxquels ils auraient eu droit et dont ils ont visiblement besoin. Qui peut croire que pour presque la moitié des surfaces, les acheteurs et les vendeurs ont eu besoin d'un intermédiaire pour se mettre d'accord ? La fréquence des interventions de cette SAFER n'est-elle pas d'abord destinée à financer l'équipe des 36 personnes qui y travaillent : "un directeur et cinq salariés au niveau régional, et un directeur avec leur secrétariat de deux ou trois personnes et trois ou quatre conseillers fonciers dans chacun des quatre départements" ? L'auteur souligne d'ailleurs que certaines SAFER sont désormais très proches des agences immobilières classiques. Mais pourquoi sont-elles subventionnées ?

Le Premier ministre a clairement indiqué que les Opérateurs de l'État devaient réduire leurs dépenses au moins autant que l'État l'a fait depuis 5 ans. Les SAFER, à la fois entreprises privées et quasi-opérateurs de l'État doivent naturellement être soumises à un régime minceur au moins équivalent.

Conclusion

Quand le Canada, face à une crise aussi profonde que la nôtre, a décidé de se réformer, la question posée par le chef du gouvernement aux ministres et aux administrations n'était pas « Que pouvez-vous supprimer ? », mais « Que devez-vous absolument conserver ? ».

Les SAFER ne font visiblement pas partie des fonctions à conserver absolument. Elles n'existent d'ailleurs dans aucun autre pays. Au moment où le gouvernement doit réduire fortement les dépenses du secteur public, diminuer les ressources des SAFER puis les supprimer, ainsi que les services des préfectures et du Trésor de chaque Région censés les contrôler, constitue une mesure simple, efficace et rentable.

Lire aussi : Quelles limites pour les agences de l'État ?

En plus des 26 SAFER, d'autres organisations se sont développées tout autour :
- FNSAFER : Fédération Nationale des SAFER
- SCAFER Terres d'Europe : service d'études de la FNSAFER
- Propriétés Rurales : site de vente de propriétés
- Grands Domaines : site de ventes de grands domaines

(deux intitulés qui ressemblent furieusement à des agences immobilières classiques)

[1] publiée en 2012 dans le numéro 20 de la revue Terrains et Travaux