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« Pacte vert pour l’Europe », la tentation du « Grand bond en avant »

En Europe et en France, les plans de réduction des émissions de CO₂ sont l’objet de surenchères lors de chaque élection et de chaque sommet de nos dirigeants. La France s’était engagée en 2015 à réduire ses émissions de CO₂ de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990, un objectif qu’elle est loin d’être en voie d’atteindre, mise à part la période du COVID. Mais les dirigeants européens viennent de fixer la barre à 55% en 2030, aussitôt dépassés par des groupes de pression qui militent pour 60%, et même 65% ce matin. Des objectifs irréalistes qui soit conduiront à des drames économiques et sociaux, soit ne seront pas respectés (comme la baisse à 50% de la part du nucléaire en 2025, la baisse de la consommation d’énergie finale de 1,5% par an (Voir les données en annexe ci-dessous).

Un avenir lointain enchanté

Comme dans toute perspective d’absolu, les promesses du Pacte vert européen sont merveilleuses.

Promesses du Pacte vert européen 2021

  • un air pur, une eau propre,
  • des sols sains et la biodiversité
  • des bâtiments rénovés et économes en énergie
  • des aliments sains et abordables
  • des services de transport public plus nombreux
  • une énergie plus propre et des innovations technologiques propres de pointe
  • des produits plus durables pouvant être réparés, recyclés et réutilisés
  • des emplois pérennes et des formations aux compétences nécessaires pour la transition
  • une industrie compétitive et résiliente à l’échelle mondiale

Un avenir proche menaçant

Mais leur mise en pratique suppose des contraintes sévères, faites de centaines de milliards dépensés par an et d’interdictions..

Mesures du Pacte vert européen 2021

  • Augmenter les prix des carburants routiers et ceux utilisés pour le chauffage
  • Taxer le kérosène aérien pour les vols internes à l’UE
  • Réduire la production agricole
  • Interdire à partir de 2035 la vente de véhicules utilisant un carburant
  • Supprimer progressivement les quota carbone gratuits accordés aux industries lourdes
  • Appliquer une taxe carbone et sociale aux frontières de l’UE

Des questions pendantes

  • Comment éviter les mesures de rétorsion des pays étrangers qui verront dans la taxe carbone aux frontières un nouvel avatar du protectionnisme ?
  • Comment mesurer dans tous les pays étrangers, le taux d’émission de CO₂ (et des autres gaz à effet de serre) pour produire des centaines de milliers de produits, par exemple une chemise, une tonne d’acier, une bicyclette, un quintal de blé ou un semi-conducteur ? Chaque produit étant lui-même constitué de dizaines ou centaines de composants produits dans d’autres pays ;
  • Comment exiger que des pays en développement aient des régimes sociaux identiques aux nôtres ? Faudra-t-il mettre des taxes « sociales » aux frontières à l’intérieur de l’Europe, où le SMIC est de 3 800 € en Suisse, 1 500 € en France, 750 en Grèce et 500 en Hongrie ? Mais le SMIC est un tout petit élément des régimes sociaux qui comporte de nombreux autres aspects (santé, retraites, temps de travail, logement…) Le travail forcé et celui des enfants est absolument condamnable mais marginal chez nos principaux pays partenaires ;
  • Quelle garantie a-t-on qu’en dix ans, tous les matériaux nécessaires aux voitures électriques (et leurs stations de recharge) seront disponibles en quantité suffisante et à des prix acceptables pour produire 16 millions de voitures par an en Europe ? et 100 millions dans le monde ?
  • En Europe, la production d’électricité sera-telle suffisante ?
  • Quels véhicules vendra-t-on aux pays étrangers (ex. Afrique, Amérique du sud, Asie...) qui ne suivraient pas à notre modèle ? (notre effet d’entraînement s’est avéré souvent limité).   

Comme un sentiment d’ivresse

L’ambition, les paris sur l’avenir sont nécessaires, et nos dirigeants aimeraient marquer l’histoire, comme Kennedy s’engageant à aller sur la lune. Mais la lune était un défi technologique précis alors que le Pacte vert décide de changer la vie de 500 millions d’européens. « On ne change pas la société par décret » comme l’a dit Michel Crozier. Aucune des grandes mutations (agriculture, imprimerie, machine à vapeur, pétrole, électricité, informatique) n’a été décidée par un gouvernement. Toutes apportant un progrès considérable, immédiat pour les humains, loin d’être imposées, se sont développées de façon fulgurante par le bouche à oreille. Même Internet, subventionné par le gouvernement américain, était en germe, notamment dans les réseaux préexistants des banques, compagnies aériennes, assurances, et organismes de recherche.

Les risques du grand bond en avant proposé sont considérables. Au mieux, une baisse importante (10 à 15%) du niveau de vie si tout se passait comme prévu. Plus probablement, une série de catastrophes, au moindre retard ou à la moindre anicroche. Faute de perspective d’avenir, l’arrêt des recherches de nouveaux gisements de pétrole et de gaz propulsera en quelques années (5 à 10) le prix du baril de pétrole à des niveaux inconnus (au-delà de 200 dollars). Une catastrophe pour le niveau de vie de milliards de personnes des pays développés, et pour la survie de milliards d’autres dans les pays en développement faisant face à une pénurie alimentaire.  

Dans la lutte contre le changement climatique, l’Europe doit prendre toute sa place de pays avancé, mais rien que la place de 500 millions sur 8 milliards d’habitants. Développer des technologies utiles dans le monde entier serait plus important que de se ruiner en des changements trop brutaux qui ne ralentiront le changement climatique que de façon imperceptible.             

Annexe


Note : La France a baissé ses émissions « internes » des CO2 de 18% en 27 ans. Pour atteindre ses objectifs, elle devrait les réduire de 22% en 13 ans, alors que les solutions les plus faciles (fermeture des centrales à charbon et à fuel) ont été appliquées. Sur la même période, elle a considérablement augmenté ses émissions de CO2 « importé », vidant ses promesses de toute réalité.

 

Note : la division par deux de la consommation d’énergie d’ici 2050 constitue l’hypothèse qui conditionne tout le plan français de transition énergétique. Comme le montre ce graphique, cette baisse n’ayant logiquement pas été amorcée, la diviser par deux en 30 ans tout en augmentant le nombre d’habitants et le PIB par habitant serait suicidaire.