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Énergie = surcoûts + surtaxes + obsolescence programmée

Le coût de l’énergie a été le déclencheur de la contestation sociale de novembre 2018. Les chiffres des budgets 2017-2018-2019, les rapports du Sénat ou de l’Assemblée nationale, et les avis de la Cour des comptes avaient montré que le système échappait à tout contrôle. Mais sans même avoir besoin d’étudier ces volumineux documents, les Français avaient perçu que le chemin pris était impraticable, même pavé de bonnes intentions.

Selon l’enquête de l’INSEE de 2006, la dépense moyenne d’énergie par ménage est d’environ 2.300 euros par an, et représente 8,4% de leurs dépenses, avec 4,8% pour le logement et 3,6% pour les transports. Un taux global qui varie du simple au double suivant le lieu d’habitation : 5,7% dans le pôle urbain parisien, 11,3% dans un espace à dominante rurale. Mais un écart qui ne varie que de 20% entre les 20% des ménages les plus pauvres et ceux des plus aisés. Le faible coût des logements dans le monde rural compense pour cerains cet écart, mais le surcoût en énergie dans le  monde rural explique les différences de sensibilité des ménages en fonction des  lieux d'habitation. D’autant plus que ces moyennes cachent des cas plus extrêmes avec des dépenses d’énergie représentant 20% du budget de certains ménages.

Situation écolo-énergétique de la France

L’impératif mondial de protection du climat a été acté par les gouvernements français et entériné par une majorité de la population. Chaque pays se trouvant dans une situation particulière selon ses choix passés, doit contribuer à l’effort global en fonction de ses besoins et de ses moyens. 

Disposant historiquement de peu de sources de combustible fossile, et ayant totalerment renoncé depuis 2017 à toute recherche et extraction en métropole, la France a développé une production d’électricité hydroélectrique et nucléaire (87%) peu coûteuse et très peu émettrice de CO2. Un atout significatif pour notre pays.

Augmentation des charges liées à l’énergie

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs plans ont abouti à augmenter les dépenses liées à l’énergie. Quel que soit leur mode de financement (prix, taxe, subvention) ou de mise en place (règlementation technique, obligation d’achat) ce sont les consommateurs et les contribuables qui les financent. Huit principales sources ont contribué aux surcoûts de l’énergie en France : 

  • Surcoûts de production
    • Agrocarburants                                                                      
    • Electricité et Gaz produits à partir de la biomasse
    • Electricité renouvelable, solaire, éolien  (coûts directs)
    • Electricité renouvelable (coûts indirects)
  • Taxes et subventions             
    • Certificats d’économlie d’énergie
    • Taxe carbone sur les carburants
    • Travaux d’isolation des bâtiments publics (neufs et anciens)
    • Travaux d’isolation des logements (neufs et anciens)
  • Obsolescnece programmée
    • Fermeture de centrales électriques

Surcoûts de production

Agrocarburants

En France, les consommateurs d’agrocarburants sont pénalisés, le litre d’agrocarburant coûtant plus cher à produire et étant moins énergétique que l’essence ou le diesel. D’après la Cour des comptes, l’inclusion de dérivés de produits agricoles (betterave, maïs, tournesol, colza, blé) dans les carburants automobile ont coûté 600 millions d’euros par an aux automobilistes entre 2005 et 2010. Ce surcoût augmente en cas de baisse des cours du pétrole et avec le taux d’inclusion en agrocarburants. Depuis 2005-2010, le prix du baril a fortement augmenté dans les années 2012-2014 avant de revenir au niveau antérieur. Le taux d’inclusion étant passé de 2,5 à 7,5% conduit à un surcoût de 1,5 milliard d’euros par an pour les consommateurs. Un coût caché qui n’apparaît pas dans le chapitre conscré à aux agrocarburants du « Rapport sur le financement de la transition énergétique » (pages 34-35) publié chaque année en annexe de la loi de finances.    

Surcoût des énergies renouvelables

Le budget 2019 fournit les données suivantes : 

Coût des soutiens à la production d’électricité renouvelable en 2019 (en M €)

Photovoltaïque

Eolien

Biomasse

Biogaz

Hydraulique

Géothermie

Incinération
Ordures

Total

2.879

1.486

346

275

173

25

20

5.203

 

Ce montant total de 5,2 milliards d’euros par an va continuer à augmenter de 10% par an et est prévu à plus de 7 milliards en 2023.    

L’explication de ces montants se lit dans les coûts de production fournis par la Cour des comptes de mars 2018. Les « coûts complets » prennent en compte les subventions versées aux producteurs mais aussi les coûts annexes comme ceux d’adaptation et de gestion des réseaux électriques aux énergies intermittentes, et de financement capacités de production en stand-by, utilisées en cas de pointe de consommation et de faible production aléatoire, éolinene et solaire. Ces coûts, estimés à un milliard d’euros par an pour chacun (réseau et capacité), n’apparaissent pas dans le Compte d’affectation spécial du budget annuel de l’Etat.  

Coût complet  de production des nouvelles énergies renouvelables

Électricité

En euros par Mwh

Éolien terrestre

68 - 108

Éolien en mer posé

130 - 329

Photovolataïque résidentiel

223-407

Photovoltaïque commercial

139 - 246

Photovoltaïque au sol

92 - 167

Solaire thermodynamique

113 - 249

Géothermie

51 - 301

 

Note 1 : la quasi-totalité de ces productions étant de nature intermittente et aléatoire, leur coût doit être multiplié par un facteur tenant compte de ces deux inconvénients. Il est évalué par l’iFRAP entre 1,4 et 1,8 selon les modes de production et le pourcentage de production non modulable en fonction de la demande et des coûts.    

Note 2 : les coûts sont indéxés pendant vingt ans en fonction d’indices proches de l’évolution des salaires.    

Le prix des Mwh produits en 2018 par les méthodes classiques ont évolué entre 32 et 78 € / Mwh. La production nucléaire d’EDF a fourni 75% de l’électricité consommée à un coût d’environ 35-40 euros le Mwh, vendus pour partie à ses concurrents au tarif règlementaire de 42 euros.  

Coût des soutiens à la production de gaz renouvelable en 2019 (en M €)

La méthanisation de déchets alimentaires ou agricoles, et de productions agricoles (maîs, blé) peut produire du gaz injectable dans les réseaux de gaz existants. Cette production est encore faible en France, mais est censée se développer fortement. Son coût sera de 132 mlillions d’euros en 2019, doublant par rapport à 2018, quadruplant par rapport à 2017. Ce montant ne prend pas en compte les subventions ditrectes de l’ADEME représentant jusqu’à 50% des coûts de construction des méthaniseurs.

Coût  de production des énergies renouvelables

Gaz

En euros par Mwh

Méthaniseur

50  - 140

 

D’après le document budgétaire 2019, le prix sur le marché à terme du gaz naturel était fin 2017 de 17 € / Mwh.

Taxes,  subventions, règlementations

Surcoût des combustibles thermiques

Le coût des combustibles importés (pétrole, gaz et charbon) varient en fonction des marchés internationaux. Ils sont depuis longtemps très fortement taxés en France et en Europe, handicapant notre compétitivité, réduisant notre niveau de vie et mécontentant les pays producteurs qui y voient un niveau de droits de douanes hors norme. Mais cette tradition étant bien établie, les surcoûts pris en compte ici concernent uniquement les taxes supplémentaires appliquées depuis 2017.

Trajectoire des augmentations de taxes sur les carburants (budget 2019)

Les taxes sur les carburants rapportaient 33 milliards d’euros à l'État, et les augmententations prévues devaient accroitre ce montant, de 3,5 millards d’euros chaque année, pour atteindre 50 milliards d’euros en 2022.

Isolation des bâtiments,  Adaptation des véhicules automobiles

Les travaux d’isolation des bâtiments existants est souhaitable mais est rarement économiquement rentable,  ce qui explique qu’il faille des subventions massives pour décider les propriétaires privés, publics et sociaux, même très importants, à les réaliser. Pour les constructions neuves, le  surcoût entrainé par les normes d’isolation actuelles (RT2012-2017) est évalué entre 10 et 20% du coût de la construction, soit une moyenne de 30.000 euros pour une maison de 200.000 euros. Un montant considérable pour les ménages comme on a pu le constater quand des modifications du PTZ ou des taux d’intérêt ont entrainé des surcoûts de 10.000 à 20.000 euros et ont constitué un fort obstacle à l’achat. L’économie annuelle théorique étant de 500 euros par an, cette dépense ne sera  amortie qu’en 60 ans.

Les charges sur la collectivité des plans climat dans le bâtiment sont évaluées dans le budget de l’Etat 2019 sont de 13,6 milliards d’euros (tableau ci-dessous). 

Pour les 2,5 millions d'automobiles neuves vendues en France chaque année au prix moyen de 20.000 euros, les normes antipollution renchérissent leur coût de 10%. La charge annuelle pour les consommateurs est donc de 5 milliards d'euros par an (hors contrôle technique sur le parc existant). 

Certificats d’économie d’énergie

Les Certificats d’économie d‘énergie constituent des conseils et des subventions fournis par les entreprises de l’énergie (EDF, Toral, Engie, Carrefour...) à leurs clients pour réduire leur consommation d’énergie. Dans une économie de marché, ces coûts sont généralement  transférés aux clients. Le coût total pour l’économie française évalué en fonction des menaces de pénalités encourues par les entreprises qui ne feraient pas assez d'effort et du coût des CEE émis est de un milliard d’euros en 2019.   

Futurs coûts  de production

Les baisses régulièrement annoncées de coûts de production des nouvelles énergies renouvelables  sont spectaculaires et seraient une très bonne nouvelle, mais aucun projet en France n’a encore été réalisé ou prévu sans subvention, garantie d’achat par l’État ou complément de rémunération. Le prix de vente à EDF des Mwh produits par la centrale photovoltaïque de Cestas, mise en production en 2015, la plus grande centrale photovoltaäique française est de 104,5 € par Mwh pendant 20 ans et indexé sur le coût du travail. Les niveaux annoncés par EDF en Arabie saoudite (21 €/Mwh photovoltaïque) sont encourageants, mais la France n’est pas l’Arabie saoudite ni pour le niveau des salaires peu qualifiés, ni pour celui des terrains, ni pour celui de l’ensoleillement, ni pour les heures des pointes de consommation. Et ces coûts très bas à l’étranger soulignent l’importance de disposer en France d’une énergie la moins coûteuse possible.

En Allemagne, des réponses aux appels d’offre ont été proposées à des niveaux si bas que des doutes ont été émis sur leurs réalisations, s’agissant de lettres d’intentions, les industriels ne sont pas formellement engagés à construire ces centrales. Depuis 2018, les producteurs ne disposant plus de prix garantis doivent vendre leur production au prix du marché, puis recevoir éventuellement un complément de rémunération en cas de niveau insuffisant. Des observateurs allemands estiment qu’une très forte augmentation du prix de l’électricité en Europe, suite à la fermeture de nombreuses centrales nucléaires, à charbon et à gaz, permettrait aux producteurs de vendre leur production, sans complément de rémunération, et  très au-dessus des prix annoncés en réponse à l’appel d’offre.

En France des projets comme les éoliennes marines déjà programmées et qui ne seront pas opérationnels avant 2022 continueraient à produire massivement des Mwh à plus de 150 € / Mwh jusqu’en 2042. Pour les éoliennes terrestres, après une baisse brutale des prix en réponse à l’appel d’offres de mai 2018, ils ont ré-augmenté et la totalité de l’appel d’offres de septembre n’a pas été couverte. Des prix de production divisés en France par trois seraient attractifs, mais confimeraient qu’il serait sage d’attendre que les prix baissent avant de se lancer dans un déploiement massif de technologies non compétitives.

Coût de l’obsolescence prématurée

L’obligation d’achat des productions éoliennes et solaires conduit à la fermeture de centrales à gaz, fuel, charbon et nucléaire. Le cas le mieux évalué est celui de Fessenheim dont l’arrêt coûtera aux contribuables au moins 440 millions d’euros en indeminités aux actionnaires, et 200 millions d’euros de plan de réindustrialisation. De nombreux autres cas ont montré la difficulté de ces plans de réindustrialisation qui se traduisent par des dépenses somptuaires avec très peu de nouveaux emplois industriels, d’autant plus qu’il existe déjà 124 villes où le gouvernement veut soutenir l’industrie. Au total, le coût de ces mises au rebut de 2015 à 2022  de  centrales à charbon, fuel, gaz et nucléaire, est évalué à 2 milliards d’euros de taxes et surcoûts. Le fait qu’une partie de ces fermetures soit souhaitable pour des raisons de pollution athmosphérique, ne doit pas faire oublier que leur coût pèse sur le niveau de vie des Français, et donc il faut limiter au maximum les autres charges.   

Conclusion

Les Français sont confrontés à une situatiuon économique et sociale beaucoup plus tendue que leurs voisins : 2.200 milliards d’euros de dette publique, 40 années de déficits publics, 9% de chômage, 65 milliards d’euros de déficit de la balance commerciale, stagnation du niveau de vie par personne depuis 10 ans. La France est par contre un pays très en avance sur ses concurrents dans la lutte contre le changement climatique. Une situation méritoire et qui la dispense d’alourdir les charges qui pèsent sur ses citoyens tant que ses concurrents ne sont pas parvenus au même niveau d’émissions de CO₂ qu'elle. Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat à la transition énergétique, a annoncé qu’aucune taxe sur l’énergie ne serait plus appliquée sans consenssus de la population. Il aurait fallu penser plus tôt que les responsables politiques sont là pour servir leurs concitoyens plutôt que pour se mettre en valeur dans les réunions internationales. Ce gel doit être vrai pour les taxes visibles (ex. sur l’essence) comme celles cachées (ex. sur l’électricité).

Lire : L'envolée irrépressible de la TICPE (taxe carbone), 6 septembre 2018.