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COP21 : émotion et fierté, irritation et doute

La réunion à Paris de 195 pays, des plus petits aux plus grands, des plus riches aux plus pauvres, de civilisations très diverses, parfois en désaccord voire en guerre entre eux, décidés à parler de l’avenir de l’humanité, aura été un moment très émouvant. Comme les jeux olympiques tous les quatre ans, cet événement mondial a renforcé le sentiment que nous appartenons tous à la même communauté. Mais l’émotion ne suffit pas pour traiter un sujet à cent mille milliards d’euros.  

Sur le plan sentimental, on peut aussi être fier de la réussite technique de ce rassemblement monstre où aucun chef d’État ne semble avoir été égaré, où aucun problème majeur de sécurité ou de protocole ne s’est produit et où un certain consensus a été obtenu par un management à la fois ferme et souple. Mais à côté de ces points très positifs, des aspects fondamentaux n’ont pas été traités.  

Irritation  

Ces dizaines de milliers de personnes venues des quatre coins du monde, dont moins d’une sur cinquante participait effectivement aux négociations, constituaient un véritable contre-exemple de l’économie sobre prônée par ces mêmes participants. Et le matraquage de communication auquel les Français ont été soumis avant et pendant la COP21 tenait plus de la propagande que de la pédagogie. Une attitude inquiétante en démocratie qui laissait penser que, comme pour les ukases de 2011 et 2013 concernant les gaz de schiste, les objectifs de politique intérieure étaient plus présents que ceux de l’avenir de la planète. D’autant plus qu’aucune place n’a été laissée aux idées non conformes ou aux questions dérangeantes.  Comme celle de la baisse inévitable du niveau de vie émise par Jean Tirole, prix Nobel, ou du refus de la repentance occidentale exposée dans « Good COP, Bad COP » de la Fondapol, ou du montant des nouvelles taxes « écologiques » calculées par la Fonsation iFRAP, ou des doutes émis par Philippe Verdier ex-météorologue de France 2, ou de l’appel de quatre célèbres climatologues internationaux en faveur du nucléaire.

Doute

Les quarante pages du protocole final font finalement preuve de modestie. Contrairement à ce qui avait été annoncé par nos responsables, elles ne contiennent pas de prix du carbone (ce n’était pas à l’agenda) et aucun mécanisme contraignant n’a été décidé, mis à part la promesse de refaire le point en 2023. Concrètement, chaque pays a déposé ses objectifs de production de gaz à effet de serre qui aboutiraient au total à un réchauffement de 3 degrés[1]. L’ONU va logiquement proposer des méthodes pour mesurer la quantité de gaz à effet de serre produits ou captés. Chaque pays restera maître d’appliquer ces méthodes et de publier ses propres résultats. Par ailleurs, contrairement à la loi française sur la transition énergétique, l’accord ne fixe pas d’objectif de baisse de la consommation d’énergie. Une position rationnelle puisque Laurence Tubiana, ambassadrice et cheville ouvrière française des négociations sur le changement climatique, a déclaré : "En 2100, l'énergie sera propre et illimitée" .

Sur le plan du financement des pays en développement (au moins 100 milliards d’euros par an à partir de 2020), le flou persiste sur le nom des financeurs et sur la nature des contributions : dons, prêts, investissements privés ? Plus fondamentalement, le « droit au développement » qui a été exigé à juste titre et obtenu par l’Inde et les pays en développement, semble difficilement compatible avec une réduction de la production de gaz à effet de serre. D’autant plus que dans ces pays vivent actuellement 6 des 7 milliards d’êtres humains. Même en Chine, le niveau de vie est encore cinq fois inférieur à celui des occidentaux[2], et un des buts des habitants de ces continents est de se rapprocher du nôtre. Quand il leur faudra choisir entre la nourriture, l’éducation, les loisirs, la santé, le logement et la température de la planète en 2100, on ne peut pas douter du résultat. Ces pays chercheront sans doute à éviter les méthodes les plus polluantes, mais ne renonceront pas à se développer. Et, plus paradoxal, les 100 milliards de dollars annuels du « fond vert » qui seront injectés dans ces pays contribueront à aggraver le problème d’ici 2050-2100 : une centrale photovoltaïque ou une voiture électrique polluent moins que leurs équivalents au pétrole, mais plus que pas de centrale ou de voiture du tout.

Conclusion

Faute d’avoir été clairement évoquées durant la COP21, ces questions jettent un doute sur le niveau de conviction des États et le sérieux des engagements pris. Si le changement climatique est bien dû aux activités humaines et crée les désordres annoncés, l’accord de Paris sera peu efficace. Les deux seules véritables solutions résident, soit dans un vœu de frugalité de l’ensemble des 7 puis 9 milliards d’êtres humains, soit dans des progrès technologiques décisifs. Parier sur cette seconde solution ayant beaucoup plus de chances de s’avérer gagnant, une très grande partie des capitaux consacrés à installer des solutions inefficaces et coûteuses  (ex : éoliennes marines en France, photovoltaïque en Europe du nord) devrait être investie dans la recherche de méthodes rentables d’économie d’énergie, de production d’énergie propre, de « nettoyage » des énergies polluantes, de stockage des gaz à effet de serre et de protection contre les changements climatiques éventuels.

 

Référence : Texte de l’accord (le texte définitif commence page 23)   

                                                               

 

[1] Les débats pour savoir s’il s’agit de  2,75 ou 3 degrés semblent surréalistes compte tenu des marges d’erreur de ces prévisions.

[2] PIB par habitant : Chine 8.000 $, Brésil : 12.000 $, France 42.000 $. http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD