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Baisse des émissions de CO₂ : la trajectoire invraisemblable

Le nouvel avertissement du Haut Conseil pour le climat est sévère : avec une baisse de 0,9%  par an, la France est loin de respecter son engagement de réduire ses émissions de CO₂ de 1,9% par an. Imperturbable, la France promet de les réduire de 3,2% à partir de 2025. Une trajectoire invraisemblable, tant que la France continuera à disperser ses actions.

La question préalable serait de savoir si la France, déjà très peu émettrice de CO2 d’après l’ADEME, doit consacrer des investissements considérables pour améliorer encore et rapidement sa performance. Tant que les autres grands pays, souvent nos concurrents (Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Brésil, Chine, Japon, Espagne, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Italie, Malaisie, Pologne, Royaume-Uni, Russie, Vietnam…) ne se rapprocheront pas du niveau actuel français, nos efforts amélioreront très peu la situation de la planète. Mais ils sont très pénalisants, nos investissements dans l'enseignement supérieur, recherche, développement, application et compétitivité, étant réduits d’autant. De combien sommes-nous prêts à nous appauvrir pour garder le titre de grand pays le moins émetteur de CO2 ?

Mais puisque, à cet instant, une baisse drastique des émissions de CO2 a été fixée de façon démocratique comme la première priorité, il serait logique de concentrer intelligemment et rationnellement nos efforts sur ce sujet. Au moins quatre mesures ne sont pas alignées sur cet objectif, deux sont même contradictoires :

Remplacement de l’électricité par le gaz

Par une décision prise en 2007[1], le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire par l’électricité sont devenus très problématiques dans les constructions neuves. Résultat, une chute brutale (plus de 50%) du nombre de logements neufs chauffés à l’électricité et du nombre de chauffe-eaux électriques Une partie importante des chauffe-eaux électriques restants se sont convertis au thermodynamisme  ou au chauffe-eau solaire. Pour le chauffage, des pompes à chaleur ont été installées, mais comme le montre le diagramme ci-dessous, dans les logements collectifs c’est le gaz qui a massivement remplacé l’électricité. 

Baisse du nucléaire

Le nucléaire n’émettant pas de CO2, notre baisse du nucléaire fait courir le risque d’émissions supplémentaires de CO2. C’est le cas quand les centrales françaises à gaz ou charbon sont utilisées, et c’est aussi le cas quand, faute de capacité, la France importe d’Allemagne de l’électricité produite au mieux à partir de charbon, au pire à partir de lignite.

Chasse au diesel

Le diesel consommant 10% de moins de carburant que l’essence, il émet aussi moins de CO2. La réduction brutale du nombre de voitures diesel, même les plus propres, va à l'encontre de l'objectif de respect de notre engagement CO2. D'autant plus que les utilisateurs de voitures diesel roulent deux fois plus que ceux de voitures à essence.

Isolation des bâtiments

En France, l’isolation des bâtiments chauffés à l’électricité (35% des bâtiments) ne réduit pas les émissions de CO2, la quasi totalité de l’électricité étant produite par les centrales nucléaires (75%),  hydrauliques (11%) et  solaires/éoliennes (7%). 

Plus généralement, toutes les mesures visant à réduire la consommation d’électricité ne contribuent en rien à la baisse des émissions de CO2, et peuvent entraîner des coûts importants.

Conclusion

Pour des effets d'annonce, les gouvernements français s'engagent à Paris et militent à Bruxelles pour des objectifs inatteignales (part du nucléaire, part du biogaz, baisse de la consommation d'énergie, pourcentage de voitures électriques, réduction des intrants en agriculture, niveau de pollution en ville...), qui ne sont jamais tenus. Si lutter contre le CO2 et le changement climatique conditionnent la survie de l’humanité, et constituent la priorité absolue, se disperser sur d’autres objectifs parfois utiles (isolation), parfois incompréhensibles (favoriser le chauffage au gaz) ne permettra pas d’atteindre l’objectif que la France s’est imposé. Dans le domaine  de l’énergie, la France court après quatre lièvres à la fois : fermer des centrales nucléaires, réduire la consommation d’électricité, réduire l’usage du diesel, et enfin réduire les émissions de CO2,  Pas étonnant qu’elle n’en attrape aucun.


[1] Une norme d’équivalence entre énergies, valable dans les pays qui produisent leur électricité à partie de charbon lignite, gaz ou pétrole, mais hors sujet en France.